Reprise du portrait du jour criminocorpus - En attendant de publier ce portrait du jour dans la nouvelle version "Culture et Justice" de l'association Criminocorpus, nous mettons en ligne celui de Jacques Morize sur mon blog personnel
"Culture et justice" reçoit avec infiniment de plaisir auteur de polars.
Jacques Morize a quitté Paris en 2001 pour s’installer à Lyon, où il a été directeur du développement d’une enseigne de la grande distribution. Tombé sous le charme de la capitale des Gaules, il a imaginé la série du “commissaire Séverac”, dont chacune des enquêtes s’organise autour d’un arrondissement de Lyon. Il se consacre désormais à sa famille et à l’écriture.
Bienvenue Jacques sur "Culture et Justice". Ph. P
Jacques MORIZE – Autobiographie en forme de « comment m’est venue l’écriture qui ne m’a plus quitté depuis ».
« Depuis longtemps, l’envie d’écrire passait en moi comme la marée sur le sable ridé, elle arrivait puis s’en allait. Quelle était son origine ? Certainement pas la lecture des grands classiques. À vrai dire, j’agaçais beaucoup mes profs de français. Plutôt bon à l’écrit, je rechignais à me plonger dans Diderot, Rousseau, Zola, Stendhal, et Sartre. J’étais un peu dans la posture du « rebelle par principe », car je me souviens avoir eu des coups de cœur pour certaines œuvres, Camus et Boris Vian, en particulier. En fait, je me gavais de San Antonio dont j’ai lu l’intégrale ; l’auteur était alors considéré comme mineur, voire infréquentable. J’adorais son langage inventif, expressif et explosif, ses personnages si improbables et pourtant tellement incarnés. Je complétais ma culture livresque par des romans d’espionnage, les Kenny et les SAS, notamment. J’étais également fan de BD, celles de la planète Charlier (Blueberry, Buck Danny, Tanguy et Laverdure), mais aussi Hugo Pratt avec son Corto Maltese tout en nuance de noir et blanc.
Toutes ces expériences s’étaient accumulées en moi, se mélangeaient, bouillonnaient et cherchaient une issue. Elles la trouvèrent alors que j’étais dans une situation un peu délicate qui nécessite, pour qu’on la comprenne, que j’effectue un grand retour en arrière.
Quatrième d’une fratrie de deux filles et deux garçons, je naquis à Grenoble en mai 1958, mais je n’en ai gardé aucun souvenir ! À cette époque, mes parents habitaient Albertville. Peu de temps après ma naissance, mon père accepta un poste en région parisienne où nous déménageâmes en 1960. Je grandis donc à Bourg-la-Reine, non loin de Paris. Mes études furent chaotiques et je finis par décrocher un bac D. Je choisissais alors (pour des raisons trop longues à développer) de m’inscrire en Kiné. L’expérience fut brève, car autant j’avais la main d’or pour le massage, autant je peinais à ingurgiter os, cartilages, nerfs, veines et artères. Mon stage de fin d’année se déroula dans un hôpital gériatrique, voyage au bout de l’horreur qui acheva de me dégoûter.
J’abandonnais donc la kinésithérapie et décidais de me débarrasser de mon service militaire. J’avais un diplôme de moniteur de voile. Je fus affecté à l’École d’Application du Train, à Tours. Après mes deux mois de classe, je pris en charge l’animation du club de voile de la garnison. Après cette année au goût vaguement sabbatique, je me lançai dans des études de géographie avant de bifurquer vers l’Aménagement du territoire, matière dans laquelle j’obtins une maîtrise. Parallèlement, j’avais rencontré Annick, avec qui je me mariai et m’installai dans un studio dans le 14e.
Après la maîtrise, je trouvai très rapidement un poste en CDD dans un bureau d’études parisien. Malheureusement, cette petite structure ne pouvait pas me proposer un CDI, aussi me suis-je retrouvé au chômage un an plus tard. Ça tombait très mal, car Annick était enceinte et nous venions d’acheter pour pas cher une boutique à Cachan, Val-de-Marne, ancienne épicerie « La Tonnelle » occupée un temps par un menuisier qui avait fini de ruiner les lieux. N’ayant pas les moyens de payer des artisans, nous avions entrepris de transformer ce local en appartement, armés de nos quatre mains et de notre courage. À l’époque, Annick bossait. Chômeur, je tournais en rond, seul la journée dans ce chantier dantesque, censé avancer les travaux et chercher du boulot. La déprime me guettait. C’est pour éviter d’y sombrer que j’ai cédé à mon envie d’écrire. Un jour de 1986, j’ai donc attrapé un cahier, un stylo, et commencé à rédiger ce qui allait devenir mon premier polar, Steak barbare .
Gwendoline naquit, je trouvais un poste de chargé d’études au service développement de Monoprix. Je n’en arrêtai pas pour autant d’écrire : le virus s’était implanté en moi et s’y sentait bien ! On m’avait offert une petite machine à écrire portative, puis j’avais dégotté une magnifique Underwood. Je fis ensuite l’acquisition d’un ordinateur compact, bloc écran/disque dur, clavier et imprimante, uniquement dédié au traitement de texte. J’y transcrivis Steak barbare, j’y saisis les deux suivants (Fume,c’est du chite ! ! et Sardines à l’huile sauce chocolat ). Ces polars étaient bâtis autour d’un as de l’antiterrorisme, Luc Castillon, patronyme qui me servait aussi de pseudo. Les titres fleuraient bon le San Antonio, j’écrivais à la première personne et au présent, les personnages se roulaient dans la truculence ; « humour, sexe et dérision », tel aurait pu être le slogan de cette série ! Après la drôle de machine, je m’équipai d’un PC sous Windows 3.1. Bien sûr, les deux systèmes n’étaient pas compatibles, je dus tout retaper. Bien sûr aussi, j’envoyais mes tapuscrits à des éditeurs, sans aucun succès.
Probablement lassé pas ces échecs, je fis une pause dans les Castillon. Je gardais le personnage pour en faire un agent de la DST et j’écrivis une sorte de thriller que j’intitulais Terra (Le crépuscule des dieux aurait sans doute été plus vendeur). J’eus la preuve que ce manuscrit avait été lu jusqu’au bout, car il me revint avec la correction au crayon d’une faute d’accord dans les toutes dernières pages ; mais toujours sans proposition d’édition.
Après Gwendoline vint Ludovic, et après une pause, Solenne et Noémie. J’étais devenu responsable de programme, je voyageais beaucoup à travers la France, mais aussi à l’étranger, Maroc, Liban, Turquie. Pas découragé par les rebuffades des éditeurs, j’occupais mes temps morts en écrivant, et la série des Castillon s’enrichit de quatre titres supplémentaires : La pieuvre en chemise brune , La merguez apprivoisée (vaguement shakespearienne), Entre l’arbre et les Corses et le septième, stendhalien en diable, La châtreuse de charme.
À cette époque, j’avais passé la quarantaine. Je me sentais à la fin d’un cycle, à la recherche d’un nouveau souffle. Je fus recruté par les supermarchés du groupe Auchan en même temps que le siècle s’achevait. Un an plus tard, j’étais nommé directeur du développement pour le sud de la France et nous vînmes nous installer en région lyonnaise. Ce changement de vie et de lieu ne convenait pas à Castillon, resté trentenaire trépidant et parisien. J’abandonnais (à regret) le personnage pour en créer un nouveau : Abel Séverac, commissaire au 36 quai des Orfèvres, muté à Lyon après avoir eu des mots avec un substitut. Un malheur n’arrivant jamais seul, sa femme, lassée par son infidélité chronique, entame une procédure de divorce. Mon commissaire se retrouve donc à Lyon, laissant à Paris son épouse et ses trois enfants. Il découvre une équipe disparate, deux jeunes qu’il doit former et trois pochards qu’il va falloir remettre au boulot. J’optais pour une écriture plus classique, au passé et à la troisième personne, en gardant néanmoins une certaine truculence.
C’est ainsi que naquit Le diable de Montchat, premier de la série des Séverac. Je l’ai autoédité en 2009. C’est à ce moment que j’ai commencé à réaliser que si je voulais me faire connaître, rien ne servait d’envoyer des manuscrits dans la nature. J’ai créé un blog (www.jmorize.unblog.fr) et j’ai participé à des salons. Le diable se vendait bien. Parallèlement, j’avais écrit un second Séverac, que j’envisageais d’intituler Le silence des autruches. Le miracle se produisit enfin : un éditeur lyonnais à présent disparu, Les Grilles d’Or, me proposa de publier Le diable de Montchat. Il sortira en 2011, mais avant cela, Ludo, mon fiston, mourut dans un accident de voiture. Il allait avoir 22 ans. Je ne m’étends pas sur ce que nous avons ressenti, Annick, les filles et moi. Je restais un moment sans écrire, me noyant dans le boulot. Ensuite, la naissance de notre premier petit-fils, Sabri, permit à la vie de retrouver ses droits. Khaylane et Maïssane sont venues compléter le dispositif familial, faisant de moi un grand-père heureux. Paulo, le fils de Séverac, a quelques points communs avec Ludo. À travers ce personnage, j’ai souvent l’impression de continuer à dialoguer avec lui.
Le second Séverac fut publié par Les Grilles d’Or en 2013. À l’époque, l’éditeur m’avait convaincu de prendre un titre plus lyonnais que l’ésotérique Silence des autruches. Ce fut Rouge Vaise. Je m’étais réinvesti dans les salons et pour mon troisième Séverac, je changeais de crèmerie : Jean-Luc Tafforeau, le gérant des éditions AO — André Odemard accepta de sortir Le fantôme des Terreaux. Début d’une belle aventure qui se poursuivit par Crimes à la Croix-Rousse . En 2016 et 2017, AO réédita les deux premiers Séverac tandis que L’inconnu de la Tête d’Or voyait le jour. Parallèlement, un regroupement des activités alimentaires d’Auchan se traduisit par la mise en place d’un PSE. C’est dans ce cadre que je partis en préretraite à la fin 2017, bénéficiaire d’une rente annuelle jusqu’à ce que je puisse prendre ma retraite à taux plein. Le cul bordé de nouilles, en quelque sorte, même si sur le moment se fut un peu douloureux pour mon égo…
Depuis, deux petits nouveaux sont sortis chez AO : Mourir à Ainay en 2019, puis Les martyres de Monplaisir en janvier 2020. Sept au compteur, le huitième est en route. Parallèlement, j’ai entièrement revisité mes Castillon, aidé par le logiciel de correction Antidote. Les sept opus sont désormais disponibles en autoédition avec des couvertures déjantées de ma production, parfaitement adaptées aux titres qui ne le sont pas moins (c’est en tout cas mon opinion !).
Pour conclure et revenir au point de départ, future paternité, chômage et travaux de rénovation furent donc les déclencheurs de ma passion d’écrire. J’espère qu’elle ne me quittera jamais, du moins tant que je serai en état de tenir un stylo ! »
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A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.
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