09/10/2013 - Paul et Louise s'aiment, Paul et Louise se marient, mais la Première Guerre mondiale éclate et les sépare. Paul, qui veut à tout prix échapper à l'enfer des tranchées, devient déserteur et retrouve Louise à Paris. Il est sain et sauf, mais condamné à rester caché dans une chambre d'hôtel. Pour mettre fin à sa clandestinité, Paul imagine alors une solution : changer d'identité. Désormais il se fera appeler... Suzanne. Entre confusion des genres et traumatismes de guerre, le couple va alors connaître un destin hors norme.
Inspiré de faits réels, Mauvais Genre est l'étonnante histoire de Louise et de son mari travesti qui se sont aimés et déchirés dans le Paris des Années folles.
Chloé Cruchaudet (75) a eu le Prix Goscinny en 2008 pour Groenland Manhattan et le Prix Décoincez la bulle en 2009. Elle a également publié Ida (Delcourt).
- La revue de presse Jean-Claude Loiseau - Télérama du 9 octobre 2013
- A l'instar d'un dessin d'autant plus piquant qu'il se dispense de la brocante d'époque pour mieux se concentrer sur les incessants flottements émotionnels des personnages, cette «histoire vraie» est revisitée, revivifiée, portée à incandescence, et démonte avec brio les clichés d'époque sur l'ambiguïté sexuelle et les lieux communs sur la représentation de l'héroïsme.
- Les courts extraits de livres : 01/10/2013
Chloé CRUCHAUDET est née à Lyon en 1976. Après des études d'architecture puis d'arts graphiques à Lyon, elle suit l'école des Gobelins en cinéma d'animation. Les cours développent son goût du croquis sur le vif et une approche cinématographique, notamment avec le travail du story-board, dont on retrouve l'influence dans ses planches. Pour l'écriture, elle s'inspire d'histoires vécues, de livres historiques ou d'autobiographies. Passionnée d'études sociologiques et de témoignages historiques, elle découvre l'histoire de Minik, qui devient le héros de Groenland Manhattan. Elle reçoit pour ce premier album le prestigieux Prix René Goscinny en 2008. Pour le scénario d'Ida (trois tomes), elle s'est inspirée des premiers récits de voyages de femmes au XIXe siècle. Le premier tome avait été sélectionné parmi les meilleurs albums de l'année au Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême en 2010. Avec Mauvais Genre, elle renoue avec le roman historique et plonge dans le Paris des années folles pour raconter l'histoire tout aussi folle de Paul devenu Suzanne pour éviter la mort après sa désertion du front.
- Le courrier des auteurs : 01/10/2013
Cet album est tiré d'un roman. Lorsque tu l'as découvert, te souviens-tu avoir tout de suite eu envie de l'adapter en bande dessinée ?
Mauvais genre est inspiré d'un livre écrit par deux historiens (Danièle Voldman et Fabrice Virgili) qui ont retracé à travers des archives le destin du couple de Paul et Louise, mais il ne s'agit pas d'un roman. Ce qui m'intéresse, c'est justement de partir de faits, de matériaux bruts, pour en faire une fiction. Quand j'ai eu le livre entre les mains, ce sont en premier lieu les photos qui m'ont frappée : comment Paul avait-il fait pour se faire passer pour une femme pendant dix ans ? Comment ce changement d'identité, imposé par la nécessité et non pas dû à un penchant quelconque, avait-il affecté sa personnalité ? Les documents d'archives et les fines analyses des deux historiens ont nourri mon imagination. L'histoire de ce couple pose tout un tas de questions sur le genre qui m'ont passionnée.
Quels sentiments et quelles émotions as-tu ressentis ? Et qu'as-tu eu envie de transmettre aux lecteurs qui vont découvrir cette histoire grâce à toi ?
Le récit se déroule dans un contexte très particulier, celui du Paris prolétaire de l'entre-deux-guerres, où les traumatismes, les changements de mentalité dus à la violence des conflits, vont influer sur le destin des personnages. En lisant le livre, j'ai été émue en imaginant entre les lignes la relation de ce couple, qui, bien que se terminant de manière dramatique, n'en reste pas moins une histoire d'amour, même imparfaite et chaotique. Par les dialogues, la mise en scène, j'ai essayé de montrer la complexité de ce qui fait notre personnalité. Il n'est pas donné à tout le monde dans une existence d'endosser plusieurs identités, et c'est ce que Paul a expérimenté, non pas par penchant, mais par nécessité. Notre sexe, notre naissance, nous assignent des rôles, mais si l'on se glisse dans un autre "costume", alors peut-être que notre comportement et notre manière de penser pourraient en être bouleversés de manière profonde. Je n'ai pas de convictions tranchées là-dessus, mais en tout cas, il semblerait que ce soit le cas de Paul qui a trouvé là un espace de liberté dans un entre-deux. Le rejet de l'ultra-virilité imposée par la période de guerre a sûrement dû aussi influer sur son comportement.
C'est une histoire vraie. Toutefois, as-tu vérifié les informations contenues dans le livre d'origine ?
À part quelques articles de presse écrits par les journalistes à deux moments de la vie du couple (la révélation de Paul travesti, puis au moment du procès), les informations proviennent du dossier constitué par l'avocat Maurice Garçon. Les historiens m'ont transmis les pièces du dossier scannées, j'ai donc pu y avoir accès. Il était très émouvant de voir des lettres manuscrites de Louise, qui révélait quelqu'un qui avait l'air équilibré, qui s'exprimait bien. Dans ce dossier, les historiens ont trouvé un album photo sur la couverture duquel était inscrit : "Photos érotiques de Paul Grappe". Malheureusement, il était... vide.
Il s'agit d'un récit historique, qui a forcément nécessité de faire des recherches iconographiques sur le Paris de l'époque. As-tu facilement trouvé tout ce dont tu avais besoin ?
L'immeuble rue de Bagnolet où s'est déroulé le meurtre a disparu, mais beaucoup de photos témoignent du Paris de cette époque-là. Je n'ai pas recherché l'exactitude des lieux, mais plutôt essayé de retranscrire une atmosphère : non pas celle d'un Paris glamour comme on le voit souvent, mais celle d'un Paris prolétaire. Leur seule escapade dans un lieu hors du monde : le bois de Boulogne, où presque rien n'a changé, à part la prostitution moins présente à l'époque. De temps en temps, les décors sont absents car j'ai voulu retranscrire l'impression que l'on a quand on a une conversation passionnante avec quelqu'un, et que tout l'environnement semble disparaître. Les décors deviennent alors des détails superflus et tout l'espace est occupé par les personnages.
Dans tout travail d'adaptation, il faut faire des choix. Y a-t-il des parties que tu regrettes d'avoir dû éliminer ? Ou au contraire, as-tu ajouté certains détails ?
J'en ai ajouté et enlevé beaucoup. Les-éléments réels ne m'ont servi que pour reconstruire autre chose. Une fiction doit faire le choix de ne garder que ce qui est important selon l'auteur, et d'imaginer le reste. Mon but est d'embarquer le lecteur, mais malgré tout, je ne pense pas que je trahisse d'une manière ou d'une autre le fond du propos du livre. Parmi les éléments que je n'ai pas gardés, les deux historiens rapportent dans leur livre que Suzanne a été un moment championne de parachutisme ! Preuve qu'elle réussissait bel et bien à tromper même des autorités sportives sur son identité de femme... Mais la réalité est parfois "invraisemblable", et je n'ai pas pu trouver une manière crédible de l'insérer dans le récit. Une preuve de plus que la réalité dépasse parfois la fiction.
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BD : Grand Prix de la Critique à Chloé Cruchaudet pour "Mauvais genre"
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