Portrait du jour de Anne Loyer
Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Anne Loyer.
Anne Loyer est originaire du Berry. Diplômée en droit, histoire et journalisme, elle exerce le métier de journaliste pendant plus de 15 ans avant de se tourner vers l'écriture. Autrice de très nombreux ouvrages pour la jeunesse, elle publie plusieurs romans chez Slalom : Celle que je suis (2019), Filles Uniques (2021) et Vers le Vrai (2022)...
Prix pour CELLE QUE JE SUIS
Prix de la librairie Le Silence de la mer (Vannes) 2022
Prix pour FILLES UNIQUES
Prix des Embouquineurs 2021-2022
Sélections pour CELLE QUE JE SUIS
Prix Babelio 2020
Sélections pour FILLES UNIQUES
Prix Babelio 2021
Prix UNICEF
Prix Adolire
Bienvenue Anne sur le très prisé et discret Culture et justice
Interview réalisée par mon ami Christian Dorsan
Blog : https://le-blog-de-christian-dorsan.over-blog.com/
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Trois fois Elle de Anne Loyer
Anne Loyer nous avait habitué aux romans jeunesse, avec Trois fois Elle, elle propose une fresque familiale sur trois générations, mais attention, ne croyez pas que le titre annonce une saga sentimentale pour jeune fille romantique, ce roman est un portrait de luttes, d’émancipations et d’espérances.
Trois fois Elle se déroule sur trois époques de notre histoire contemporaine : la jeunesse de Renée en 1972 qui n’a pas connu sa mère et qui entre à la Sorbonne après son bac avec la ferme intention de réussir sa vie. Deuxième époque, sa fille Sylvie qui en 1992 souhaite se libérer des études, être une mère indépendante. Et enfin, Maxime, dans les années 2020, ne souhaite ni tomber amoureuse ni devenir mère. Trois portraits de femmes différentes qui ont cependant non seulement un lien familial mais des combats à mener contre l’image que la société veut coller aux femmes. Ni vindicative, ni geignarde, Anne Loyer avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité, nous invite à découvrir les motivations de chacune à trois époques durant lesquelles les combats ne sont pas tout à fait identiques par les revendications même si en filigrane, c’est toujours d’émancipation dont il est question. Un roman qui a valeur de témoignage tant il est ancré dans l’Histoire, un roman pas seulement écrit pour les petites filles, un roman intergénérationnel et universel.
Rencontre avec Anne Loyer
Trois générations de femmes avec trois questionnements différents, à chaque époque, la femme doit-elle se positionner sur un combat ?
Quelle que soit sa conviction personnelle et quelle que soit l'époque, la femme sera amenée (ou aura été amenée) à se positionner. Car les droits des femmes ne cessant d'évoluer (dans le bon ou le mauvais sens) il est nécessaire de prendre parti, de s'impliquer. De ces changements naissent fatalement des combats pour arracher, revendiquer ou contrer des décisions qui touchent au corps des femmes. Et ce depuis la nuit des temps, encore aujourd'hui, sûrement demain et à travers le monde toujours. D'une manière ou d'une autre, une femme est impactée. Et si ce n'est pas elle, c'est sa mère, sa sœur, sa cousine, son amie... l'humanité est un moteur pour entrer en résonance avec la souffrance de l'autre. La sororité en est un autre, avec un facteur de proximité encore plus fort.
La lutte pour une émancipation s’adapte avec l’évolution de la société ?
Je pense qu'effectivement la lutte pour l'émancipation utilise les nouvelles armes que l'évolution de la société lui offre. Elle s'appuie sur des avancées qui sont des cris de guerre comme le mouvement #metoo par exemple. Mais aussi sur des moyens contemporains que sont les réseaux sociaux, les podcasts... Donner de la voix, faire entendre les souffrances sont indispensables à la prise de conscience, antichambre de cette lutte. Une lutte qui passe par des élans, des fulgurances, des collectifs capables d'éclairer les mentalités, de les faire bouger et de passer des mots aux actes. C'est long, c'est lent et ce n'est jamais linéaire. Mais il suffit d'être à l'écoute de l'actualité pour comprendre que la lutte ne baisse jamais les bras, même dans les pires situations (Procès des viols de Mazan, mouvement #femmevieliberté... )
Renée et sa fille Sylvie sont deux caractères opposés, il y a beaucoup de frustration émotionnelle entre elle ?
C'est très difficile pour Renée d'être mère. Elle ne souhaitait pas l'être, l'a été à son corps défendant et doit pourtant accepter de l'être. Donner naissance ne donne pas les clés d'un amour inconditionnel et parfait. C'est tous les jours qu'il faut apprendre la maternité, et quand elle n'est pas choisie mais subie l'apprentissage peut être très ardu. Quant à Sylvie, elle grandit au creux d'un manque d'affection spontané qui la blesse mais la façonne aussi. Entre les deux il y a une incompréhension originelle et une impossibilité organique qui entravent leurs relations. D'où effectivement une frustration émotionnelle. Des attentes insatisfaites de part et d'autre qui les empêchent de se rejoindre.
On a l’impression qu’on attend toujours quelque chose des femmes, un rôle que la société leur impose en relation avec la maternité.
Oui, je pense que le fait d'être une femme dans la société oblige à un rôle. Celui d'être mère. C'est le premier dévolu aux femmes. Ce qui est fou quand on y pense bien, car l'homme, lui, peut se révéler, se construire sans avoir à passer par la paternité. Le fait que la grossesse soit une capacité féminine c'est comme si être enceinte était le prolongement naturel de l'existence d'une femme. Qu'elle devait forcément passer par là pour s'accomplir pleinement. Aujourd'hui encore il est difficile d'accepter qu'une femme choisisse une autre voie. Refuser la maternité n'est pas encore entré dans les mœurs comme un choix parmi d'autre. Il reste inacceptable ou au moins incompris dans encore tant de sociétés et de mentalités que cela reste un combat à mener. Il s'agit pourtant d'un choix de vie personnel, intime, comme un autre. Ni plus, ni moins. Et devrait être respecté comme tel.
Vous terminez avec la grande absente de cette lignée, la mère trop tôt disparue de Renée. Une sorte de matriarche invisible qui a donné une direction à ses descendantes ?
Oui, cela me plaisait de rallonger cette lignée de femmes jusqu'à cette aïeule dont on ne sait pas grand chose. Cette mère absente que Renée a portée au pinacle des mères parfaites. Ne l'ayant pas connue, elle s'en est faîte une image si idéale qu'elle ne peut qu'échouer dans sa tentative de lui ressembler. La perfection n'existe pas. Aucune mère ne réussit tout dans l'éducation de ses enfants. C'est tout simplement impossible. Pourtant, les modèles sociétaux, les dogmes, les conseils, les avis sont si présents dans la vie de tous les jours que les femmes-mères sont écrasées par les objectifs à atteindre. Et quand ce n'est pas les exemples dont on les matraque, ce sont leurs propres images mentales qui les assaillent ! Ces souvenirs recréés, comme ceux de Renée avec sa mère, qui les obligent et les dirigent. Tout ceci ne fait bien souvent qu'aboutir à une culpabilité décuplée : n'être jamais celle que la société ou les siens attendent. Mes trois héroïnes, chacune à leur manière, chacune avec leurs armes, ont tenté de se défaire d'un carcan, familial ou sociétal, tout en accueillant le parcours de celles qui les avaient précédées. Un compromis intime terriblement délicat à trouver, merveilleux pourtant à atteindre. Car accepter l'incertitude, l'imperfection, les échecs comme les réussites, c'est la clé de la réalisation de soi.
Anne Loyer a reçu le Prix Vendredi du Jury des jeunes Pass Culture 2024 pour son roman Chardon bleu, révélé lors des Pépites de Montreuil en novembre 2023. Même si on peut parler d’une autrice engagée, on remarquera qu’il n’y a pas de rancœur dans la plume d’Anne Loyer ni haine dans ses mots, ses revendications sont épris de justice et de soif de liberté. C’est une romancière entière et discrète, sensible et au grand cœur que nous vous engageons à découvrir.
Trois fois elle de Anne Loyer
Editions Slalom, septembre 2024 17.95€
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