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Portrait du jour - Gérard Glatt,  romancier, auteur de "Tête de paille"

Reprise du portrait du jour criminocorpus - En attendant de publier ce portrait du jour dans la nouvelle version "Culture et Justice" de l'association Criminocorpus, nous mettons en ligne celui de Gérard Glatt sur mon blog personnel.

Gérard Glatt est né en 1944, à Montgeron, quelques semaines avant la Libération.

Ses premiers bonheurs, c’est la maladie qui les lui offre, à sept ans, quand une mauvaise pleurésie le cloue au lit pendant des mois : il découvre la lecture. Pendant ses études secondaires à Paris, Gérard Glatt a pour professeurs l'écrivain Jean Markale, spécialiste de la littérature celtique, et René Khawam, orientaliste renommé et traducteur des Mille et Une Nuits.  Il rencontre également Roger Vrigny – l'année où celui-ci reçoit le prix Femina – et Jacques Brenner, éditeur chez Julliard. L'un et l'autre l'encouragent à poursuivre ses débuts littéraires. Quelques années plus tard, entré dans l'administration des Finances, il fait la connaissance de Pierre Silvain, sans doute l'une des plus fines plumes contemporaines, qui le soutient à son tour. En 1977, il publie son premier roman, Holçarté, chez Calmann-Lévy. Auteur d'une dizaine d'ouvrages (romans, poésies, livres pour la jeunesse), Gérard Glatt ne se consacre aujourd'hui qu'à l'écriture. Il partage son temps entre la région parisienne et la Bretagne et tient activement un site : www.gerard-glatt.net.

Bienvenue Gérard sur le très discret et prisé " Culture et Justice". Ph. P


Portrait : Gérard GLATT pour le carnet Criminocorpus - Le 28 novembre 2019

D'où vient votre envie d'écrire ?

Écrire, écrire, je le dis souvent, un besoin, une nécessité... Depuis l'enfance, j'ai aussi tellement lu... Devrais-je faire comme David Foenkinos, ces derniers mois, et surfer sur le... " J'ai longtemps été malade, j'avais 16 ans..." ? Désolé, moi, j'en avais sept et demi lorsque tout a commencé... Il n'empêche, le résultat, pour lui comme pour moi, est identique. Pas sûr, cependant, que la lecture m'ait à elle seule inoculé le virus de l'écriture. N'est-ce pas aussi l'attrait de ces signes mystérieux qu'on m'a tout d'abord appris à tracer sur le papier ; ces signes auxquels on a donné un sens, qu'on m'a appris à prononcer, à comprendre, puis à agencer de manière plus ou moins savante pour bientôt former des mots, des groupes de mots, puis des phrases entières ? Ah ! quel miracle que de découvrir un jour ce premier : " Je suis. " C'est à dire : " J'existe. " Toutes nos petites personnes contenues dans ces deux mots. Toute leur réalité. Quel miracle ensuite que de pouvoir imiter ceux qui, avant moi, ont su jouer avec la saveur des mots ! Quel miracle, enfin, que de se dire, un beau jour : " Et pourquoi pas moi ? " Tout cela, cet éveil à la lecture, à l'écriture, en un temps si limité, seulement quelques mois, qui conduisit l'enfant que j'étais à écrire son premier poème.

Et, tout d'abord, si vous vous présentiez ?

J'aurais pu commencer par-là, en effet. Mais se présenter, c’est parler de soi. Et ce n’est pas toujours évident... Alors, voilà ! Je suis né en 1944 le 2 juillet. à Montgeron, dans l'Essonne. A l'époque, c'était la Seine et Oise. Ce jour-là, paraît-il qu'il pleuvait. Dois-je à cette pluie mon côté parfois chagrin ? Possible. Mes premiers souvenirs sont de l’été 47, sur la côte normande – le bruit de la mer et son va-et-vient m’agressent –, mais pour singulier que ce soit, mes joies d’enfant, je les dois à la maladie. Une primo infection tuberculeuse me cloue au lit pendant des mois. C'est à ce moment que je découvre la lecture ; nous sommes en 1952. Et puis... Et puis il y a ce long séjour à Chamonix, au préventorium des Soldanelles, et là, c’est l’émerveillement… Pendant mes études secondaires, je suis gâté. J’ai tout d’abord, pour professeur de français/latin, l'écrivain Jean Markale, spécialiste de la littérature celtique ; puis René Khawam, orientaliste renommé ; et, en terminale, première et philo, Roger Vrigny, prix Femina, pour La Nuit de Mougins , puis Grand Prix de l’Académie française, qui me fait rencontrer Jacques Brenner, alors éditeur chez Julliard, ensuite chez Grasset. L'un et l'autre m’encouragent à poursuivre mes débuts littéraires. Car, bien sûr, je leur ai déjà fait lire quelques-uns de mes textes. En 1977, Roger Vrigny, devenu directeur littéraire chez Calmann Lévy, publie mon premier roman : Holçarté. En 1981, chez Hachette, sortent les Contes du Pays Basque, un ouvrage destiné aux adolescents et, en 1994, au Livre de Poche Jeunesse, 3 contes du Pays basque… Entre temps, le droit, puis l'Administration des Finances que je quitte assez rapidement. Un univers qui n'était pas pour moi. Enfin, bref, etc., etc… Aujourd'hui, je partage mon temps entre l'Ile de France et la Bretagne, bien que mon cœur soit toujours resté là-bas, dans cette vallée, ce temple au pied du Mont-Blanc, qui, voici plus de soixante-cinq ans, m’a rendu la joie de vivre. Nostalgie d’un paradis perdu ? Oui, sans doute... Je ne me consacre plus qu'à l'écriture. Écrire, ce besoin que j’assume toujours, avec autant de joie. Si je devais ne plus pouvoir écrire, je ne sais pas ce que je deviendrais.

Pourquoi écrire des romans ?

Et pourquoi pas ? J'écris également des nouvelles, même si je ne les présente pas à des éditeurs, bien que cela me démange depuis quelque temps. De la poésie aussi, cela va sans dire : c'est par là que j'ai commencé. D'ailleurs, le dernier ouvrage que j'ai publié est un recueil de poésie : Nostalgie 89.  Il est paru aux Éditions du Cygne au mois de mai 2019. Un autre est en préparation. En France, la poésie est mal accueillie. Pardon, je veux dire qu'elle n'est pas accueillie du tout. Dans ce domaine, le Français moyen est d'une inculture qui ferait peur. Le théâtre m'a toujours également intéressé : c'est la lecture en trois dimensions. L'un de mes ouvrages, Une Poupée dans un fauteuil , chez Orizons, en 2008, met en scène un dramaturge qui décide de monter lui-même sur les planches. Son action se déroule devant une salle pleine, où l'acteur, dans un long monologue, interpelle parfois les spectateurs. Il y est question des derniers mois de ma mère. Le livre auquel je tiens le plus, certainement, avec un autre qui sortira chez Ramsay en 2020. Deux ouvrages, en fait qui me sont très proches, comme c'est le cas de L'Enfant des Soldanelles, sorti cette année aux Presses de la Cité. Le roman est aussi ce qu'il y a de plus naturel dans la pensée. On se raconte des histoires. Sans arrêt. Que fait-on d'autre lorsque, tout seul, on soliloque dans notre coin ? On s'invente un monde. Un monde plus ou moins proche de notre vie présente, qui met en rapport le passé et le futur. Un roman, ce n'est rien d'autre qu'une rue, une place de village, une pièce avec ou sans fenêtre, un lieu quelconque où s'agitent des personnages. Un monde où chacun pourrait se reconnaître s'il n'y mettait ses propres limites. C'est d'ailleurs ce qui fait tout l'attrait, tout l'intérêt du roman. Donc, oui, j'écris essentiellement des romans. J'ajouterai que le roman, dans la durée, me permet de vivre avec des personnages – que j'appelle plus volontiers des personnes –, que je ne rencontrerais peut-être jamais si je ne les créais pas. Il m'arrive d'avoir la larme à l'œil lorsque je suis obligé de les quitter... C'est ainsi.

L'écriture vous sert-elle de résilience ?

Ah, l'un de ces mots à la mode ! Ce que je sais, avant tout, c'est que j'ai besoin d'elle. Indispensable à mon existence, au même titre que l'oxygène. Sans elle, ce serait l'asphyxie. Tenez, sans m'en rendre compte, j'ai l'impression de vous avoir répondu. Grâce à l'écriture, j'ai su affronter des épreuves, j'ai su rebondir. Les épreuves, souvent, je les ai tenues à distance. J'ai refusé de les affronter. Je les ai mises de côté. Alors, bien sûr, toutes ont fini par me rattraper. Comme ce non-amour avec mon père, que l'on retrouve, inversé, dans Et le ciel se refuse à parler ... (Presses de la Cité - 2019) et, certainement, dans un autre roman que je viens de terminer et que les Presses de la Cité publieront non pas l'année prochaine, mais en 2021. Parfois, il faut savoir attendre. Je vous parlerai encore de ce non-amour que je traine avec moi, comme une casserole, depuis des temps infinis, avec mon plus jeune frère, mort en 1984. Je lui dois un récit, à lui seul une histoire, que les Editions Ramsay publieront l'année prochaine. Tête de paille, son titre provisoire. Il faut s'accrocher pour vivre, pour tenter d'être heureux et, parfois, y parvenir. Parce que les autres, nos proches, eux aussi ont droit à leur part de bonheur. Il faut savoir prendre sur soi avec exigence et la leur préserver. Oui, je crois que l'écriture peut être salvatrice. Je veux pour dernier exemple, encore une fois, L'Enfant des Soldanelles. Un ouvrage qu'il me fallait écrire à tout prix. Dont l'écriture m'a rendu malade. Malgré cette félicité folle, éprouvée au plus profond de moi, j'imagine, comme une mère sent croître en elle son enfant.

Vos influences littéraires ? Vos auteurs de références ?

J'ai toujours souhaité écrire à la façon "éditions de Minuit"... Enfin, toujours, peut-être pas. Dans la mesure où je lis et écris depuis que je suis au monde ou presque, il est difficile de dire où sont mes influences. J'ai d'abord écrit de la poésie, puis des nouvelles. Le premier texte que j'ai soumis à mon professeur, Roger Vrigny, c'était La comtesse d'Hyvermanth. Par la suite, lorsqu'il m'en a parlé, il m'a dit que l'idée était très bonne mais que, malheureusement, tous les défauts du romantisme s'y retrouvaient réunis dans un condensé difficilement supportable. Je n'ai rien compris, il m'a tout expliqué. De lui, je venais de lire La Nuit de Mougins, le prix Femina d'alors. Par la suite, j'ai tenté le polar. Pourquoi, je n'en sais rien. J'en lisais peu. Charles Exbrayat a été intéressé un moment. Il a même tenu à présenter l'un de mes manuscrits à un prix, je ne sais plus lequel. Que je n'ai pas eu, naturellement. Longtemps, je suis resté en relations avec les éditions du Masque. Et puis, il y a eu Holçarté, chez Calmann-Lévy. C'était en 1977, à ce moment, on ne parlait pas de littérature de Terroir. Une belle stupidité. Une stupidité impardonnable. Je n’en veux pas aux libraires. Après tout, l’idée de mettre un peu d’ordre dans leur rayonnage n’était pas si sotte… Mais c’était ouvrir la porte à l’imbu de soi germanopratin qui n’a pas manqué de s’y engouffrer pour faire de la littérature – la vraie, il n’y en a jamais eu qu’une –, une sous-littérature, comme c’était déjà le cas des polars, alors que, la veille encore, on encensait les Giono, Pagnol, Mauriac, Queffelec, je parle du père bien sûr, Genevoix, Chabrol, Carrière, Moustiers, Michelet, je vous en citerais cent autres, tous à l’immense talent et loin de la dégénérescence actuelle, sans lesquels nombre d’éditeurs n’existeraient plus ou n’auraient jamais vu le jour. A ce Terroir, dois-je ajouter Balzac, Sand, Flaubert, Maupassant ou Proust, ce dernier bien souvent dans sa cambrousse, vous l’aurez remarqué, ou au bord de la mer ? Bien sûr, tous ces auteurs je les ai lus et j’en ai fait mes délices. Et combien d'autres encore éloignés ou non de la terre ? J'évoquais, il y a un instant, les éditions de Minuit : Pinget, Robbe-Grillet, Becket, Duras, Echenoz, Rouaud… Oui, oui, des bons, des écrivains véritables, il en existe encore même si l’on parle rarement d’eux. Parmi mes classiques, je ne peux pas ne pas vous citer Marguerite Yourcenar, et à nouveau Roger Vrigny, et Le Clezio, et Hervé Guibert. Et un dernier encore, cerise sur le gâteau : Pierre Silvain. Quelle plume ! Je crois que tous m'ont influencé ou m’influencent. Que chacun, à sa façon, a façonné ou façonne l'écrivain – romancier, poète –, que je tente d'être un peu plus chaque jour.

 

 

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... 

Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

https://www.facebook.com/pageculturejustice

A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.

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Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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