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Le procès de Nuremberg ou la preuve par l'image.

Alors qu’à l’Assemblée nationale un projet de loi est à l’étude pour soutenir la confiance dans l’institution judiciaire, la question des procès filmés apparait dès le premier article du premier texte proposé. A cette occasion Jean-Louis Comolli s’entretient avec l’historienne de tous les cinémas de la Deuxième guerre mondiale, Sylvie Lindeperg, sur le procès de Nuremberg qui a fait date en la matière. Un procès organisé par les Alliés, vainqueurs, pour juger les plus hauts responsables nazis, les vaincus, qui s’est déroulé sur près d’une année entre novembre 1945 et octobre 1946 avec douze condamnations à mort. Les audiences du procès ont été filmées et des films notamment tournés dans les camps de concentration au moment de leur découverte par les troupes alliées ont été utilisées comme preuves à charge pour démontrer des crimes reprochés aux accusés. Procès historique au possible, Nuremberg a produit ses images, utilisé les images et a fait l’objet d’une foisonnante production d’images par la suite aussi bien dans la fiction que dans les documentaires qui se sont consacrés à son histoire avec récemment Nuremberg : des images pour l’Histoire, une enquête de Jean-Christophe Klotz revient sur la recherche acharnée de photos et de vidéos des crimes nazis pour le procès par Budd et Stuart Schulberg.  

Le documentaire de Jean-Christophe Klotz : Nuremberg des images pour l'histoire

 

Exercice de mise en récit par excellence le procès de Nuremberg a été conçu par les deux grands vainqueurs de la guerre, américain et soviétique, comme un évènement qui devait largement « déborder » de sa mission première judiciaire. Raconter et représenter pour projeter les sociétés ravagées par la guerre dans l’après, un avenir où la paix serait le maître mot, qu’il apparaisse dans sa définition socialiste ou capitaliste. Plongée dans les coulisses des préparatifs de Nuremberg, Sylvie Lindeperg, a voulu comprendre comment ceux qui allaient filmer l’évènement et ceux qui élaborait les films-preuves avaient dû eux-mêmes se représenter les crimes à juger, avec un acteur majeur de cette mise en récit la Field Photographic Branch dirigée par John Ford, chargée de rechercher et de monter les images, de réaliser un court-métrage pour préparer l’opinion au procès mais aussi de filmer les audiences et enfin d’élaborer un documentaire qui fixerait la mémoire de cet évènement sans précédent. C’est à l’écriture d’une dramaturgie élaborée autour de la lecture des crimes nazis par le tribunal de Ni-Nuremberg que se livrent tous ses acteurs. « Le 21 novembre 1945, dans son discours d’ouverture, le procureur américain annonce à la Cour qu’elle verrait les inculpés rejouer leurs crimes sur l’écran ». La représentation des crimes mobilise les performances des opérateurs, des monteurs mais aussi de ceux qui en sont les objets, le talent ou l’absence de talent des accusés pour se mettre en scène et l’échec aussi des prévisions de l’effet de la diffusion des images de l’extermination. Les scénarios de Nuremberg élaborés alors que les troupes alliées triomphaient du nazisme sont proposés alors que le contexte a changé : la guerre froide déclarée qui affutent les arguments de ses détracteurs, les aléas du présent et des performances des magistrats et des accusés qui ont grippé la machine spectaculaire et moralisante voulue à Nuremberg a en partie échappé à son scénario originel, contraint par l’exercice judiciaire sans verser pleinement dans la propagande programmée.  

Lien :

Sylvie Lindeperg : « Nuremberg fut pensé, aussi bien par les Américains que par les Soviétiques, comme un show trial » Par Jean-Louis Comolli, AOC, 15/05/2021. 

Tag(s) : #Justice - Peine de mort - Expertises, #Guerre 1939 -1945 - Vichy
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