Les présentations des éditeurs :
06/07/2011 - Durant la Seconde Guerre mondiale, et alors que leurs pays sont occupés, plusieurs milliers de Français mais aussi de Belges s'engagent pour lutter a côtés des
Nazis sur le front de l'Est. Portés par le fanatisme idéologique, ils deviennent membres de Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme, de la Sturmbrigade « Frankreich » et de la
Division Charlemagne, et combattent en Biélorussie, en Galicie en Poméranie et même dans Berlin en flammes.
Parmi les rescapés de cette sombre aventure, certain vont rédiger et publier après-guerre récits et mémoire Ils se nomment entre autres Bassompierre, La Mazière Saint-Loup, Degrelle... C'est ce corpus de textes qu'à étudié Philippe Carrard afin de comprendre les raisons de cette forme la plus noire de la collaboration.
II nous guide ainsi à travers ces récits tantôt tristement héroïques, tantôt surprenants, parfois véridiques, parfois mensongers, mais toujours révélateurs de haines qui n veulent pas s'éteindre. Sans éluder les nécessaires interrogations éthiques : comment convient-il de traiter des œuvres qui défendent des positions inacceptables ?
D'origine suisse, Philippe Carrard vit aux États-Unis où il a longtemps enseigné. II a acquis par ses travaux originaux sur la Poétique de la Nouvelle Histoire. Le Discours historique en France de Braudel à Chartier (Payot, 1998) une notoriété certaine.
Le courrier des auteurs : 29/06/2011
Qui êtes-vous ? !
Je suis professeur émérite à l'Université du Vermont et professeur invité à Dartmouth College, aux États-Unis. Je partage
ma vie entre l'état américain du New Hampshire et la Suisse. Mes recherches portent sur les stratégies d'écriture dans les textes "factuels" qui prétendent à la vérité, par exemple
l'historiographie, les mémoires et les articles de presse.
2) Quel est le thème central de ce livre ?
Le livre étudie les témoignages publiés par les Français qui ont combattu sur le front de l'Est au côté des Allemands
durant la Seconde Guerre mondiale, dans la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF), la Brigade Frankreich et la Division Charlemagne.
Après avoir considéré des problèmes d'authenticité et de véracité, le livre examine la manière dont les volontaires
justifient leur engagement, leur décision de combattre jusqu'au bout et leur absence de remords. Il aborde également les questions éthiques que posent les prises de position des volontaires, à
savoir : tous les témoignages sont-ils dignes d'être livrés et préservés ? Et comment traiter ceux qui défendent des thèses tenues aujourd'hui pour insoutenables ?
3) Si vous deviez mettre en avant une phrase de ce livre, laquelle choisiriez-vous ?
Nous avons combattu pour une cause juste et nous ne regrettons rien.
4) Si ce livre était une musique, quelle serait-elle ?
Götterdämmerung" de Richard Wagner. Dans la mesure où ils ont vécu la retraite allemande de l'URSS, les combats de
Poméranie et la chute de Berlin, les volontaires ont participé du "Crépuscule des Dieux" du Troisième Reich.
5) Qu'aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité ?
Le fait qu'enquêter sur ces témoignages m'a passionné, quelles qu'aient pu être les réserves que j'ai éprouvées à l'égard
de certaines des thèses qu'ils défendent.
La revue de presse Marc Riglet - Lire, mai
2011
L'étude des témoignages de ceux qui firent ce choix conduit donc à s'interroger plus sur des motivations individuelles que sur des mouvements de fond qui auraient traversé la société française. Précisons que Philippe Carrard s'épargne de porter un jugement moral sur la "collaboration militaire". L'affaire de ce point de vue est entendue : c'est la réprobation. Non, tout l'intérêt et l'originalité de son ouvrage tiennent à cette attention portée à la nature des témoignages laissés par les acteurs...
L'ensemble constitue un exposé précieux des interrogations nécessaires à l'examen des sources testimoniales. Que le témoin ait été ou non "condamné" par l'histoire.
Les courts extraits de livres : 06/07/2011
Extrait de l'introduction - Un des moments les plus mémorables, dans le documentaire de Marcel Ophuls Le Chagrin et la Pitié, est sans doute l'interview par André Harris de l'ancien volontaire de la Waffen-SS Christian de La Mazière. Filmé au château de Sigmaringen, en souvenir de ce qu'il décrit comme une « piteuse expédition » entreprise dans l'espoir de rencontrer le maréchal Pétain (2003, p. 203), La Mazière explique pourquoi il s'était engagé dans la Waffen-SS en été 1944, puis relate ce qu'il avait vécu en Poméranie en février-mars 1945'. Cette interview, comme le souligne Henry Rousso (1987a) dans son analyse du film d'Ophuls, mettait en lumière un aspect de l'Occupation « méconnu et oublié » : des milliers de Français s'étaient portés volontaires pour combattre au côté de l'Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale, et ils ne l'avaient pas fait par «vénalité» ou « turpitude intellectuelle ou morale », comme le voudraient certains stéréotypes du collaborationniste ; ils s'étaient engagés par conviction « politique et idéologique », pour défendre sur le champ de bataille ce qu'ils pensaient être une juste cause.
Si l'interview de La Mazière dans Le Chagrin et la Pitié rappelait aux spectateurs qu'il y avait eu une collaboration militaire, elle signalait également l'existence d'un type particulier de mémoire : certains des Français qui avaient combattu pour les nazis étaient prêts à témoigner, plus précisément à retracer les circonstances de leur engagement, raconter ce qu'ils avaient vécu pendant la guerre et décrire la manière dont ils s'étaient (ou ne s'étaient pas) réintégrés après leur retour en France. En fait, le témoignage de La Mazière n'était pas le premier : quelques-uns des volontaires avaient déjà publié leurs mémoires à la fin des années 1940. Mais les textes qu'ils avaient fait paraître étaient passés inaperçus, sort partagé par de nombreux témoignages sortis à un moment où les Français semblaient incapables d'achever ce que Rousso (1987a) appelle leur « travail de deuil » et « réprimaient » tout ce qui pouvait évoquer les années noires. Selon les statistiques produites par Annette Wieviorka (1992) dans son étude du Génocide, les déportés français avaient publié entre 1944 et 1947 plus de cent ouvrages sur les camps; mais ces textes avaient été ignorés à l'époque, la plupart des Français désirant reprendre au plus vite une vie normale, et les historiens présumant que les déportés ne voulaient pas parler des épreuves qu'ils avaient subies - épreuves souvent tenues pour « indicibles ». La « répression » que Rousso diagnostique n'était d'ailleurs pas propre à la France. Comme Barbie Zelizer l'a noté, plusieurs ouvrages sur la Shoah, qui plus tard sont devenus des best-sellers, tels que le Journal d'Anne Frank, La Nuit d'Élie Wiesel et Si c'est un homme de Primo Levi, avaient peiné à trouver un éditeur, que ce soit aux Pays-Bas, aux États-Unis ou en Italie; l'industrie du livre estimait qu'il n'y avait guère de public pour des textes portant sur des événements à la fois tragiques et peu connus, et dont la vraisemblance pouvait au demeurant poser problème.
Auteur : Philippe Carrard
Date de saisie : 06/07/2011
Genre : Histoire
Éditeur : Armand Colin, Paris, France