Oh ! les yeux, les beaux yeux des femmes ! que de choses nous y voyons !
Citation de Edmond Rostand ; Les Musardises (1890)
Le Carnet de l’histoire de la justice, des crimes et des …développe la rubrique Portrait du jour – Criminocorpus et ouvre ses pages aux fidèles lecteurs du site.
Pour son 266ème Portrait du jour – Criminocorpus le carnet reçoit avec infiniment de plaisir Virginie Anglard, la romancière qui sème la panique à Brive.
Virginie est née à Limoges où elle travaille comme conseillère en insertion. Elle a longtemps vécu à Rochefort-sur-Mer et conserve un attachement nostalgique aux plages de la Charente-Maritime. Grande lectrice, tout lui est bon pour nourrir son goût de l’écriture, de Dante à D’Arzo, en passant par Éluard, Niel ou Gava/da. Pour cette littéraire de formation classique, le roman policier est un choix réfléchi, celui de pointer, sans dis cours péremptoire ni censure, les dysfonctionnements d’un système dont trop nombreux sont les complices.
L’entretien qui suit a été réalisé par Laurine Lavieille , l’ange littéraire des “aficionados du crime”de Limoges.
Que du bonheur pour les lecteurs du carnet criminocorpus …
Bienvenue Virginie sur le très discret carnet criminocorpus Ph P
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Virginie ANGLARD et Laurine LAVIEILLE: les forces vives des éditions La Geste.
Rien n’arrête le talent, pas même les pluies diluviennes
Interrogatoire de Virginie ANGLARD par Laurine LAVIEILLE pour le carnet criminocorpus
Laurine Lavieille : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?
Virginie Anglard : L’envie ? Ce n’est pas le mot. Le « passage à l’acte a été le fruit d’une lente maturation. Ecrire, dans mon cas, c’était transgresser un interdit familial. Compliqué… Je couvais ça depuis longtemps, comme on couve une grippe. J’ai longtemps reculé devant l’obstacle. Par peur, il me semble. Peur de ne pas être à la hauteur de ma propre exigence : je suis une lectrice difficile !
Faites-vous un lien entre votre métier et votre univers littéraire ?
Je suis conseillère en insertion professionnelle et suis intervenue essentiellement sur des chantiers d’insertion. Il y a probablement des liens entre ma pratique et le regard que je porte sur ce qui m’entoure. J’ai un excellent point d’observation : dysfonctionnements d’un système qui génère et entretient l’exclusion, minorités, réponse sociale aux comportements délinquants… Autant de sujets qui font le terreau de mes histoires.
Quelle place accordez-vous aux femmes dans vos romans ?
Celle qu’elles méritent, du moins je l’espère. La place qui devrait leur revenir, en toutes circonstances : équitable et paritaire. J’ai choisi de faire évoluer un binôme, un homme et une femme, en m’appliquant à respecter les particularités de chacun, ses richesses comme ses faiblesses. Il est évident que je suis attachée à décrire des femmes d’aujourd’hui, la complexité de leurs rapports avec les hommes, et à rétablir, à ma façon, l’équilibre des « forces » (non à l’inverser).
Vous inspirez-vous de faits et lieux réels pour construire vos histoires ?
Dans « L’ombre du crime », j’ai planté mon décor entre Brive et Limoges. Mais l’action aurait pu se dérouler n’importe où : le sujet en est, malheureusement, universel. Quant à l’intrigue… Je ne crois pas que les auteurs aient plus d’imagination que la moyenne. Toutes les histoires existent déjà. L’acte d’écrire est un exercice terriblement intime ; la pensée de l’écrivain se nourrit de tout : lectures, vécu, fantasmes et peurs… Fascinante alchimie !
Quels auteurs de polars appréciez-vous ?
Je lis très peu de romans policiers, et de ces lectures, je sors souvent frustrée. La énième aventure de l’inspecteur Machin, dépressif, voire alcoolique, qui se prend pour Zorro et côtoie des femmes reléguées au rang de bécasses ou de cagoles, ne m’intéresse pas. Les stéréotypes m’ennuient. Ces histoires ne sont bien souvent que des autofictions. De surcroît, trop d’auteurs de polars se font les complices de l’opinion publique : le roman noir serait une sous-variété littéraire. Comme l’a dit si justement Robert Sabatier : « Dans un mauvais roman policier, le coupable n’est jamais loin, c’est l’auteur » ! En ne soignant par leur style, ils font du tort à ce genre aussi respectable qu’un autre. Lorsqu’on se commet dans l’écriture, il faut faire le job jusqu’au bout, le lecteur le mérite. Ecrire, ce n’est pas raconter des histoires, c’est partager. Une démarche sincère et généreuse, c’est ce qui fait un bon bouquin. Mais pour répondre à votre question : si je partais pour une île déserte, j’emporterais sans doute un Vargas. Ou un Simenon.
Quels sont vos projets ?
Le deuxième opus, « Une bonne raison de tuer », sortira aux éditions Geste en mars 2020. J’y fais évoluer les mêmes personnages centraux et j’aborde un sujet rarement traité. Je travaille actuellement au troisième opus. Parallèlement, je mets la dernière touche à un tout autre manuscrit qui n’a rien de noir, celui-ci, et qui me tient particulièrement à cœur. J’ai également élaboré un schéma d’intervention thématique, « Les femmes dans le noir », que je proposerai pour la première fois aux lecteurs de la Médiathèque de Brive, le 14 décembre. J’espère intéresser d’autres structures à ce type de débat. Enfin, je réfléchis à l’organisation d’ateliers d’écriture, à destination de publics très éloignés de la culture. Donc, une année 2020 riche et chargée !
Merci à Ph P pour l’intérêt qu’il a porté à mon parcours.
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Le carnet criminocorpus est ouvert à un large public au-delà de la seule communauté des chercheurs. Cette rubrique « portrait du jour » permet de faire connaître d’autres activités croisant l’histoire de la justice à travers le parcours de personne ayant accepté de présenter leur trajectoire professionnelle. On trouvera donc ici des parcours d’historiens, de romanciers , de sociologues, cinéastes, professionnels de la sécurité, etc. Cette rubrique est animée par Philippe Poisson , membre correspondant du CLAMOR et ancien formateur des personnels à l’ENAP. et l’A.P. La publication du portrait du jour est liée aux bonnes volontés de chacun, nous invitons donc les volontaires à prendre contact avec philippepoisson@hotmail.com – Marc Renneville , directeur du CLAMOR et de Criminocorpus.
A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.
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