« SOS Silhouette » proclame, avec insistance, le titre d’un livre récent.
La silhouette et son profil d’emblée visible sont devenus indices de bien-être possible, voire de conformité, autant qu’indices de troubles possibles, voire de danger. L’une et l’autre doivent être l’objet de surveillance intime. Ils doivent s’évaluer, se travailler. L’état de la silhouette est quasiment aujourd’hui une valeur : une présentation spécifique de soi. Ce mot « silhouette » pourtant, apparu dans les années 1760, longtemps cantonné à l’univers des dessinateurs, n’a pas toujours eu l’enjeu qu’il cristallise aujourd’hui. Ses glissements de sens sont nombreux. Ils révèlent la place croissante prise par le regard porté aux allures et aux anatomies. Comme ils révèlent la place croissante prise par les pratiques censées les maîtriser.
Georges Vigarello est directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, membre de l’institut universitaire de France et Président du Conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France. Les titres de ses ouvrages trahissent ses préoccupations : le corps avec ses normes et les pratiques destinées à l’embellir, à l’entretenir (parus notamment au Seuil : Histoire de la virilité, coauteur,2011 ; Les métamorphoses du gras : Histoire de l'obésité du Moyen Âge au XXe siècle, 2010 ; Histoire du corps, co-auteur, 2006 ; Histoire de la beauté : Le corps et l'art d'embellir de la Renaissance à nos jours, 2004 ; Histoire des pratiques de santé. Le sain et le malsain depuis le Moyen Âge, 1999; etc.).