Arte – 22h55 – Vendredi 07 mai 2010
Durée : 1 heure 30 minutes
Sous-titrage malentendant (Antiope).
Stéréo
En 16:9
Le sujet
Durant plusieurs mois, la vie des patients et des soignants dans les services fermés de l'hôpital Sainte-Anne à Paris, une unité psychiatrique.
La critique
Des pleurs, des cris, des hurlements déchirants : telle est la bande-son d'un hôpital psychiatrique. Les services fermés du très en pointe Centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris, où sont internés des patients sur demande d'un proche ou de la police, n'échappent pas à cette manifestation de désespoir de personnes incapables d'exprimer leur souffrance mentale par des mots. Avec ces sons, ce qui frappe aussi dans ce documentaire tourné dans l'ancien asile pour « fous » édifié en 1867 à l'initiative de Napoléon III, c'est la tenue des internés : un pyjama bleu. Semblable à celui, autrefois rayé, que portaient les prisonniers. Ce qui frappe encore, c'est de voir des hommes et des femmes se croiser sans communiquer, chacun semblant enfermé dans un monde imperméable à quiconque.
A l'écran, le secteur de santé mentale n° 15 de hôpital Sainte-Anne apparaît comme un long couloir bordé de chambres de patients et de locaux réservés au personnel. Dans cet endroit clos
déambulent pyjamas bleus et blouses blanches. Les uns apparemment sans but, les autres affairés et pressés. Deux univers qui se côtoient sans s'interpénétrer. Victimes du manque de moyens, d'une
réduction de plus en plus drastique des effectifs et de l'afflux incessant de nouveaux patients, médecins, infirmières et aides-soignants sont accablés de travail. Parallèlement, le temps
s'écoule lentement pour les malades dont les journées sont seulement rythmées par la prise d'un traitement qu'ils acceptent plus ou moins bien, par un éventuel entretien avec leur psychiatre
attitré, par les repas et les cigarettes qu'ils sont autorisés à fumer à des moments précis de la journée dans le petit jardin de l'établissement. De temps à autre, l'un d'eux craque, devient
agressif et menaçant. Une nuée de blouses blanches s'abat alors sur lui, le transporte en chambre de contention et l'attache avec des sangles sur un lit. Pour « l'apaiser », disent les
infirmières.
Présenté comme une immersion en « cinéma direct » (visant à traiter d'un sujet en se rendant autant que possible invisible et en se gardant de tout commentaire), ce film d'une heure et demie
souffre cruellement de la méthode adoptée. Le téléspectateur aurait en effet besoin d'un minimum d'explications pour comprendre la réalité de cette unité de soins psychiatriques. Combien de
patients y sont soignés ? Pour quels symptômes ? En quoi consistent les traitements ? Quelle est la durée moyenne des séjours ? Comment le personnel soignant supporte-t-il ce travail difficile et
parfois brutal ? Tels qu'on les voit, les malades apparaissent totalement livrés à eux-mêmes. Les rares discussions filmées entre médecins portent essentiellement sur la posologie à administrer à
ceux qui posent problème. Mais qu'en est-il des psychothérapies analytiques et des thérapies cognitivo-comportementalistes appliquées à Sainte-Anne, même dans ses secteurs fermés, comme l'indique
le site de l'hôpital ? On assiste à une séance d'électrochocs, forcément pénible à regarder, sans que soit expliqué que cette thérapeutique, autrefois si décriée et de nouveau utilisée, apporte
un réel mieux-être dans certains cas de dépression ou de bipolarité. Plusieurs scènes choquent. Celle par exemple où un patient, particulièrement nerveux il est vrai, et déjà placé auparavant
sous contention, s'en prend verbalement à une infirmière qui, vraisemblablement à bout, lui lance : « Vous ne manquez pas de respect aux gens sinon on va vous rattacher avec des piqûres aux
fesses ! C'est ça que vous voulez ? » Ou encore celle où une jeune femme, qui refuse d'enlever un jean gardé sous le pantalon du pyjama réglementaire, est déshabillée de force par quatre
soignants. Puis, comme elle résiste, pourtant sans violence, est menacée d'une injection et enfin attachée, pieds et mains liés, sur un lit. Commentaire d'une infirmière à un collègue : «
Elle n'est pas agitée, elle est angoissée. Si elle avait été agitée, elle aurait eu mille fois l'occasion de nous taper. » Alors, pourquoi ce traitement qui semble punitif ?
« Depuis la Seconde Guerre mondiale, on n'a jamais connu cela : les chambres d'isolement et les mesures de contention se sont multipliées », lit-on dans un article du quotidien «
Libération » paru en novembre 2009. « Le plus grave n'est pas qu'il y en ait, dit, dans cet article, le Dr Alain Mercuel, chef du service santé mentale et exclusion sociale de l'hôpital
Sainte-Anne, car on a parfois besoin d'isoler les patients. Mais l'impression que l'on a, c'est que chacun fait sa tambouille au gré des difficultés du service. » Surmenés et donc
contraints à régler hâtivement les situations de crise, les soignants sont trop souvent amenés à faire fi de leur conscience professionnelle. Dommage qu'ils n'aient pu expliquer ici leurs
tourments !
Sylvie Véran
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