La violence arbitraire et le détournement des fonctions de sécurité contre la population, au bénéfice de ceux qui contrôlent l'Etat, sont des phénomènes qui ne datent certes pas de ces dernières années : ils sont aussi vieux que la police elle-même et découlent des ambiguïtés inhérentes à sa nature même, depuis ses origines sous l'Ancien Régime.
Emmanuel Blanchard et Vincent Milliot, co-auteurs d'une somme sur l'histoire de la police, montrent comment toute l'histoire de cette institution est marquée par l'équivoque, entre service à la population et instrument de son assujettissement.
Les fonctions de police, lorsqu'elles émergent au sortir des Guerres de religion et, surtout, à partir du XVIIe siècle, englobent toute la sphère exécutive du gouvernement ; il s'agit de l'ensemble de l'activité par laquelle l'administration de la cité est mise en oeuvre. Ce sont les Lumières et leur combat pour les droits de l'homme qui président au développement, à partir de la deuxième moitié du XVIIIe s., d'une exigence de contrôle sur l'usage de la force et de l'emprisonnement au nom de l'autorité publique.
La violence particulière de la police française et l'impunité de ses excès, qui sont bien perçus à l'étranger comme une spécificité nationale, tiennent à l'exceptionnelle centralisation du pouvoir, de la monarchie absolue à la Ve République, mais aussi aux effets de la longue expérience coloniale des XIXe-XXe s., qui a fortement contribué au développement et à la perpétuation d'une pratique très autoritaire.