Réactualisation portrait du jour sur la page FB "Culture et justice" - En attendant de publier ce portrait dans la nouvelle version "Culture et Justice" de l'association Criminocorpus, nous mettons en ligne celui de Karine Salomé du 3 mars 2020
Culture et Justice reçoit avec infiniment de plaisir l'historienne Karine Salomé . Son dernier ouvrage porte sur le Vitriol. Les agressions à l'acide du XXe siècle à nos jours, Champ Vallon, 2020.
Karine Salomé est agrégée et enseigne dans le secondaire. Ses recherches portent sur les représentations, les sensibilités et les imaginaires. Elle s'est d'abord intéressée aux territoires. Elle s'est ensuite penchée sur les violences politiques et les pratiques criminelles. Elle est l’auteure de Les îles bretonnes. Une image en construction (1750-1914) , PUR, 2003, L’ouragan homicide. L'attentat politique en France au XIXe siècle , Champ Vallon, 2010 et Je prie pour Carnot qui va être assassiné ce soir. Un attentat contre la République , 24 juin 1894, Vendémiaire, 2012. Son dernier ouvrage porte sur le Vitriol. Les agressions à l'acide du XXe siècle à nos jours, Champ Vallon, 2020.
Bienvenue Karine sur le très discret et prisé Culture et justice. Ph. P
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Portrait chinois
Si vous étiez….
un crime : l'agression au vitriol commise par Mme de Tilly, une femme issue de la petite noblesse qui attaque la maîtresse de son mari en 1880. Elle illustre ces femmes qui entendent venger leur abandon, leur honneur perdu, même si elle constitue une exception par son appartenance sociale, la grande majorité des vitrioleuses étant issues des milieux populaires.
une période historique : Le XIXe siècle et plus précisément, les années 1880 au cours desquelles les affaires se multiplient et s’immiscent dans les réflexions sur le divorce et la place des femmes dans la société.
un usage oublié : les agressions à l’acide qui deviennent fréquentes en France à la fin du XIXe siècle. Les contemporains parlent même de « mode ». Ces pratiques sont devenues rares depuis la fin des années 1930, mais elles sont très présentes dans des pays d’Asie, comme l’Inde et le Pakistan, et aussi dans quelques pays d’Afrique et d’Amérique latine. Le Royaume-Uni est confronté depuis quelques années à une recrudescence de ces agressions.
un personnage historique : Troppmann, voleur et assassin. En 1869, il tue les membres d’une famille pour mettre la main sur leur richesse. L’affaire a connu un grand retentissement en France. C’est mon premier rapport à la recherche puisque je lui ai consacré mon mémoire de maîtrise, dans le sillage de Michelle Perrot qui avait écrit un article sur le sujet.
un sens : Difficile de choisir dans une histoire qui se veut attentive aux représentations, aux sensibilités. Je dirais la vue car c’est le sens qui prédomine (et qui est souvent le plus présent dans les sources) : le regard que l’on porte sur le territoire, mais aussi sur le corps. L’attentat comme le vitriolage conduit à des dommages corporels, à la défiguration alors même que le XIXe siècle se montre attentif à la signification des traits.
un paysage : Les îles bretonnes auxquelles j’ai consacré ma thèse de doctorat. Ces espaces, qui sont envisagés uniquement sous l’angle de leur possible usage politique et militaire, deviennent des paysages sublimes et pittoresques à partir de la fin du XVIIIe siècle. Parmi ces îles, l’une m’est particulièrement chère, Ouessant. C’est là que mes parents se sont rencontrés ! C’est devenu un point d’attache très fort.
une injustice : le rejet des immigrés italiens suite à l'assassinat du président Carnot par un anarchiste italien, Caserio, en 1894. Je m'étais penchée sur les réactions d'hostilité et de violence que l'attentat avait provoquées.
une émotion : l’admiration et l’inspiration. L’enseignement d’Alain Corbin a été déterminant. C’est sous sa direction que j’ai fait d’abord ma maîtrise, puis mon doctorat. L'idée de travailler sur les îles bretonnes est né de la lecture du Territoire du vide. L’Occident et le désir du rivage, 1750-1840. Plus largement, sa manière d’envisager l’histoire, à savoir une histoire des représentations et des sensibilités, la possibilité de travailler sur des sujets tels que la violence, l’horreur, la cruauté sont à l’origine de mes recherches.
une fascination : Probablement un intérêt pour les marges : les marges territoriales avec les îles, les marges criminelles et sociales à travers les attentats et les vitriolages. Dans mes dernières recherches, la question qui m’intéresse est celle du recours à la violence. Comment, dans quelles circonstances, un individu passe-t-il à l’acte ? Son geste est-il tolérable et acceptable par la société ?
un sexe : les femmes. Au fur et à mesure de mes recherches, je me suis penchée sur leur place : les îliennes, les femmes terroristes et bien sûr les vitrioleuses. Ces femmes qui agressent à l’acide leur ancien compagnon manifestent leur refus d’une situation qu’elles jugent injuste. Elles donnent lieu à la construction d'une figure criminelle spécifique, la vitrioleuse, qui fait écho à la figure de l’empoisonneuse, étudiée par Anne-Emmanuelle Demartini dans son travail sur Violette Nozière .
un lieu : si l’on sort du domaine des recherches, je dirais mon premier établissement en tant que titulaire. C'était le lycée professionnel, Pierre Mendès-France à Villiers-le Bel, classé ZEP. Je suis venue à l’enseignement un peu par hasard.
C'était un moyen de continuer à faire de l’histoire. Et finalement, cela m’a beaucoup plu. Les élèves n’étaient pas très faciles, mais tellement attachants, avec un sens de la répartie et de l’humour impressionnant. Je suis maintenant au lycée Maurice Genevoix, à Montrouge, et c’est toujours le même plaisir.
un sentiment : la reconnaissance envers des professeurs d’université qui m’ont confié la charge de cours ou de travaux dirigés à l’université, notamment Anne-Emmanuelle Demartini et Emmanuel Fureix .
un écrivain : Delphine de Vigan qui révèle les drames du quotidien. Un jour, peut-être, j’arriverai à écrire des livres de fiction…
un peintre : Robert Lotiron , mon grand-oncle, qui a été influencé par l’impressionnisme et le cubisme, avant de devenir un des peintres connus de l’entre-deux-guerres, et auquel une rétrospective sera consacrée cette année à la Piscine, à Roubaix.
un projet : l’étude des mutineries et notamment celle de jeunes filles, à Fresnes en 1947. Toujours des femmes, transgressives, qui se rebellent contre une situation qu’elles jugent insoutenable...
Entretien réalisé par Caroline Bonacossa : Journaliste chevronnée et enthousiaste, spécialisée dans les médias et la culture (mais pas que...), en poste à Stratégies après avoir roulé sa bosse au Parisien, à L'Obs, à GQ, Télé 2 Semaines, et au sein des groupes Marie Claire et Mondadori. Intervenante à la radio et parfois à la télé. Pour me contacter : cbonacossa@yahoo.fr
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A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.
Relecture et mise en page Ph. P et S.P.
Politique éditoriale de la page "Culture et Justice" - Le blog de Philippe Poisson
Le carnet de recherche de Criminocorpus a été créé en 2008 sur la plateforme Hypotheses avec l'objectif de couvrir l'actualité de la recherche en histoire de la justice. Il s'est progressiveme...