Des bagnards, surnommés transportés, au travail sur l'Île des Pins en Nouvelle-Calédonie
entre 1872 et 1880. ©Getty - Keystone-France/Gamma-Keystone
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De 1853 à 1946, l’archipel calédonien est rattaché à l’empire colonial français. Entre déportation des bagnards et expropriation des Kanaks, à quoi ressemble la société coloniale en Nouvelle-Calédonie ?
Avec
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Isabelle Merle Historienne, directrice de recherche au CNRS et directrice du CREDO, spécialiste des processus de colonisation dans le Pacifique sud
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Louis Lagarde Archéologue, maître de conférences à l’Université de Nouvelle-Calédonie
Bagne et colonisation en Nouvelle-Calédonie…. et si tout cela n’était en réalité qu'une question de bonnes intentions ? Pourquoi installer un bagne à l’autre bout du monde ? Pour désengorger les prisons en Europe et permettre l’expiation par le travail agricole au plus près de la nature. Ensuite, pourquoi la Nouvelle-Calédonie ? Peut-être parce que ces îles sont plus hospitalières que la terrible Guyane et son bagne. La colonisation est pavée de bonnes intentions.
Des premiers contacts à la colonisation
Avec l’arrivée de l’explorateur anglais James Cook en 1774, l’archipel calédonien entre dans les atlas des navigateurs européens. À partir de là, les premiers contacts entre les populations kanak et des aventuriers occidentaux, baleiniers ou santaliers, se multiplient. Les Kanaks jouent un rôle actif dans cette rencontre culturelle. Ils se fournissent en tabac, bétail, objets métalliques, peintures industrielles… Les militaires s’emparent de l’île en 1853 et la rattachent à l’empire colonial français. Selon l'archéologue Louis Lagarde : "Cette prise de possession de la Nouvelle-Calédonie s'explique pour deux raisons : un objectif géostratégique dans un Pacifique sud-ouest dominé par la Grande-Bretagne, et les problèmes que les missionnaires français catholiques rencontrent sur l'île, qui précipitent l'intervention militaire".
Peupler la Nouvelle-Calédonie par le bagne
La Nouvelle-Calédonie est envisagée comme une colonie de peuplement par les Français. Sur le modèle de l’Australie anglaise, c’est par le bagne que, dès 1864, les administrateurs coloniaux vont tenter de donner forme à ce projet colonial. Motivé par un idéal philanthropique selon lequel le travail rend vertueux, le bagne de Nouvelle-Calédonie est censé réinsérer les forçats dans une nouvelle société en leur attribuant, une fois leur peine purgée, un lot de terre sur l’île. En réalité, le bagne est également le lieu idéal pour éloigner les prisonniers politiques les plus dangereux : c’est le cas des rebelles opposés à l’empire colonial français en Algérie ou en Indochine, mais aussi celui des Communards, qui sont 4 700 à être déportés en Nouvelle-Calédonie de 1872 jusqu’à leur amnistie en 1880.
L'expropriation des Kanaks
Le projet de peuplement de la Nouvelle-Calédonie repose sur l’attribution de terres par l’administration coloniale à des petits cultivateurs. Ces terrains sont volés aux Kanaks, qui sont expropriés par une série de mesures. En 1887, ils tombent sous le coup du Code de l’Indigénat, un système juridique qui les prive de certains droits fondamentaux, notamment la liberté de circuler. En 1897, le processus s'intensifie avec la mise en place de réserves kanak, qu’il n’est possible de quitter que pour aller travailler. Expropriation des Kanaks et déportation des bagnards sont deux phénomènes liés, qui s’inscrivent dans le projet d’une colonie de peuplement, ce qui structure la construction de la société calédonienne du 19e siècle autour du racisme et des discriminations. Comme le résume l'historienne Isabelle Merle : "Il y a une carcéralisation de la société coloniale en Nouvelle-Calédonie fondée sur un principe de répression qui s'inscrit dans le bagne".
Pour en savoir plus
Isabelle Merle est historienne, directrice de recherche au CNRS et directrice du Centre de Recherche et de Documentation sur l'Océanie (CREDO). Elle travaille sur l’histoire connectée des colonisations aux 18e-19e siècles dans le Pacifique, et particulièrement en Nouvelle-Calédonie.
Elle a notamment publié :
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Expériences Coloniales. La Nouvelle-Calédonie. 1853-1920, Anacharsis, 2020 (Réédition, première publication chez Belin, 1995)
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(avec Adrian Muckle), L’Indigénat. Genèses dans l’Empire français. Pratiques en Nouvelle Calédonie, CNRS Éditions, 2019
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Watkin Tench, L'expédition à Botany Bay : la fondation de l'Australie coloniale. (introduction et annotations). Anacharsis, 2020
Louis Lagarde est archéologue, maître de conférences à l’université de la Nouvelle-Calédonie.
Il a notamment publié :
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(dir.), Le Patrimoine de la Nouvelle-Calédonie, Éditions Hervé Chopin, 2024
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(édité avec Gwénael Murphy et Eddy Banaré), Sous le ciel de l’exil – Autobiographie poétique de Marius Julien, forçat de Nouvelle-Calédonie, Presses universitaires de la Nouvelle-Calédonie, 2020
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Par Xavier Mauduit. Du lundi au vendredi, "Le Cours de l'histoire" remet au goût du jour le récit de l'histoire, réservant un traitement à toutes ses occurrences dans l'espace public comme dans les productions culturelles, tout en restant très attentif à l'actualité de la recherche..