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« Le principe des 3 singes » de Diego Arrabal – Une rentrée littéraire qui fleure bon le polar … et le bon polar
Interview 18 septembre 2020 – Photographie Nathalie Glévarec
 
  • « Le principe des 3 singes » est votre septième roman et la cinquième enquête du commissaire Ney, vous n’êtes pas encore fatigué de ce personnage?

Pas du tout le commissaire Sévère Ney est un personnage auquel je suis très attaché et qui, je l’espère, a encore beaucoup de choses à nous dévoiler sur lui et sur le monde dans lequel nous vivons. Il est un policier comme il y en a beaucoup, sensible, pondéré, cherchant à comprendre l’âme des victimes comme des agresseurs, épris de justice, humaniste en somme. Il est entouré de trois groupes d’enquêteurs qui viennent respectivement au premier plan au gré des affaires. Dans ce roman nous retrouvons le commandant Lefranc et son équipe enfin au complet avec l’arrivée de la capitaine Claire Lemercier.

  • Quel est le thème que vous abordez dans ce nouveau roman?

« Le principe des 3 singes » a pour toile de fond un drame plus ou moins silencieux qui se déroule au cœur de nombreux établissements scolaires : le harcèlement. À l’époque où j’ai commencé le travail préparatoire sur ce thème la question du harcèlement n’était pas au premier plan des médias. Depuis une trentaine d’années la question de la violence à l’École et notamment du harcèlement est circonscrite aux universitaires et périodiquement émerge au détour d’un éphémère énième discours de la / du Ministre de l’Éducation à la suite d’une affaire médiatisée, pour retomber sitôt celle-ci reléguée au second plan par une autre information suscitant l’indignation.

Depuis la sortie du roman il y a un regain d’intérêt pour cette question notamment à travers le sursaut du #balancetonbahut ces dernières semaines, ce qui montre son actualité.

  • Sans rien déflorer de l’intrigue policière, pouvez-vous nous dévoiler l’histoire ?

Conférence de presse de lancement du dernier polar de Diego Arrabal « le principe des 3 singes » au restaurant  » Les Singes gourmands » ( of course) nouvellement installé à Tarbes et dont l’équipe dynamique nous a accueillis avec beaucoup de gentillesse. Plein succès à eux en espérant que nos singes respectifs nous portent chance. Marie-Pierre Vieu-Martin

Tout commence par une enquête de routine qui échoit au commissaire Ney un peu par hasard. Le cadavre d’une collégienne est découvert dans le gymnase du collège Georges-Marchal de Nancy et la police est chargée de valider la thèse du suicide. Pourtant très rapidement le climat qui règne au sein de l’établissement et les réticences des membres de la communauté éducative vont intriguer le commissaire. Quelques jours plus tard, la mort d’un adulte du collège va peut-être ouvrir une brèche et bousculer le principe des trois singes : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. Ney sera d’autant plus sensible à l’étrangeté de l’atmosphère du collège que son père a été principal de lycée et que le commissaire a de ce fait une référence sur ce qui se joue et se fait dans la direction d’une communauté scolaire.

Pour moi c’était l’occasion de dépeindre un milieu que j’ai bien connu à la fois comme acteur puisque j’ai été enseignant de secondaire, comme observateur ensuite en tant que cadre dans un Rectorat, comme chercheur enfin en tant qu’universitaire spécialisé dans des questions d’éducation. Trois regards décalés les uns des autres qui ont nourri la description des lieux, personnages et situations.

  • Votre roman aborde la question du harcèlement d’une façon inattendue ?

Effectivement j’ai choisi de l’aborder par l’angle qui échappe au regard, celui du harcèlement commis par les adultes vis-à-vis des élèves. Il y a une vingtaine d’années le Ministère de l’Éducation Nationale s’était doté d’un dispositif de recueil et d’analyse des violences en milieu scolaire. Même s’il était restrictif puisque ne pouvaient y être inscrits que les actes de violence ayant donné lieu à une plainte pénale, il donnait une base d’étude féconde. Parmi les items du recensement un nombre important correspondait à des situations de harcèlement aussi bien physique que moral. Le dispositif recensait environ deux millions et demi d’actes tous établissements confondus sur l’ensemble de l’année scolaire. Si 80 % de ceux-ci sont imputables à un élève vis-à-vis d’un autre élève, 20 % sont liés à des adultes vis-à-vis d’élèves. Or dans l’imaginaire collectif le harcèlement est pensé comme entre élèves, alors que dans la réalité une part importante est issue des adultes de la communauté éducative. Chose intéressante lorsqu’en 2013 le MÉN publie une circulaire précisant la définition institutionnelle du harcèlement scolaire, celle-ci exclut implicitement les adultes en appuyant sur la dimension inter-élèves des faits imputés.

Mon roman vise à montrer que cette pratique est plus large que cela, puisqu’incluant des adultes. Mais il vise aussi à montrer les mécanismes qui permettent au harcèlement d’adulte à élève de « s’institutionnaliser » à travers la perception clivante des parents comme empêcheurs d’éduquer sereinement qui unit beaucoup d’enseignants et le rapport de force déséquilibré au profit de l’Institution qui existe entre administration et parents. Ces deux éléments étant renforcés par quelques rares situations médiatisées qui occultent la réalité de la majorité de situations de souffrance dans le silence, si ce n’est le déni.

  • Comment écrit-on un roman comme « Le principe des 3 singes ? »

Avec un énorme plaisir, celui de conter une histoire qui retienne l’attention du lecteur, accompagné d’une grande angoisse, celle d’éviter la caricature qui brise le contrat tacite avec celle ou celui qui me lit. Voilà pour ce qui est de la rédaction du texte.

Sylvie Etchegaray, l’auteure des Trois vies d’Elsa

En effet écrire, ce n’est pas que ce moment où l’auteur s’installe devant son clavier pour aligner des mots qui formeront des phrases, remplissant des pages déroulant une histoire ; écrire c’est d’abord une ou quelques idées éparses qu’il faut structurer pour en faire un synopsis (du moins c’est ainsi que je travaille, d’autres confrères font différemment), et ensuite un gros travail de documentation avant de pouvoir s’immerger dans le récit. Pour ce roman j’avais du matériau étant donné mes fonctions antérieures, mais que j’ai complété par une veille informative (quotidiens et revues) et des entretiens (directs avec des victimes ou à travers des comptes rendus). En tout un an et demi entre le moment où j’ai tapé la première phrase du synopsis et celui où j’ai posé symboliquement le mot fin sur le tapuscrit. Ensuite un long travail de relecture et de corrections à trois paires d’yeux. Je tiens d’ailleurs à remercier pour cette tâche ingrate Sylvie Etchegaray , mon intraitable première lectrice, ainsi que Jean-Marc Paragot mon pointilleux second lecteur.

  • Quelles sont d’après vous les principales qualités de votre livre ?

Le réalisme des situations, des décors. La robustesse des sources à la fois scientifiques et humaines qui donnent du sens à l’histoire. Enfin le capital sympathie du commissaire et les qualités professionnelles de ses collègues.

  • Une autre enquête de Sévère Ney en préparation ?

Pour l’instant « Le principe des 3 singes » vient juste de sortir et je me consacre entièrement à la promotion de ce bébé (tournée les Itinérantes d’Arcane 17 dans les Hautes Pyrénées, salons et interviews). Ceci dit l’esprit travaille toujours et des thèmes surgissent : peut-être une enquête en terre étrangère pour notre commissaire préféré autour du trafic d’organes ? ou un thriller avec une jeune universitaire qui s’interroge sur le passé de son mari ? Mais dans l’immédiat je suggère la lecture de cet opus.

Pour contacter l’auteur : diego.arrabal@free.fr.

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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