La photo de l’auteur et de Gérard Mordillat a été prise pour la présentation du livre à la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges par Caroline de Benedetti qu’il convient de créditer
Nouveau portrait du jour Alain Amariglio
Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs et reçoit avec infiniment de plaisir Alain Amariglio
Bienvenue Alain sur le très discret et prisé Culture et justice
Alain Amariglio est ingénieur, entrepreneur, instituteur.
Il poursuit ses études au Lycée Henri Poincaré de Nancy puis à Télécom Paris Tech et, sitôt son diplôme obtenu, crée SLP avec Jean Schmitt, Jérôme Pujol et Thierry Delbecque. La première partie de sa carrière est consacrée à la création et au développement de cette start up, entreprise de pointe dont les clients sont les opérateurs de télécommunications. Vite apparue sur les radars des grands groupes internationaux et des analystes, SLP fait en 2001 l’objet d’une acquisition par Gemplus (aujourd'hui Gemalto), leader mondial des cartes à puces, où Alain continue à travailler un temps.
Après quoi il revient à un projet de toujours : l’enseignement. Il présente le Concours de Recrutement de Professeur des Ecoles à Paris, suit un an de préparation à l’IUFM puis enseigne dans plusieurs écoles primaires parisiennes, généralement en ZEP, du CE1 au CM2.
Dans Il était une fois une start-up (Editions de la Différence, 22 septembre 2016), il raconte son expérience d’entrepreneur et la trajectoire de SLP.
Dans la classe (Editions des Equateurs) est consacré à son expérience d’instituteur et surtout à ses élèves.
Coup fourré rue des Frigos (Editions de la Différence), écrit avec Yves Tenret, est sa première incursion dans le roman noir.
Brune, fin d'un maréchal d'Empire est son premier roman historique.
Il a également obtenu le prix Rock en Seine décerné par un jury présidé par Jacques Higelin pour son texte de chanson, La Ville.
Alain Amariglio, Avec les compliments de Marius Jacob, Éditions Les Monédières, septembre 2021.
Présentation
Anarchiste, cambrioleur et révolté, aussi imaginatif et ingénieux que cultivé, Alexandre Marius Jacob a tout d’un Robin des Bois de la Belle Époque. Si sa vie est un roman, le personnage, lui, est bien réel et le combat de son existence, la lutte contre l’injustice, intemporel.
Dans une dernière lettre à une petite fille, dont il a partagé les jeux sans jamais lui révéler son passé, Marius raconte son histoire avec gouaille et humour : ses débuts comme mousse puis pirate, son métier d’honnête voleur dans la bande des Travailleurs de la Nuit, qui le conduit tout droit au bagne et les ruses qui lui permettent d’y survivre et d’en sortir pour entamer une nouvelle vie.
Dans ce roman, Alain Amariglio dépeint un homme sympathique, sans posture héroïque mais engagé, cohérent et droit. Il retrace les aventures vraies d’un qui voulait changer le monde, laissant en héritage son histoire, son inspiration et, surtout, son espoir. Nous en avons bien besoin, tout comme de sa bonne humeur. Selon Caroline de Benedetti lors de la présentation du livre à Limoges, « c'est un livre qui fait du bien. C'est un roman d'aventure, de bagne, de révolte, de dignité, c'est dramatique et drôle et fou. » « Un livre sans dieu ni maître, fort comme une évidence » écrit Gérard Mordillat en préface. Marius Jacob est un personnage dont nous avons besoin, aujourd’hui encore, aujourd’hui surtout.
Entretien
La première fois que j’ai entendu son nom, c’était dans le film de Tavernier, Les Enfants gâtés. Michel Piccoli y joue le rôle d’un réalisateur qui, un soir, raconte à son amie qu’il aimerait faire un film sur Marius Jacob, et lui raconte sa vie d’aventures. En réalité, bien sûr, c’était le rêve de Tavernier lui-même. Mais c’est dans un documentaire que j’ai mieux compris à quel point Marius Jacob était exceptionnel, dans Ni Dieu ni Maître, de Tancrède Ramonet, cette magnifique fresque sur l’anarchisme dont il nous manque malheureusement toujours le troisième volet – c’est bien dommage.
Ce n’est pas le premier et il y en aura d’autres, mais Alexandre Marius Jacob reste étonnamment méconnu, lui qui connut une forme de gloire de son vivant. Je crois que Marius est un ami. Un ami du genre humain et un ami tout court, de ceux qui peuvent vous remonter le moral quand ça ne va pas. Il en a tant vu, sans jamais baisser les bras, ni se raconter d’histoires. Il n’est pas de ceux qui détournent le regard. Il a bien identifié le problème.
Quel problème ?
L’injustice, particulièrement l’injustice sociale. Au sein des anarchistes, il la combat dans un de ses mécanismes centraux, celui de l’accumulation du capital.
Il organise sa « reprise » à grande échelle, grâce à des « transferts de capitaux ». Autrement dit, il crée les Travailleurs de la Nuit, une bande de cambrioleurs d’élite, bien équipés et, surtout, bien organisés. Elle travaille à l’échelle du pays, voire au-delà des frontières, notamment grâce au réseau de voies ferrées – cela se passe surtout entre 1900 et 1903. En quelques années, elle atteint un niveau de professionnalisme impressionnant, contrôlant sa propre fonderie de métaux et négociant les titres financiers à Londres et les pierres en Belgique, par exemple. Une partie du butin va à la cause, principalement aux journaux anarchistes.
C’est le problème auquel il s’attaque qui l’est, actuel, ou plutôt éternel. Le veau d’or ou Midas en sont déjà les symptômes. Keynes pensait que l'accumulation sans fin relevait de la maladie mentale et évoquait "le désir morbide de liquidité", force est de constater que nous ne sommes pas guéris. Les conséquences en sont de plus en plus graves, au point qu’aujourd’hui la survie de l’espèce est menacée, ce qui n’apparaissait pas encore comme un risque au début du XXe siècle.
Pouvait-il en être autrement ? Il le savait bien. Les anars sont peut-être utopistes, mais pas naïfs. « Prenez le révolutionnaire le plus radical et placez-le sur le trône de toutes les Russies et avant un an il sera devenu pire que le Tsar lui-même » disait Bakounine. Plus concrètement, Marius Jacob, comme nombre d’hommes sincères, était pris entre les accumulateurs et ceux qui, sous couvert de défendre les intérêts du peuple, aspirent trop souvent à faire partie du club… Une situation qui n’a rien perdu de son actualité et qui explique pas mal de choses. Face à cela, Jacob peut nous fournir une boussole mais pas un plan. Il agit, il essaie, il rate. Comme les membres de la Brigade du rire de Gérard Mordillat, ou du Gang de la clé à molette d’Edward Abbey, mais lui n’est pas un personnage de fiction.
Son évocation est inévitable. Il est certain que Maurice Leblanc a été influencé par Marius Jacob, cambrioleur à l’ironie acérée, qui a fait rire toute la France – ou presque – lors de son procès en mars 1905, alors qu’il se moquait des plaignants, des juges ou des gendarmes. Gil Blas, Le journal de Leblanc couvrait le procès, et c’est quelques mois plus tard, en juillet 1905, qu’Arsène Lupin a vu le jour, empruntant à l’anarchiste plusieurs de ses traits ou de ses habitudes : son professionnalisme, son sang-froid, son humour et les petits messages qu’il laissait aux victimes. Pour autant, les deux personnages sont bien différents. Si Lupin a, lui aussi, une revanche sociale à prendre, elle est individuelle. Pas de « cause » chez Lupin, qui n’est pas anarchiste et évolue même vers un nationalisme belliqueux qui n’a rien à voir avec les idées de Jacob. Du reste, celui-ci n’a pas caché ce qu’il en pensait : « Comme imagination romanesque, c’est très bien. Et, c’est cela qui plait au public. Mais comme technique, c’est idiot. Trop absurde, invraisemblable. Et dire que c’est un des plus gros succès de librairie ! »
C’est un homme qui a vécu plusieurs vies : marin, typographe, militant anarchiste, cambrioleur, forçat en Guyane pendant près de vingt ans puis, de retour en métropole, employé et forain, apprécié de ses amis et de ses voisins, comme une sorte de Monsieur Madeleine. Mais à travers toutes ces transformations, il est resté lui-même. Juste. Engagé. Droit, sans être rigide ni autoritaire. Conservant son humour même dans les pires moments, son honnêteté, aussi. C’était le genre de voleur qui, ayant pris par erreur, deux journaux chez le marchand, retourne lui rapporter celui qu’il n’a pas payé. À sa mort, en 1954, le Canard Enchaîné publia un très bel article intitulé simplement Un homme. On ne saurait mieux dire.
Il n’aurait pas aimé ça ! Nous avons moins besoin de modèles que de références, de points de repère, de « pionniers » comme disait Romain Gary, qui était une sorte d’irrégulier de l’humanisme. Jacob, lui, était un irrégulier de l’anarchisme. J’aime bien les irréguliers, ni modèles, ni exemples, mais constantes sources d’inspiration.
À la fin de sa vie, à Reuilly, Jacob passait du temps avec un groupe d’enfants dont il était comme un grand-père adoptif, et avec qui il a pris son dernier repas. J’imagine qu’il s’adresse à une petite fille qui lira ce texte pour ses seize ans. Il tient à lui faire comprendre qui il était, quelles aventures il a vécu mais surtout quels étaient ses projets, ses idées, ses espoirs. Écrire à une enfant oblige à rester simple, comme l’était Jacob, à l’opposé des jargons qui, en politique comme ailleurs, ont trop servi à maquiller le pire, et dont il se méfiait beaucoup.
Cela correspond au personnage. Marius Jacob avait le certificat d’études, c’était un autodidacte cultivé, éclectique et passionné, qui lisait avec passion, des romans, de la philosophie, de la politique, de tout. Jules Verne, Victor Hugo, Thomas More, ce sont bien ses lectures, et je n’aurais pas pu toutes les citer. Il fallait qu’elles soient présentes car elles font partie de son héritage, tout comme les phrases dont il fait cadeau à sa jeune lectrice, et qu’il citait souvent dans ses lettres à sa mère, lorsqu’il était prisonnier du bagne de Guyane.
C’est qu’il s’inscrit, lui aussi, dans une tradition et un héritage, qui sont présents dans son œuvre depuis son premier livre, Vive la Sociale ! Il n’est pas étonnant qu’il invoque en préface Michel Ragon et La mémoire des vaincus car c’est justement de mémoire qu’il est question, comme dans la grande chanson où Ferré chante Les anarchistes et leurs « armes rouillées pour ne pas oublier »…
Ces deux personnages un peu oubliés ont peut-être plus de points en commun qu’on ne le croirait. Sur le plan politique, Brune a fait la Révolution, puis il est resté attaché à l’idéal républicain, jusque sous l’Empire, et cela lui a coûté cher. De son côté, au moment de son procès, Jacob a écrit : « Anarchiste révolutionnaire j’ai fait ma révolution. Vienne l’Anarchie. » Oui, ils ont beaucoup en commun et, en premier lieu, la droiture.
L’humour ! Qui chez lui est aussi élégance et panache. Le contraire de l’imposture, de la grisaille, de la résignation. C’est dire si ça nous change et ça nous fait du bien.
A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."
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Philippe Poisson est ancien formateur des personnels à l'administration pénitentiaire. Spécialisé sur l'enseignement de l'histoire pénitentiaire et l'histoire des bagnes coloniaux, il a notamm...