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Nouveau portrait du jour  Anna de Sandre

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Anna de Sandre

Anna de Sandre est écrivaine, conseillère littéraire et libraire volante en Gascogne, dans un patchwork de matières sauvages où le jaune pousse comme du chiendent. Elle écrit en littérature générale (et en jeunesse sous le pseudo Anna Pym), notamment pour l'école des loisirs, La Manufacture de livres et Gallimard.

Son charme naturel et sa gentillesse ont provoqué un véritable tsunami littéraire au festival du polar Polar’Encontre près d'Agen le weekend dernier.

Bienvenue  Anna sur le très discret et prisé Culture et justice

 

Des personnages de mon roman Villebasse ont tenu à m'interroger eux-mêmes, probablement pour régler leurs comptes, je ne sais pas bien, je n'ai pas tout à fait compris leurs intentions derrière les questions suivantes, parfois inattendues.  :

Rose Mandel

« Pourquoi m'as-tu créée dans un roman aussi sombre ? Ton histoire se situe dans un bled paumé, ça se passe en plein hiver, sous la neige, et pour couronner le tout tu m'as placée dans une famille éclatée qui pue à plein nez le redneck et la névrose. Vous, les écrivains, avez tous les pouvoirs ; de vrais petits démiurges ! Alors pourquoi ne m'as tu pas mise dans un contexte plus favorable ? Je suis quoi, ton double de papier, ton avatar ? Tu voulais te venger de quelqu'un à qui tu en veux personnellement, c'est ça ? »

Anna de Sandre

« je m'attendais à cette confrontation avec un témoin à charge, mais je ne m'attendais pas à toi, Rose. Sache — mais je crois te l'avoir déjà dit — que je n'écris jamais d'autofiction. Je ne tiens pas même de journal intime, contrairement à toi. J'écris pour raconter des histoires et rien de plus. Je confesse décrire le monde tel qu'il va, et il ne va pas très bien en ce moment, tu l'auras sans doute remarqué. J'aime faire de la littérature avec les personnages d'un Erskin Caldwell ou d'une Flannery O'Connor plutôt que d'un Scott Fitzgerald, parce que leurs vies sont plus romanesques ; peu importe qu'elles soient proches ou non de la mienne. J'entends ton ressentiment, mais tu ne sauras pas m'émouvoir car je te rappelle que tu es un personnage de fiction ; cela signifie que tu prends vie quand un lecteur ouvre Villebasse et qu'il pose les yeux sur toi, et que tu meurs à chaque fois qu'il le referme. »

Le Chien 

« J'ai un rôle déterminant dans Villebasse (j'en profite ici pour te remercier de cette importance que tu m'as donnée) : je fais le lien entre tous les personnages et j'ai une terrible mission à accomplir. À ce propos, d'ailleurs, je remarque que c'est moi qui fais le sale boulot à la place des hommes, dans ton roman. C'est pourtant vous qui avez inventé la justice, non ? Alors, à quoi ce choix est-il dû... à un excès de morale de ta part ? À part ça, je trouve que tu as très bien mis en valeur mon animalité dans ton texte — même si je trouve que m'appeler sobrement « Le Chien » est impardonnable (davantage que « Lucky » ou « Chaussette », par exemple) ; puis-je en déduire que le chien est ton animal préféré ? »

Anna de Sandre

«Il me semble que tu n'es pas doté de la parole, dans Villebasse. Et pour cause, je ne suis pas une fan de l'anthropomorphisme débridé de notre époque. Donc commence par retourner dans ton panier, ce canapé en cuir m'a coûté une blinde... voilà, merci. Ensuite, pour répondre à ta question, oui, je le confesse : je t'ai honteusement instrumentalisé pour exécuter les pires besognes et pour tisser une trame cohérente autour des nombreux personnages du roman.

J'ai un reste d'épaule d'agneau dans mon frigo. Tu le veux en guise de remerciement ?

Et pendant que tu te régales, j'en profite pour te détromper : la vérité est que je n'aime pas trop les chiens. Vois-tu, je préfère les chats. Comme la plupart des écrivains, oui, ; j'étais sûre que tu répondrais ça. Mais je n'ai jamais prétendu être originale, tu sais ! Les chats ont des qualités et des défauts qui nous conviennent à peu près, tandis que vous, les chiens, vous êtes serviles et pots de colle, ce qui vous disqualifie d'emblée. En plus, vous n'êtes pas autonomes, tu parles d'une plaie !

Je t'ai fait apparaître pour me défausser du sujet épineux de la vengeance et pour faire le lien entre les habitants de Villebasse, qui est le personnage principal mais une coquille vide sans les âmes qui la hantent. C'est sans doute pour cela que dans mon roman, tu ne t'attaches à personne bien longtemps et que tu te débrouilles comme un chef.»

Jourdan :

« Pour ma part, je n'ai pas de question. J'interviens ici uniquement pour te dire que je ne te pardonnerai jamais ce que tu as fait de moi. Un homme battu par son épouse, un employé harcelé par sa hiérarchie, bref ! Un avorton terminé à la pisse. Je te déteste. »

Anna de Sandre :

« Tu oublies toute la tendresse avec laquelle je t'ai décrit et tu oublies le rôle formidable que je t'ai fait jouer aux côtés de Le Chien. Je crois au contraire que tu as un beau rôle, dans Villebasse. Tu es même un des personnages les plus lumineux, alors retire ce que tu viens de me dire, s'il te plaît ; tes propos sont injustes. »

Jourdan :

« Va plutôt te faire foutre, Anna... »

 

 

Au cœur d’une vallée s’élève Villebasse, entrelacs de rues centenaires où s’entassent bicoques et immeubles, comme partout ailleurs. Depuis quelques années, sans que personne s’en inquiète, une étrange lune bleue vient éclairer le ciel. Ceux qui arrivent ici en repartent rarement, restreignant leurs existences à l’enceinte de la ville. Villebasse est leur horizon et leur malédiction. C’est au commencement de l’hiver que Le Chien arrive en ville. Il rôde de parcs en ruelles, partageant tour à tour la vie des uns et des autres, tantôt protecteur, tantôt justicier.

 

Avec ce premier roman poétique et onirique, Anna De Sandre nous donne à lire la mythologie contemporaine d’un monde ravagé par nos maux ordinaires.

 

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

 Relecture et mise en page  Ph.P

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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