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Louis de Funès sur le tournage d'un opus de la saga Le Gendarmes, 4 mai 1965. ©Getty

 

Clic ! Clac ! C'en est peut-être bien fini de pouvoir filmer ou de photographier la maréchaussée. Donner une visibilité positive aux agents de force de l'ordre dans l'espace public fut pourtant une construction de longue haleine. C'est toute une histoire. Alors, circulez y'a rien à voir ?

 

Demain, la loi dite de "sécurité globale" est débattue à l’Assemblée nationale. Une loi contestée qui envisage d’interdire de filmer ou de photographier le visage des forces de l’ordre. De nombreuses critiques s’expriment à ce sujet en matière d’atteinte au droit des victimes, de violences policières et de liberté d’informer.  

S’il s’agit de protéger les agents de la force publique, depuis l’instauration de leur présence dans l’espace public, leur visibilité, est un enjeu majeur pour imposer non seulement l’exercice de la loi mais aussi la possibilité pour les citoyens de les identifier clairement. L’uniforme a d’ailleurs été pensé pour ça lorsqu’il est généralisé en 1829 : signaler à la fois la présence de la force publique et la soumettre au regard et à la surveillance de la population.  Imposer le gendarme et le policier dans l’espace public a été une histoire de plusieurs décennies avec un enjeu double : en faire les incarnations du respect de la loi mais aussi de la sécurité des citoyens. Le XIXe siècle, c’est le moment de la construction de l’Etat-nation avec l’invention de grandes figures symboliques mais aussi de petits agents qui occupent l’espace et l’ordinaire quotidien.  

Redorer l'image ternie de la force publique

Le policier et le gendarme en tenue sont arrivés, encore faut-il les installer dans les habitudes. Pas facile de défendre ces nouveaux fonctionnaires tant l’imaginaires des mouches du XVIIIe siècle, de Vidocq l’ancien "roi des voleurs" à la tête de la police des années 1830, agissent encore. Ces agents, on les imagine brutaux, proches de la pègre, espions ou mercenaires d’un pouvoir politique, qui se préoccupe davantage de ses intérêts que du bien-être de la population.  

Les rébellions contre cette autorité de la rue sont nombreuses mais diminuent au cours du siècle, l’agent de police et le gendarme entrent progressivement dans le paysage. Si l’imaginaire noir de la police persiste, on y ajoute le stéréotype de la mollesse administrative mais aussi d’un certain héroïsme social dévoué à l’idéal républicain au bénéfice du plus grand nombre.  

"Surveiller et séduire"

Pour y arriver, en 1854, une "police londonienne" est mise en place et un bobby à la française est encouragé à multiplier les pratiques d’ilotages, d’interaction avec les habitants de son secteur, pour habituer la population à voir en lui un recours dans la pacification de l’ordre public aussi bien qu’à l’occasion de violences conjugales. Un ordre national doit s’imposer mais en douceur dans un ordre jusque-là privé. Le Second Empire préconise de "surveiller et séduire". Au fil des changements de régimes, très nombreux au XIXe siècle, l’institution elle-même enregistre la nécessité d’une apparente neutralité politique, le meilleur moyen d’échapper aux épurations à chaque fois que le pouvoir change de main.  

La Troisième République consacre les forces de l’ordre en tant qu’armée de la République au service de la nation dans une guerre contre l’armée du crime.  

Une construction morale et institutionnelle du bien et du mal qui imprègne l’éloquence républicaine mais aux frontières sans cesse remises en question depuis son invention.  

 

Par Anaïs Kien. A la fin du "Cours de l'histoire", une chronique quotidienne sur quelques actualités de l'histoire.

Tag(s) : #Police - Gendarmerie - Femmes
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