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Nouveau portrait du jour de Denis Langlois

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs  et reçoit avec infiniment de plaisir Denis Langlois

Denis Langlois est né le 30 janvier 1940 à Étréchy (Essonne).

 

Il a fait ses études au Lycée d’Étampes, puis en Faculté de Lettres et de Droit de Paris.

 

Refusant d’effectuer son service militaire, lorsque celui-ci était obligatoire en France, il a été emprisonné en 1966 à Fresnes où il a écrit son premier livre Le Cachot.

 

Il a été le conseiller juridique de la Ligue des Droits de l’Homme de 1967 à 1971.

 

Avocat au Barreau de Paris de 1968 à 1993, il s’est spécialisé dans les affaires pénales et celles concernant les droits de l’homme. Il a notamment été pendant 14 ans le défenseur de la famille Seznec qui souhaitait obtenir la révision d’un procès considéré comme le symbole de l’erreur judiciaire.

 

Auteur en 1971 du livre Les Dossiers noirs de la police française dénonçant les violences policières, il a été poursuivi à plusieurs reprises par le ministre de L’Intérieur de l’époque, Raymond Marcellin. Il a fait partie avec Michel Foucault et Gilles Deleuze de la Commission d’enquête sur l’affaire Alain Jaubert, journaliste blessé lors d’une manifestation.

 

Sur le plan international, il a suivi comme observateur judiciaire des procès politiques en Grèce, en Espagne, en Algérie, en Tunisie, au Koweit, au Mali.

 

Pacifiste convaincu, Denis Langlois a été en 1990-1991 le porte-parole de L’Appel des 75 contre la Guerre du Golfe et a effectué des séjours prolongés en Yougoslavie, en Irak, au Liban et à Djibouti, pour témoigner des conséquences dramatiques des guerres sur le plan politique, économique et psychologique.

 

Il est aujourd’hui avocat honoraire et vit depuis une vingtaine d’années en Auvergne.

 

Il est marié à la poétesse Chantal Dupuy-Dunier.

 

En tant qu’écrivain, il est l’auteur d’une trentaine de livres.

 

Bienvenue Denis sur le très prisé et discret Culture et justice 

Interview réalisée par Chantal Dupuy-Dunier

 

Denis, tu as écrit "La Politique expliquée aux enfants" il y a 40 ans. Cet ouvrage est devenu un classique lu déjà par plusieurs générations d'enfants. Peux-tu nous dire à quel âge tu as commencé à t'intéresser à la politique et pourquoi ?

À vrai dire, c'est plutôt la politique qui s'est intéressée à moi. Je suis né en janvier 1940, c'est-à-dire au tout début de la guerre mondiale, événement politique s'il en est. J'ai vécu mes premières années dans un pays occupé par une armée étrangère. L'un de mes plus anciens souvenirs est un souvenir de couvre-feu. Avec mes frères, nous jouions un peu trop tard dans le jardin de la maison. Sans avertissement, un soldat allemand nous a tiré dessus, à hauteur de nos têtes.

La guerre s'est terminée, mais tout gamin j'ai été entraîné dans un périple à travers une partie de l'Europe. La Suède qui était restée à l'écart de la guerre, a décidé en 1946 d'accueillir des enfants qui avaient souffert de la guerre. C'est ainsi que, sous l'égide de l'association humanitaire Rädda Barnen (Sauver les enfants), on m'a embarqué - j'avais six ans - dans un train qui a traversé

le nord de la France, la Belgique, l'Allemagne et le Danemark. Tous ces pays avaient subi d'importantes destructions. Un paysage de ruines. Je suis resté six mois en Suède, dans une famille où j'ai désappris le français et appris le suédois, au point de ne plus pouvoir pendant un certain temps parler avec mes parents à mon retour. La guerre, les réfugiés, l'Europe détruite. Comment ne pas voir là des situations politiques ?

S'y est ajouté le fait que mon père était passionné de politique. Il tenait un petit magasin où il vendait des pièces détachées pour automobiles. Les clients repartaient avec de quoi réparer leur voiture, mais avec aussi un discours politique. Je passais des heures dans la boutique et j'écoutais.

Et par la suite quand tu es devenu adolescent ?

En 1954, après la guerre d'Indochine, il y a eu la guerre d'Algérie. J'étais au lycée. Les discussions et même les affrontements étaient rudes entre partisans et opposants de l'indépendance algérienne. Là aussi on était en plein dans la politique, elle faisait partie du quotidien.

On percevait aussi que la politique ce n'était pas seulement négatif, ça permettait de lutter pour que la société s'améliore, pour qu'il y ait moins d'inégalités, moins d'injustices. Que c'était aussi un espoir pour ceux qui avaient la tête sous l'eau, qui avaient du mal à se nourrir, à se loger.

C'est certainement tout cela qui m'a incité à devenir à la fois avocat et écrivain. Défendre les droits des êtres humains et en parler à d'autres. J'ai écrit des romans, mais aussi des livres sur la justice, la police, les prisons : "Le Cachot", "Les Dossiers noirs de la police française", "L'Affaire Seznec".

Ma mésaventure linguistique suédoise ne m'a pas dissuadé des déplacements. Avocat de la Ligue des droits de l'homme, j'ai suivi comme observateur judiciaire plusieurs procès politiques en Grèce, en Espagne, en Tunisie, en Algérie, au Koweit, au Mali. Pour dénoncer la guerre, j'ai participé à des missions en Irak, au Liban, en Yougoslavie, à Djibouti. J'y ai constaté que les enfants étaient souvent les premières victimes des conflits.

Écrire pour les enfants, comment ça t'est venu ?

En tant qu'écrivain, il m'arrivait d'être invité dans les écoles, les collèges, et je constatais l'intérêt des élèves pour les problèmes politiques. Ils me posaient des questions, ils voulaient comprendre ce qui alors était considéré comme "pas fait pour les enfants". Alors, je me suis dit "Pourquoi justement ne pas écrire pour les enfants ?". En employant des mots qu'ils pourront comprendre et en les prenant au sérieux. En les aidant surtout à réfléchir, à se forger des opinions personnelles. J'ai écrit d'abord "L'Injustice racontée aux enfants", puis - il y a quarante ans - en 1983, "La Politique expliquée aux enfants". J'ai eu la chance que ce second livre soit illustré par un dessinateur très connu : Plantu, qui dessinait dans le journal "Le Monde".

Aujourd'hui le livre est réédité dans une édition "collector" ? Pourquoi ?

C'est un livre qui a eu un certain succès. Il a été réédité à plusieurs reprises et traduit dans de nombreuses langues. (Tiens, pas en suédois !). Chaque fois, je le réactualisais, je tenais compte des préoccupations de mes jeunes lecteurs, j'ajoutais des passages. Et puis, cette année, en 2022, 40 ans après la première édition - 39 ans exactement - à l'occasion de l'élection présidentielle, nous avons pensé, avec mon éditeur, Michel Lebailly de La Déviation, qu'il fallait faire une édition spéciale, fêter un anniversaire, sous la forme d'un bel album cartonné qui reprendrait le texte original de la première édition, mais indiquerait ce qui a changé depuis.

Et qu'est-ce qui a changé en 40 ans ?

Avec surprise et déception j'ai constaté que pas grand-chose n'avait changé : toujours des injustices, des guerres dans le monde, une pollution généralisée de la planète. Toutefois un état d'esprit différent, et pas seulement dû à la pandémie que nous subissons actuellement. Beaucoup moins d'espoir, il faut le reconnaître, de modifier fondamentalement les choses. Les grands rêves de changer le monde, de parvenir à la justice, la liberté et l'égalité, se sont en grande partie évanouis. On est plutôt aujourd'hui en situation de résistance : essayer que la situation ne s'aggrave pas davantage. La politique est certainement moins enthousiasmante qu'il y a quarante ans. Cela ne veut pas dire qu'il faut perdre espoir. Les jeunes sont davantage sensibilisés aux problèmes écologiques. Ils veulent sauver la planète, préserver la vie humaine (et celle des animaux) sur terre. Ce sont là des problèmes essentiellement politiques. Et ce sont des problèmes urgents. Pas une minute à perdre, afin qu'il ne soit pas trop tard. Le nouveau dessin de Plantu en couverture traduit bien cela. Un enfant muni d'un porte-voix qui, en constatant la situation catastrophique de la terre, crie "Vite ! Ça urge !" Espérons que le petit bonhomme va être entendu et que nous allons réussir à trouver les solutions politiques pour sauver ce qui peut être sauvé. C'est là notre espoir ! Notre espoir à tous !

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

 Relecture et mise en page Ph.P et S.P.

 

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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