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C’est arrivé après 15 heures ! ©Getty - suteishi

 

Comment expliquer que les femmes tuent beaucoup moins qu'elles ne sont tuées ? Existe-t-il une spécificité du rapport des femmes au crime ?

 

Avec

  • Geneviève Morel Psychanalyste, docteur en psychologie et psychopathologie, rédactrice-en-chef de la revue "Savoirs et clinique" (Érès)

  • Gilbert Thiel Magistrat honoraire, ancien juge d’instruction, notamment au pôle anti-terroriste

Ce ne sont pas les idées reçues qui manquent sur les femmes criminelles. Ainsi, elles seraient cantonnées dans certains crimes - comme l’infanticide - ou certaines manières de tuer comme l’empoisonnement. Or, il s’avère que ces deux affirmations sont inexactes car l’empoissonnement est commis à parité par des femmes et des hommes tout comme l’infanticide. Il n’est pas difficile de voir le double inversé de la bonne mère, qui tue au lieu de donner la vie, qui donne du lait empoisonné. Gilbert Thiel nous rappelle que "pendant longtemps, on a considéré que le crime d'empoisonnement était spécifiquement féminin, on expliquait que les femmes n'ayant pas une masse musculaire comparable à celle des hommes, elles préféraient un crime qui ne faisait pas couler le sang, et n'obligeaient pas à un contact physique avec la victime. Il faut se souvenir que la première expertise toxicologique dans l'affaire de Marie Lafarge remonte à 1840. A l'époque, les empoisonnements à l'arsenic présentaient les mêmes symptômes que le choléra, maladie qui sévissait grandement en France, et certaines empoisonneuses n'étaient pas repérées pour leur crime, telle la célèbre Hélène Jégado, qui a fait une trentaine de victimes, mais dont la justice n'a retenu que cinq meurtres, pour cause de prescription. Elle a été condamnée à mort et exécutée en 1852 ".

On ne retrouve pas cette parité dans les meurtres au sein du couple puisque 84% des auteurs sont des meurtres de femmes commis par des hommes et l’inverse uniquement dans 16% des cas. Par ailleurs, le viol demeure largement le fait d’hommes.

Est-il seulement possible de caractériser le crime féminin sans tomber dans des clichés ? Ou sans réveiller des mythes à commencer par celui de Médée ? Geneviève Morel  nous explique "certains crimes commis par des femmes sont très liés à la séparation, c'est notamment le cas de l'infanticide. Pour les crimes amoureux, ceux où l'on tue le conjoint.e., chez les hommes il s'agit davantage de crimes d'appropriation, de jalousie comme possession, c'est le cas dans "Othello" ou dans le film "Rocco et ses frères", où la femme aimée est tuée plutôt que de la laisser à quelqu'un d'autre. Chez les femmes, on constate plutôt l'importance des mots de l'amour et de la trahison de l'amour. C'est ce que l'on retrouve dans Médée, dans le très beau texte d'Euripide, il s'agit essentiellement de la trahison de la promesse d'amour et de la parole donnée devant les Dieux, et cela n'est pas supportable".

Pour éviter ces écueils et tenter de répondre à cette question, le mieux est de se pencher sur la vie des femmes tueuses, sur leurs tourments intimes, sur leurs fantasmes, dans des entretiens thérapeutiques. C’est aussi ce que font les juges qui doivent côtoyer cette singularité du crime commis par des femmes.

Pour aller plus loin

Tag(s) : #Femmes - repères biographiques, #Femmes dans la société, #Justice - Peine de mort - Expertises
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