06/12/2013 - 1661 : Mazarin est mort, laissant à Louis XIV un royaume pacifié dans une Europe que domine la France. Mais l'État, ruiné par vingt-cinq ans de guerres, est au bord de la faillite. Le jeune roi décide de gouverner par lui-même, mais nul ne l'en croit capable. Sur les conseils de Colbert, son premier geste d'autorité, pour appuyer l'indispensable réforme des finances, est la mise en jugement du surintendant Fouquet, accusé de prévarication. Mais le procès, qui devait être bref, échappe à ses initiateurs, il déborde le cas de l'intéressé et tourne au bras de fer avec la magistrature. Il s'étire sur plus de trois ans pour conclure sur un bannissement, que le roi mue en prison à vie.
Pourquoi et comment en est-on arrivé là ? Ce livre est une enquête sur son procès, qui prend en compte les comportements successifs des différents acteurs. Riche en péripéties parfois drôles, captivant comme un roman policier, le récit, fondé sur des témoignages d'époque, s'en distingue par son respect de l'histoire et son refus du manichéisme.
Il fait revivre une société encore mal remise des turbulences récentes. Il narre aussi l'aventure personnelle de trois hommes contraints de faire face à l'imprévu : un roi novice qui découvre les limites de son pouvoir réputé « absolu », un accusé qui déploie pour sauver sa tête toutes les ressources de sa formation initiale d'avocat, et un magistrat honnête et loyal qui se transforme, pour la défense du droit, en irréductible opposant.
Sur un sujet qui passe pour bien connu, c'est un éclairage très neuf, mis en valeur par le talent de conteuse de Simone Bertière.
- La revue de presse Jean-Marc Bastière - Le Figaro du 31 octobre 2013
C'est l'histoire de ce célèbre procès que nous conte avec bonheur Simone Bertière. Elle éclaire avec acuité - autant qu'il est possible - les ténèbres des agissements humains et interprète de façon parfois originale les arcanes d'un événement qui nous échappe en grande partie. Comme d'autres historiens, elle remet en cause certaines idées reçues qui, sans toujours être fausses, ont été exagérées, comme la jalousie du jeune Louis XIV lors de la fête de Vaux-le-Vicomte.
- Les courts extraits de livres : 06/12/2013
Extrait de l'introduction - Nicolas Fouquet est un merveilleux personnage de tragédie classique ou de roman à la manière de Balzac. Les bonnes fées avaient tout déposé dans son berceau, l'intelligence, le charme, l'affection d'un clan familial soudé, la protection de l'Église. Une ascension fulgurante le hissa jusqu'au poste prestigieux de surintendant des finances. L'or lui coulait des mains, les femmes lui ouvraient les bras, un chœur d'écrivains célébrait ses mérites, il bâtissait pour accueillir ses hôtes un château enchanteur. En 1661, après la disparition de Mazarin, tout semblait réuni pour faire de lui le premier ministre d'un roi supposé frivole. Et la haute société parisienne s'en réjouissait, tant il était aimable, serviable, généreux. Son arrestation et sa mise en jugement pour prévarication constituent un de ces coups de théâtre qui viennent illustrer, selon les moralistes, la fragilité de la condition humaine. À Rome, la roche Tarpéienne, toute proche du Capitole, rappelait aux généraux triomphants que la mort les guettait. Au XVIIe siècle, l'idée de «grandeur et décadence» prenait, avec la dévalorisation de la vie terrestre, une tonalité religieuse. Elle est porteuse, en tout lieu et en tout temps, d'une forte charge d'émotion, propre à séduire.
Dans le cas de Fouquet, la chute s'accompagna d'une anomalie. Au terme d'un procès long de trois années, la sanction de bannissement perpétuel prononcée par la Chambre de justice fut alourdie par le roi, qui la mua en prison à vie. De cette mesure, perçue comme une injustice, il était tentant d'en conclure à son innocence. L'image d'Épinal qui a donc prévalu est celle d'une victime, dont le sort cruel, dû à des méchants, a le don de faire pleurer les âmes sensibles. Sur ce terrain, Alexandre Dumas a fait et continue de faire encore beaucoup d'émules.
Mieux informés que les romanciers et plus soucieux de vérité, les biographes ont cependant de la peine à échapper au schéma réducteur parce que Fouquet lui-même leur en fournit le canevas. Et d'expliquer, d'après lui, sa chute par un complot monté par Colbert pour l'évincer parce qu'il vise sa place et pour masquer les malversations de Mazarin, seul responsable du désordre des finances, dont il aurait été le complice éhonté. A moins qu'elle ne soit due à la fureur jalouse de Louis XIV offusqué par l'éclat de la fête de Vaux. Que quelques-uns de ces divers éléments aient joué, c'est possible. Mais il est évident que les véritables enjeux d'un procès de cette ampleur étaient ailleurs.
La réalité est en effet fort différente. L'affaire, d'une complexité extrême, dépasse d'emblée le personnage qui en est l'objet. Il s'agit d'un procès politique - ce qui ne veut pas forcément dire truqué. Cela signifie que Fouquet fut traduit en justice non pas comme un individu coupable de quelque crime particulier, mais comme un bouc émissaire chargé des péchés de la gent financière, à qui l'on imputait la misère chronique dont souffrait l'État. Son procès n'est intelligible que si on le replace dans le climat qui prévalait en France en 1661, lors de ce qu'on nomme le «second avènement» de Louis XIV. Une date charnière, où les historiens s'accordent à voir la fin d'une époque, celle où la monarchie peinait à s'imposer dans un pays encore marqué par les mentalités féodales. Au sortir d'une guerre civile qui, sur fond de guerre étrangère, avait ébranlé toute forme d'autorité, il était indispensable de rétablir l'ordre. Mazarin s'en était chargé, autant qu'il l'avait pu. Restait à rétablir l'équilibre financier mis à mal par le recours systématique à l'emprunt. L'arrestation de Nicolas Fouquet, qui prétendait en donner le signal, fut le premier acte important de Louis XIV après sa prise de pouvoir.