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Nouveau portrait du jour David Hury

David Hury est journaliste et photographe. Il a été correspondant de différents médias à Beyrouth pendant 18 ans et a publié plusieurs ouvrages graphiques et littéraires, au Liban comme en France. Chez Riveneuve, il est coauteur du recueil de chroniques Jours tranquilles à Beyrouth (2009) et auteur du roman illustré de photographies Pentes douces (2017). La rédaction de son nouveau roman Mustapha s’en va-t-en guerre lui a demandé deux ans de recherches dans les archives de l’armée et de la police, et auprès des derniers témoins de l’époque.

Chronique de notre ami Christian Dorsan, de son vrai nom Christian Champetier, tire son pseudonyme de son village Orsan dans le Gard. Membre des « Romanciers Nantasi  », il travaille dans l’univers de la presse, collabore au magazine L’Indic et rédige des fiches lectures pour 20 Minutes.

Bienvenue David sur le très prisé et discret Carnet et Justice

Moustapha s’en va-t’en guerre de David Hury

Il y a des leçons d’Histoire qui méritent qu’on s’y attarde. Non parce qu’elles ont la vocation d’être moralisatrices, mais parce qu’elles portent en elles des valeurs humaines universelles. Et rien de tel qu’une « petite » histoire dans la grande Histoire pour donner corps au passé.

Moustapha s’en va-t’en guerre est l’itinéraire d’un jeune marocain, arrivé en France la veille de la deuxième guerre mondiale et qui va partir à Londres pour devenir agent de liaison. Plusieurs missions avec la résistance locale, arrêté , torturé, il fait parti des combattants qui ont libéré Paris, et qui cependant, ne sera jamais considéré qu’en simple indigène. Alors, après guerre, il va aider en toute logique, le FLN.

Difficile de résumer aussi succinctement cette vie extraordinaire et riche qu’à vécu cet homme, tiré d’une histoire vraie. David Hury nous confie : « Gustave était un ovni dans ma famille, un Oriental affable et joyeux. Je l’ai connu quand j’étais enfant, je le croisais en Normandie dans le village dont je parle dans le roman, là où il avait été parachuté en 1941 et où il avait rencontré la fille de l’instituteur, qu'il a épousée en 1948. Cette femme que j’évoque également beaucoup dans le roman, Annette, était la cousine germaine de mon père. Gustave ne parlait à personne de son expérience durant les années 40-60, ni des actes que l’on peut considérer avec le recul comme héroïques, ni des tortures subies. Il n'a évoqué tous ces sujets qu’avec ses enfants, à la fin de sa vie, au milieu des années 90.Dans la famille, tout le monde l’a toujours appelé Gustave: je n’ai découvert sa véritable identité qu’en 2015... »

David Hury est journaliste-photographe qui s’est lancé dans cette écriture avec le soucis d’un enquêteur : « La somme de travail a été colossale! Beaucoup de recherches dans les archives physiques, dans différents services (Défense au château de Vincennes et à Caen, préfecture de police au Pré-Saint-Gervais...), une grosse vingtaine d’interviews avec des spécialistes de domaines qui m’étaient totalement étrangers, beaucoup de livres lus ou parcourus… Inutile de dire que ce n’est pas sur Internet que l’on trouve le plus d’informations dans ces cas-là. J’ai travaillé ce roman comme une enquête, j’ai recoupé mes sources et mes informations. L’apport des historiens, par exemple sur l’histoire de la colonisation et de l’administration française dans les années 20 dans un coin reculé du protectorat du Maroc, ou sur l’histoire de la police parisienne – tant pendant la Seconde Guerre mondiale que pendant la Guerre d’Algérie à Paris –, a été crucial. Cette période historique et cette zone géographique (le Maghreb) ne sont pas habituellement mes terrains de jeu, je connais beaucoup mieux le Proche-Orient, ayant été journaliste pendant 18 ans au Liban.

Je me suis également beaucoup basé sur les archives des journaux: après avoir choisi un mois particulier pour telle ou telle année (par exemple Octobre 1947), j’ai épluché les journaux sur de nombreuses semaines, pour avoir tous les faits politiques français et internationaux, tout ce qui concernait la vie quotidienne des gens comme la hausse des tarifs du pain ou d’un course de taxi, le changement de couleur des billets de la RATP… 

Mon objectif avec toutes ces recherches était d’être le plus irréprochable possible et qu’aucun historien ne vienne me tirer les oreilles! Par exemple, lors de la toute dernière réécriture en mars dernier, j’ai enlevé toute une scène de torture à la préfecture de police en 1944, où je mettais en scène les inspecteurs des Brigades spéciales et le supplice de la baignoire. Jean-Marc Berlière, l’un des meilleurs historiens de la police, m’a alors certifié que la baignoire n’avait jamais été utilisée à la préfecture: à contrecœur, j’ai donc retiré ma scène. »

Moustapha s’en va-t-en guerre est plus qu’un livre d’Histoire, à l’heure où les mots « dictature », « liberté », sont galvaudés à des fins politiques, ce roman passionnant revient à l’essence même du combat et de l’engagement : « La lutte pour la liberté est universelle, c’est aussi pour cela que l’histoire de Mustapha est riche d’enseignements pour comprendre le monde d’aujourd’hui. Il s’est battu pour débarrasser la France de l’occupant allemand, puis pour débarrasser le Maghreb de l’occupant français. Cette lutte pour l’indépendance des peuples, on la retrouve encore aujourd’hui aux quatre coins du globe, je l’ai vue et vécue de près avec la lutte des Libanais pour leur propre souveraineté, contre tous les occupants directs ou par intermédiaires (israéliens, syriens, iraniens), lutte qui n’est toujours pas terminée d’ailleurs… ».

Un livre d’une rare densité et d’une humanité riche dont l’enseignement devrait être obligatoire afin de mieux comprendre cette période sombre et le renoncement à soi pour des idéaux de justice. Un livre qui raconte le destin ordinaire d’un héro qui à force d’exemplarité et un superbe travail de mémoire.

Moustapha s’en va-t-en guerre de David Hury
éditons Riveneuve , septembre 2021, 22€
ISBN 978 2 36013 624 7

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.

 Relecture et mise en page Ph.P et S.P.

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus, #Peinture - Photographie - Dessin
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