Date de parution : 07/01/1998 - Pourquoi et comment devient-on anarchiste à 20 ans vers 1890 ? L’itinéraire de Paul Delesalle
est exemplaire. Les Ravachol, les Auguste Vaillant, les Émile Henry pratiquent alors la propagande par le fait. Lui-même sera soupçonné en 1894 d’avoir posé une bombe. Bientôt pourtant, il
abandonne le terrorisme pour le syndicalisme révolutionnaire, et devient l’un des organisateurs des Bourses du travail puis secrétaire adjoint de la CGT, et anime le fort courant libertaire qui
subsistera longtemps dans la centrale.
Paul Delesalle, un anarchiste de la Belle Époque
Auteur : Jean Maitron
Éditeur : Fayard
Collection : Les Inconnus De L'Histoire
Date de parution : 07/01/1998
Genre : Anarchistes
Le parcours de Paul Delesalle (1870-1948) illustre on ne peut mieux ce que fut la trajectoire de ces nombreux libertaires qui animèrent le syndicalisme
français des « temps héroïques ». Contrairement à Fernand Pelloutier, Émile Pouget ou Georges Yvetot, tous petits-bourgeois d’origine, P. Delesalle était issu du milieu ouvrier et il
fut lui-même ouvrier – un ouvrier d’élite du reste, spécialisé en instruments de précision – de 1883 jusqu’à 1897. Cette année-là, à ses 27 ans, il quitta définitivement l’atelier pour se
consacrer d’abord, et à temps plein, à l’animation de la revue de Jean Grave, Les Temps nouveaux, dans le même temps qu’il commençait d’occuper des postes de direction dans les
organisations syndicales, la Fédération nationale des Bourses du travail, puis la CGT. De 1902 à 1907, il devint véritablement un permanent syndical, voué entièrement à la cause du syndicalisme,
où, à l’instar de nombre de ses compagnons, il voyait une sorte d’ « école pratique de l’anarchisme ».
C’est alors qu’il était encore un ouvrier en exercice à la Maison Doignon – constructrice du premier appareil de cinéma conçu par les frères Lumière – qu’il se rendit, l’été 1896, au congrès
socialiste international de Londres, en tant que représentant du Syndicat des ouvriers en instruments de précision et de la Bourse du travail d’Amiens, une expérience dont il rendrait compte,
avec ses camarades des Étudiants socialistes révolutionnaires internationalistes (ESRI), dans la brochure Les Révolutionnaires au congrès de Londres. Dans les années suivantes, il devait
intervenir régulièrement dans les congrès corporatifs, en particulier à celui que la CGT tint, en 1897, à Toulouse, où il intervint à de nombreuses reprises, tout particulièrement comme
rapporteur du thème du boycottage et du sabotage, traité par une commission composée en grande majorité d’anarchistes. Le rapport, probablement rédigé par Pouget, fut édité en octobre 1897 par
Les Temps nouveaux avant d’être publié sous forme de brochure.
Bien qu’ayant exhorté les libertaires à rendre « communiste-anarchiste » un mouvement corporatif qu’ils avaient déjà contribué à garder sur le pur terrain économique, il n’en intervint
pas moins, en 1902, au congrès de Montpellier – le congrès de la fusion entre les deux organisations grève-généralistes, la Fédération des Bourses du travail et la CGT –, pour éviter qu’on fasse
figurer dans les statuts de la CGT toute mention à la « société communiste ». Cela pouvait, pensait-il, donner « une forme politique » particulière à la société visée par le
mouvement syndicaliste alors qu’il fallait s’en tenir au mot d’ordre, purement « économique », d’ « abolition du salariat et du patronat » : preuve, si besoin était, que
les anarchistes de la Confédération n’attendirent pas le congrès d’Amiens pour admettre le caractère « a-politique » du syndicalisme.
Au cours de ses années militantes les plus actives, P. Delesalle écrivit de très nombreux articles pour la revue de J. Grave, mais aussi pour La Voix du Peuple, l’hebdomadaire de la CGT, pour
l’éphémère L’Avant-Garde socialiste syndicaliste révolutionnaire, paru au cours de l’année 1905, et quelques-uns aussi pour Le Mouvement socialiste, de Hubert Lagardelle, ces
derniers en réponse à une sollicitation de Georges Sorel, avec lequel il entretint des relations d’amitié suivies jusqu’à la mort de celui-ci, en 1922. Il est enfin l’auteur d’une série de
petites brochures qui n’apportent sans doute « rien de nouveau sur le syndicalisme » (dixit Jean Maitron), mais qui n’en restent pas moins des pièces importantes du précieux corpus du
syndicalisme révolutionnaire « à la manière française » : Aux travailleurs – La Grève ! (paru anonymement en 1900), Les Deux Méthodes du syndicalisme (1903),
La Confédération générale du travail. Historique. Constitution. Buts. Moyens (1907), puis Les Bourses du travail et la CGT (1909, chez Marcel Rivière), une étude que Sorel jugea
« singulièrement précieuse ».
Celle qui suit est la retranscription d’une conférence donnée à la Bibliothèque d’éducation libertaire de Belleville, le 17 mai 1900, dans laquelle P. Delesalle s’explique sur la double visée du
mouvement syndical – d’une part, la satisfaction des intérêts matériels et moraux de la classe ouvrière et, de l’autre, la suppression de la classe capitaliste – et défend la nécessité, pour les
anarchistes, de l’orienter dans un sens toujours plus révolutionnaire et émancipateur, à une époque où une partie d’entre eux manifestaient encore la plus grande méfiance pour l’action
corporative en dépit des appels répétés de F. Pelloutier et de É. Pouget.– Miguel Chueca – Pour lire la
suite :
Une conférence de Paul Delesalle
http://acontretemps.org/spip.php?article289
Jean Maitron, né le 17 décembre 1910, mort le
16 novembre 1987, est un
historien français spécialiste du mouvement ouvrier.
Pionnier de l'histoire ouvrière en France, il l'a fait entrer à l'université et lui donne ses bases archivistiques, avec la création du Centre d'histoire du syndicalisme à la Sorbonne. Ses publications englobent des ouvrages de référence, notamment le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, poursuivi après sa mort et appelé couramment « le Maitron », et une histoire de l'anarchisme. Jean Maitron a fondé et dirigé deux revues : L'Actualité de l'histoire puis Le Mouvement social.
En 1996, la Fédération de l'éducation nationale crée le prix Jean-Maitron qui récompense un travail d'étudiant qui prolonge son œuvre. Une collection de livres d'histoire sociale porte également son nom.
Son œuvre est poursuivie par une équipe dirigée par Claude Pennetier, dans le cadre du Centre d’histoire sociale du XXe siècle (CNRS / université de Paris I). En 2006, une nouvelle série du dictionnaire, prévue en douze volumes, a vu le jour. Intitulée Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, elle couvrira la période 1940-1968.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Maitron
www.ina.fr/.../jean-maitron-dictionnaire-biographique-du-mouvement-o...2
mn - 19 mars 1993 |