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http://pmcdn.priceminister.com/photo/933994723.jpgDocument 04/02/2013 - Wanda, la mère de l'auteur, se retrouve veuve sans le savoir : son mari a été exécuté par les Soviétiques lors du massacre de Katyn. Elle sera déportée en Sibérie avec son fils de quatre ans. Dans cette prison à ciel ouvert, elle devra oublier qu'elle a été une jeune femme un peu frivole pour devenir une quasi-pauvresse animée par la farouche volonté de vivre et de faire vivre son enfant. De retour en Pologne après la guerre, ils y seront en butte à l'antisémitisme et connaîtront le sort réservé à tant de Juifs laïques transbahutés d'un pays à l'autre, pour finir leur longue errance en Belgique.


Tous ceux, collègues, condisciples, patients, qui ont connu Jerzy Hildebrand, iront de découverte en découverte en lisant Wanda, tant cet éminent neurologue, professeur à l'Université Libre de Bruxelles, chef du service de neurologie à l'hôpital Érasme, spécialiste des complications neurologiques au cancer dont il fut un pionnier, consultant bénévole à l'Institut Bordet et au service Mazarin de la Pitié-Salpêtrière (ce qui lui valut la Légion d'honneur), était pudique sur son extraordinaire projet de vie.


Quant à ceux qui ne l'ont pas connu, ils pourront tout autant se passionner pour l'histoire de cette femme, Wanda, qui est parvenue à rester elle-même à travers les convulsions du vingtième siècle.


Un texte émouvant, mais où l'humour permet de tenir à distance ce que le récit pourrait comporter de trop dur. Un des plus beaux hommages qu'un fils ait rendus à sa mère, avec cet énorme mérite de ne pas tenter d'en faire une sainte, mais de peindre une femme courageuse, pragmatique, libre, pleine de gaîté et d'humour, dont les qualités étaient parfois contrebalancées par quelques travers et des préjugés d'un autre temps.


  • Les courts extraits de livres : 04/02/2013

 

La déportation - Par une tiède nuit de juin 1940, le long serpent de wagons à bestiaux de couleur rouille s'immobilise enfin en gare de Boulayevo, une bourgade du Kazakhstan du Nord, entre Petropavlosk et Oms, coupée en deux par la voie ferrée du Transsibérien. Parti deux mois plus tôt de Rovno, ville de l'Ukraine alors polonaise, le convoi a parcouru des milliers de kilomètres, traversé l'Ukraine et la Russie, franchi les vieux monts Oural avant d'atteindre les steppes d'Asie. Le périple cahoteux fait d'arrêts imprévus, de marches arrière, de brusques départs et de mystérieux détours s'achève enfin. Les passagers du train sont essentiellement des femmes et des enfants. Les rares hommes qui les accompagnent ont des cheveux blancs et clairsemés. Tous sont des bourgeois polonais déportés en Sibérie par les autorités soviétiques, qui depuis des mois occupent l'est de la Pologne, pour «bénéficier» d'une rééducation prolétarienne, ma mère et moi sommes du voyage. J'ai quatre ans. Les dames qui nous accompagnent, souvent fort maquillées, portent encore les habits européens et les souliers à hauts talons qu'elles mettaient il y a peu pour prendre le thé dans une élégante pâtisserie de Rovno ou pour assister à quelque réception. Dans les wagons à bestiaux, où elles cohabitent depuis de longues semaines, ces tenues leur donnent un air surréaliste. Toutes parlent un polonais très pur et s'efforcent de rester polies même dans leurs différends, qui portent généralement sur l'espace vital réservé à chaque famille. Les vieux messieurs pratiquent le baisemain et s'inclinent gracieusement quand ils croisent ces dames.


Une aube grise et rose se lève à peine quand paraît le chef de la police. C'est un homme de haute taille, corpulent et jovial. Il porte un uniforme militaire kaki, une haute casquette ornée d'une étoile rouge et des bottes noires et luisantes en cuir souple. Quelques agents très jeunes et vêtus avec beaucoup moins d'élégance l'entourent. Il leur ordonne de rassembler les nouveaux arrivés. Du haut des quelques marches qui donnent accès à la gare, le commissaire domine la masse des déportés. Décoiffées, à peine réveillées, les femmes tournent vers lui leurs visages inquiets.


- Polonais, bienvenue en Sibérie, dit-il en découvrant quelques dents en or. J'ai été prévenu de votre arrivée et je vous attendais. Tout à l'heure, des camions vous transporteront dans les villages et les kolkhozes de notre district. Vous y vivrez avec les gens de chez nous et vous y mènerez la vie des gens de chez nous. Ici vous n'êtes pas en prison, on ne garde ni ne surveille personne. Pas besoin, vous êtes libres, n'êtes-vous pas tous nos invités ? D'ailleurs, pourquoi vous garderait-on, à quoi bon fuir ? Que trouverez-vous cent verstes plus loin sinon un autre kolkhoze ou un autre village pareil à celui que vous aurez quitté.


Visiblement satisfait de la harangue, le policier sourit à nouveau avec bonhomie et porte un regard circulaire sur les déportés rassemblés en demi-cercle. Les femmes l'ont écouté en silence. Puis, très lentement, certaines commencent à réaliser ce qui leur arrive : elles sont en Sibérie pour de bon, et sans doute pour longtemps. Elles veulent en savoir davantage et comprendre. Elles posent des questions pratiques dont la naïveté désarme le policier :


- A-t-on prévu des logements, sont-ils décents au moins, ont-ils des salles de bain et des toilettes ?


Soudain, une d'elles s'écrie : « Mais où sont donc nos maris ? Lors de notre départ, on nous a assurées qu'ils nous attendraient ici. On nous a même recommandé d'emporter tous leurs vêtements. »

 

Wanda : de la Sibérie à Anvers, le courage de la différence

Auteur : Jerzy Hildebrand

Date de saisie : 04/02/2013

Genre : Biographies, mémoires, correspondances...

Editeur : M.E.O., Bruxelles, Belgique

 

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/34/Jean_Morzadec_photographi%C3%A9_par_Oleksandra_Yaromova.jpg/220px-Jean_Morzadec_photographi%C3%A9_par_Oleksandra_Yaromova.jpgLechoixdeslibraires.com a été créé par Jean Morzadec et son équipe, afin de rendre hommage à la compétence des libraires, qui sont les ambassadeurs du livre.

De nombreux libraires ont ensuite demandé à ce que le site devienne le grand portail de l’actualité du livre.

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C’est une mission exaltante.

Jean Morzadec a travaillé plus de trente ans à France Inter, dont il fut directeur des programmes de 1999 à 2005, sous la présidence de Jean-Marie Cavada. Il se consacre aujourd’hui, avec passion, au développement de sites culturels dédiés particulièrement à l’amour des livres.

 

 

Tag(s) : #Goulags soviétiques - chinois
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