A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.
Les repères et les outils proposent des données et des instruments d’exploration complémentaires visant à faciliter les études et les recherches.
Nos autres sites : REVUE et le BLOG D’ACTUALITÉS
Le blog Criminocorpus est ouvert à un large public au-delà de la seule communauté des chercheurs. Cette rubrique « portrait du jour » permet de faire connaître d’autres activités croisant l’histoire de la justice à travers le parcours de personne ayant accepté de présenter leur trajectoire professionnelle. On trouvera donc ici des parcours d’historiens, de romanciers , de sociologues, cinéastes, professionnels de la sécurité, etc. Cette rubrique est animée par Philippe Poisson ,membre correspondant du CLAMOR et ancien formateur des personnels à l’ENAP. et l’A.P. La publication du portrait du jour est liée aux bonnes volontés de chacun, nous invitons donc les volontaires à prendre contact avec philippepoisson@hotmail.com – Marc Renneville , directeur du Clamor et de Criminocorpus.
Pour son 153ème Portrait du jour la rédaction du carnet criminocorpus reçoit Isabelle Inzani, spécialiste en littérature et cinéma. Elle enseigne à Nantes, et, pour les lecteurs du carnet criminocorpus elle nous parle de son roman Démontée paru aux Editions l’Harmattan le 8 mars 2019. Belle opportunité aussi pour se rappeler la merveilleuse Joséphine Baker et le château des Milandes.
Bienvenue sur notre site Isabelle. Ph.P.
C’est l’histoire d’une rencontre, avec le Périgord d’abord et la cité médiévale de Sarlat mais aussi avec le château des Milandes, lieu fascinant et magique qui m’a happée et hantée, comme mon héroïne Emily O’Leary, la scripte du tournage. Je n’ai eu qu’une hâte, y retourner et me fondre dans le décor avec mon carnet et mon appareil photo. C’est ce que j’ai fait une année plus tard. J’ai passé une semaine sur le site, tous les matins dès l’ouverture des grilles, à écouter les conversations des visiteurs, à m’imprégner de l’atmosphère des lieux, à contempler l’aigle royal.
Ce roman est le fruit de cette rencontre et aussi de ma passion pour la question identitaire. Ma formation universitaire m’a amenée à rédiger une thèse sur l’écrivaine noire américaine Alice Walker (La couleur pourpre) que j’ai rencontrée et interviewée à plusieurs reprises. Je me suis ensuite consacrée à l’études des figures de la sublimation dans la littérature et le cinéma américain pour soutenir une habilitation à diriger des recherches. J’enseigne actuellement à Nantes en classes préparatoires et je m’efforce de transmettre à mes étudiants mon goût pour les voix marginales, transgressives, rebelles dans la littérature et le cinéma. Après avoir publié de nombreux articles, des ouvrages sur les artistes qui me paraissaient offrir une vision différente de la relation au réel, j’ai basculé avec bonheur vers l’écriture en osant enfin envoyer ce roman à des éditeurs. Mais d’aussi loin que je me rappelle, ce rêve et cet acte ont fait partie de mon monde.
Madame rêve, chanson de Bashung, mais aussi mélodie entêtante qu’aurait pu chanter ma Joséphine, celle qui hante le château des Milandes et qui refuse de se taire.

Le château des Milandes en Dordogne est marqué à jamais par l’extraordinaire Joséphine Baker.Photographie d’Isabelle Inzani
Démontée ! est la rencontre de ces deux rêves, celui de mon fantôme et le mien de publier un jour mes propres histoires. J’ai ainsi choisi pour nom de plume le nom de mon arrière-grand-mère corse qui gardait des chèvres à côté de Bonifacio.
Des longues années passées à étudier la littérature américaine et le cinéma, j’ai appris l’importance des sources et aussi des rencontres avec des auteur.e.s. Démontée ! est un roman sur l’identité plurielle, fascinée comme je l’ai été par la pensée archipélique d’Edouard Glissant et le réalisme magique de Toni Morrison. C’est le refus du mainstream, d’une pensée patriarcale oppressante, d’un politiquement correct étouffant. C’est aussi la volonté d’offrir un texte polyphonique et de permettre, grâce à la présence de mon fantôme, toutes les audaces et les fantaisies.
Car c’est à cela que j’aspire, vous divertir et vous faire voyager.
Isabelle Inzani »
Résumé

Un château de femme synonyme de charme. C’est Claude de Cardaillac qui obtint de son époux François de Caumont la construction des Milandes en 1489
Le grand réalisateur John Albertino s’installe au château des Milandes avec son équipe pour le tournage d’un film à gros budget sur la vie de Joséphine Baker. Mais rien ne se passe comme prévu et les catastrophes se multiplient tandis que des événements étranges surviennent dans ce lieu hanté par le fantôme transgressif de Joséphine Baker.
Une relation intrigante se noue entre la scripte de John Albertino et le fantôme de Joséphine Baker. Une galerie de personnages se croisent sur le plateau, de l’assistant chef-opérateur James Chopin au régisseur Tristan, en passant par le producteur ogresque Paul Leonberg.
Démontée ! est un roman à clés qui emmène dans l’Amérique ségrégationniste, transporte à Dublin, à la Nouvelle Orléans et aussi en Dordogne aux Milandes, décor privilégié d’une histoire sur l’identité et le secret.
Extrait du livre
Saint Louis – Missouri – 1917
Dans la nuit du premier au deux juillet 1917, j’ai regardé ces centaines de Noirs affolés qui fuyaient l’East Saint Louis et les foules de Blancs meurtrières en empruntant le pont qui les reliait au centre de la ville. Ils n’arrêtaient pas de courir, comme moi depuis ces heures sombres. C’est pour cela que je chéris les hauteurs de la Dordogne car de là-haut on voit arriver les ennemis, enfin c’est ce que j’ai longtemps cru, avant que les usuriers ne me plument. On s’imagine à l’abri et puis on perd tout du jour au lendemain. C’était atroce, tous ces incendies et ces lynchages. Des corps noirs étaient pendus aux lampadaires.
Les Blancs se jetaient sur des trams, en extirpaient des Noirs et les massacraient à coup de pied et de bâton tandis que des enfants et de jeunes femmes blanches les encourageaient. Des centaines de spectateurs l’écume aux lèvres, de voyeurs excités qui hurlaient des obscénités. Ils ont assassiné des gamins, des vieillards croisés au hasard, juste pour le plaisir. Il y a eu ce jeune homme dont ils ont fracturé le crâne et qui s’est avancé chancelant dans la rue principale d’East Saint Louis. Ils l’ont encerclé et lui ont passé une corde autour du cou. Tu ne peux pas imaginer ce que cela fait de voir quatre ou cinq types qui tirent sur une corde et hissent leur proie alors que leur victime se débat dans les airs et que l’assistance applaudit ces barbares jamais rassasiés de sacrifices humains. Strange fruit … J’ai toujours préféré la version de Nina Simone parce qu’elle est traversée par une révolte, qu’elle sort comme un coup de poing, qu’elle réfute le blues et la complainte pour hurler une rage qu’on se doit de faire sortir, enfin. It’s a bitter crop, oui, quelle amère moisson.
Page de l’éditeur
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=62487
Page de l’autrice https://www.facebook.com/isabelle.inzani/