Reprise du portrait du jour criminocorpus - En attendant de publier ce portrait du jour dans la nouvelle version "Culture et Justice" de l'association Criminocorpus, nous mettons en ligne celui de Catherine Jolibois Sylvestre sur mon blog personnel
Nous recevons avec infiniment de plaisir Catherine Jolibois Sylvestre.
Bienvenue Catherine sur le très discret et prisé "Culture et Justice". Ph. P
Dire qui est Catherine Jolibois Silvestre est bien difficile à faire, et si on le lui demandait, elle n’en saurait pas davantage, même après plus d’un demi-siècle d’existence. Une énigme pour elle-même avant d’être une énigme pour les autres qui, disons-le, ont bien d’autres chats à fouetter que de se poser des questions à son sujet.
Alors, quoi raconter ?
Eh bien, peut-être, qu’elle est née à Longwy, un beau matin de printemps 1969, dans une famille d’ouvriers qui avait des rêves : celui de quitter la cité pour voir autre chose. Un père s’échappant de l’usine ─ au grand désespoir de son propre père ─ pour devenir chauffeur de bus puis photographe de presse, commercial et finalement thanatopracteur ! Une mère issue de l’immigration polonaise, famille d’artistes et d’artisans coiffeurs, pauvre à en mourir et qui n’avait rien à envier aux Misérables de ce cher Victor Hugo.
Baignée dans une éducation catholique stricte, très, qui la marque profondément, Catherine reste une enfant vive et curieuse. Elle s’intéresse à tout. Elle ne se reconnaît pas dans les enfants de son âge et préfère écouter les longues discussions des adultes, et encore plus celles des personnes âgées qu’elle affectionne particulièrement. Mais elle aime aussi rester seule dans sa chambre pour inventer des histoires, chanter (très mal), écrire et lire toujours et encore. À dix ans, elle avait lu « Le troisième œil » de T. Lobsang Rampa, « Racines » d’Alex Haley, et « La Vallée des Roses » de Lucien Bodart, tentait d’apprendre par cœur les encyclopédies Cousteau, lisait le gros dictionnaire Larousse de ses parents qui finiront par lui offrir le Grand Larousse de la Langue Française en sept volumes qu’elle utilise encore aujourd’hui. À l’époque, son rêve d’enfant, et n’y voyez pas là l’ébauche d’un ego surdimensionné, était d’inscrire son nom dans le dictionnaire, parce que c’était juste le plus beau livre du monde et qu’elle le considérait comme magique. Elle avait repéré que dans le Nouveau Larousse 1967, couverture en tissu vert, elle aurait été glissée pile entre Joinville-le-Pont dans le Val-de-Marne et la ville de Joliette au Québec. Cela la faisait rêver !
Le parcours scolaire de Catherine est sans éclat, parfois même chaotique (elle redoublera la cinquième, ayant manqué l’école pendant près d’un trimestre à cause d’une coqueluche, et la classe de seconde pour des raisons que l’on vous expliquera par la suite). Et même si elle adore l’école parce qu’elle a soif de savoir, elle a du mal à s’y sentir bien, que ce soit avec ses camarades, dont elle ne se sent pas comprise, qu’avec ses professeurs qui la déçoivent souvent. Certains resteront pourtant des mentors pour elle, comme Monsieur Victor, le professeur d’Histoire du collège des Récollets de Longwy, les demoiselles Nichil et Tournier, fantastiques professeures de Français du même établissement.
Elle aime les mathématiques, mais ne parvient pas à les maîtriser, les sciences naturelles qui la passionnent, et le Français, surtout les magnifiques textes d’auteurs fabuleux comme
Camus, Hugo, Balzac, Kessel et Hemingway ; l’impertinence de Molière et le romantisme tragique du Cid de Corneille… Maupassant, les poèmes de Maurice Carême, de Lamartine, de Voltaire ou de Verlaine ; les amours de Ronsard et l’éblouissant Albatros de Baudelaire,… tant de mots, tant de beauté dans leurs phrases ou dans leurs vers ! Plus tard, elle découvrira la philosophie et ce sera encore plus merveilleux !
Après un bac littéraire et une année scolaire en séjour linguistique, du côté de Boston (1990/1991) où elle travaillera dans une « High School » en tant qu’assistante d’Anglais, l’université sera une belle découverte pour Catherine qui s’y sentira enfin à sa place ! Elle se souvient notamment du mythique Monsieur Lefebvre de la faculté de Lettres de Nancy. Elle en sortira d’ailleurs avec une Licence en sciences de l’Éducation (1994) et partira pour l’IUFM (1994-1995), afin de devenir professeure des écoles… ce qui n’arrivera jamais, puisqu’après un échec cuisant au concours, elle se mariera à un militaire et deviendra bientôt mère d’un premier bébé qui changera sa vie et ses envies (1996).
Elle qui rêvait d’aventures, de voyages, de carrière extraordinaire… n’a plus qu’un désir : être maman. Autour d’elle, sa famille, ses amis sont effondrés et pensent qu’elle a perdu la raison, mais elle s’en moque. Envers et contre tous, Catherine décide de se mettre entre parenthèses et s’attache à aimer. Aimer son fils Benjamin, d’abord, puis sa fille Carline, ensuite (1999). Aimer son mari, sa famille et ses amis. Aimer les enfants des militaires dont elle finit par s’occuper en organisant des petits ateliers gratuits d’écriture, de broderie, de dessin, de jardinage et des spectacles de Noël aussi… Aimer ceux des quartiers jouxtant les brigades où son mari se trouve muté, et où elle s’attache à créer du lien. Puis ceux des écoles où elle est accueillie pour animer des sessions sur différents thèmes en Sciences, en Art et en Français, des jeux pendant les fêtes… Elle commence à y raconter des histoires, sans imaginer qu’elle finira par en faire son métier, en créant une entreprise de divertissement appelée « Les Contes de Capucine », petite structure qui lui permettra d’intervenir officiellement dans les écoles et de produire des spectacles autour d’un personnage central, Capucine, l’elfe raconteur d’histoires (2013).
Mais avant cela, et parce qu’il faut travailler pour vivre mieux (croit-on), elle devient assistante maternelle (2004-2010) et ça lui plaît, pour deux raisons : la première, cela lui permet de rester auprès de ses enfants qu’elle ne peut se résoudre à faire garder ; la seconde, au contact des enfants, elle se sent bien. C’est plus facile qu’avec les adultes qui lui renvoient trop souvent une image négative d’elle-même, une image pleine de « trop » justement : trop gamine, trop dans la lune, trop cool, trop optimiste, trop bavarde, trop gentille, trop originale, trop… trop… trop ; Et puis, « avec ses études, elle aurait quand même pu faire mieux, non ?! ».
Dur, dur, parfois, d’être différent et de nager à contre-courant…
Tiens, en parlant de cette différence justement, on ne vous a pas encore parlé de cette fameuse année de seconde (1985-1986), où elle a été le bouc émissaire de sa classe ! C’était la petite nouvelle et on (élèves et un professeur, madame C.) l’a massacrée en règle pour tout un tas de fausses bonnes raisons qui l’ont totalement anéantie. Elle a fini à l’hôpital, affaiblie parce qu’elle ne mangeait plus. Personne n’avait rien vu des violences verbales, physiques. Personne n’avait rien vu des attouchements, de la peinture sur ses vêtements… Personne n’avait aidée jusqu’à ce moment-là. Du coup, on a apporté une solution pour l’extraire du groupe qui la démolissait et ça a été de la faire redoubler ! Double peine.
Et puis, elle a eu droit à un suivi psychologique pour qu’elle puisse se reconstruire. À ce stade, elle a été diagnostiquée enfant précoce… Il paraît que c’était pour ça qu’elle était toujours en décalage avec les apprentissages et avec les autres. Elle n’a pas pris la nouvelle avec un grand enthousiasme, car ça n’avait pas beaucoup de sens pour elle, l’idiote, la médiocre, la moins que rien. On lui a parlé d’une certaine intelligence, d’une maturité de pensée en avance sur ceux de sa génération… rien qui ne l’aidât vraiment à gérer ce qu’elle vivait ! Elle ne voyait pas l’intérêt d’un tel constat et se sentait toujours un peu perdue, tellement triste de ne pas savoir se faire aimer !
Bon, rassurez-vous et oubliez les mouchoirs ! Si les pensées de Catherine débordaient « trop » souvent, si les problèmes du monde et de l’humanité pesaient lourds sur ses épaules, si elle avait des problèmes relationnels avec les autres, elle était pourtant toujours joyeuse et optimiste. En vérité, elle ne se laissait pas abattre si facilement et, l’un de ses dons, ou atouts particuliers, qui lui sauvait souvent la mise, était bien qu’elle rebondissait vite face à toutes les situations, mêmes les plus scabreuses et douloureuses. Donc, pas de panique, elle était forte cette petite extraterrestre et elle avait de la ressource !
En plus, être seule ne la dérangeait pas, car elle ne s’ennuyait jamais. D’une part, elle passait une grande partie de son temps à aider ses parents dans leur entreprise funéraire, enfant de commerçant oblige, et d’autre part, passionnée d’écriture, elle écrivait des poèmes, des chansons, s’essayait au roman et, surtout, elle entretenait une correspondance assidue avec le monde entier. Des centaines de lettres, précieusement conservées, fusaient des États-Unis, du Brésil, de l’Algérie, de l’Espagne, de l’Angleterre, de l’Italie, de l’Allemagne, de la Chine, de la Russie, de la Belgique et de partout en Europe, sans oublier ses nombreux correspondants français… Une correspondance épistolaire et courte, aussi, avec un certain Éric, et sur de nombreuses années avec son cher cousin Wilfrid.
Mais revenons à « la » (elle est lorraine !) Catherine Jolibois Silvestre adulte. Comme la vie n’est pas un long fleuve tranquille, il y a eu quelques drames, la maladie, la mort d’êtres chers. Quelques écueils pris comme autant d’apprentissages nécessaires, d’expériences à vivre pour mieux comprendre le sens des choses… et surtout beaucoup de joie, de belles rencontres et de l’amour à la pelle. Une belle vie quoi.
Sa grande bataille aura sans doute été pour ses enfants, son fils, atteint d’une dyslexie dysorthographique sévère très handicapante, et sa fille, dyslexique également. Elle se dit d’ailleurs que toutes ses études autour de l’enfant et du corps différent étaient juste pour eux, pour les aider, les guider et comprendre mieux. Elle se bat pour l’acceptation de cette différence à l’école avec acharnement ; mais aussi pour son acceptation au sein de la famille et de ses amis. Car un handicap invisible est lourd à porter, et il faut sans cesse le justifier.
Finalement, sa bataille finit par devenir un livre et, après dix ans d’écriture, Naboja, la frontière interdite, roman fantastique philosophique, est publié en 2016 par les éditions de La Silvine, qu’elle crée pour l’occasion.
Le roman fut récompensé par un coup de cœur « Prix des auteurs inconnus » la même année, et elle fut distinguée pour l’ensemble de son travail et de son engagement contre la différence par le prix « Femmes d’exception 2017 », organisé par les magasins Printemps de Nancy.
En dix ans d’écriture beaucoup de choses peuvent se passer, et dans sa vie cette décennie fut riche : déménagements, décès de son beau-frère, grave maladie de son frère, de sa maman…Tout cela la bouscule énormément et vient poser la question du sens de la vie, de sa fragilité, de sa singularité et de son côté éphémère.
Pour palier à ses angoisses, elle se lance dans la création des « Contes de Capucine », son entreprise de divertissement (2013). Bouger, avancer toujours et encore pour ne pas sombrer. Car le temps continue de la malmener, ses enfants grandissent et d’autres questions affluent sur l’inévitable après, loin de l’effervescence qu’ils produisaient dans sa vie. Retrouver du sens où il ne semble plus y en avoir. Accepter de vieillir aussi, en commençant par abandonner certains rêves au bord de la route.
Alors, Catherine monte des spectacles pour les écoles, les communautés de communes et partout où on la demande, sur le thème central de la tolérance et de la différence.
Elle anime également des ateliers où elle tente d’éduquer les enfants à l’amour et à la bienveillance au travers de ses histoires et de son propre vécu. L’idée inconsciente est sans doute de réparer ce qui lui a été fait en essayant d’éviter à d’autres de subir l’intolérable intolérance !
C’est tout, me direz-vous ? Eh bien non, puisqu’elle a récemment publié (2019) le premier livre illustré d’une série appelée « Capucine en fait toute une histoire » sous le titre de « Baba Yaga » et prépare le second « La princesse Grenouille ». Elle travaille, ici, en collaboration avec l’artiste Graind’Naïs.
D’autres histoires attendent d’être illustrées, des comptines, un poème et un roman jeunesse est également en cours d’écriture « Carline Fairwood et les sorcières du Destin ». Elle vient de terminer sa première pièce de théâtre en lien avec le coronavirus qui l’a frappée en mars 2020.
Allez, une petite anecdote sur Catherine, juste parce que c’est vous, elle pratique la cartomancie depuis l’âge de quinze ans et a été témoin de nombreuses et incroyables histoires fantastiques ! À suivre donc !
Voilà, vous savez presque tout d’elle, l’auteure et la conteuse humoriste. Vous pouvez la croiser au détour d’un spectacle, d’un festival ou d’un salon littéraire.
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A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.
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