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Entretien réalisé par Philippe Poisson et Culture et justice à Chinon dans le cadre de la parution du livre de Marc Renneville "Le Malvivant" le 7 janvier 2025.

 

 

1 .Bonjour MARC - Peux-tu nous parler de ton parcours avant l’écriture de ton premier roman pour les lecteurs de Culture et justice ?

Il y a longtemps… j’ai été ouvrier jardinier à la ville de Paris, j’ai repris des études à la fac en sciences, en anthropologie, en histoire, j’ai enseigné à l’école du Breuil, à l’Université Paris 8 Vincennes à Saint-Denis puis j’ai déménagé à Agen pour développer l’histoire à l’École nationale d’administration pénitentiaire, période où nous avons eu le plaisir de partager un bureau et quelques convictions communes, j’ai ensuite intégré le CNRS, un rêve devenu réalité et depuis lors, je mesure ma chance d’exercer le beau métier de chercheur

2.Les auteurs qui t’ont le plus inspiré, le plus marqué. Quel que soit le moment de ta vie ?

Ado, j’ai eu des lectures assez éclectiques : science-fiction, fantastique, poésie… Adulte et depuis que je suis chercheur, je suis beaucoup plus centré sur des lectures de « sources », utiles à mon travail, je le regrette et j’aimerais pouvoir lire beaucoup plus. Dans le champ littéraire, plusieurs auteurs m’ont marqué et m’accompagne encore aujourd’hui. Maupassant pour l’économie de la narration, Flaubert pour la fusion parfaite du style et de l’ironie, Borges, pour son art de mêler réflexion philosophique et fantastique, Kundera pour sa leçon sur le roman, compris comme un « territoire où le jugement moral est suspendu », Kafka et Camus qui luttent face à l’absurdité, Umberto Eco et David Lodge pour leur humour, Dino Buzzati pour son art de la nouvelle…

3 . L’élément, l’évènement déclencheur de l’écriture ?

J’écris depuis longtemps maintenant dans le registre de l’histoire, des articles et des livres qui visent à partager des connaissances sur le passé. Ce qui prime pour moi dans ce registre, c’est la méthode, le souci de l’exactitude et du détail pour contribuer à l’accumulation d’un savoir collectif. La fiction vise autre chose, en privilégiant l’interaction avec le lecteur par toutes sortes de procédés : identification ou répulsion, réaction émotionnelle etc.

 

 

4 Comment présenterais-tu ton premier roman ?

Comme un accident prémédité.

Il est prémédité parce que j’ai toujours pensé que l’écriture de fiction était un espace de liberté permettant d’aborder autrement des questions de fond. Le roman, je l’ai compris en l’écrivant, est un moyen de travailler sur soi en préservant son intimité. C’est aussi un moyen de partager des connaissances, des interrogations et de raconter de belles histoires. Cela peut sembler paradoxal d’affirmer cela lorsque le sujet de mon premier roman porte sur une famille massacrée, ce qu’on appelle de nos jours en bon français un « true crime » mais ce point est pour moi très important. Parmi les (nombreux) refus que j’ai reçus de la part des éditeurs, l’un me disait « c’est bien écrit mais pour un polar, c’est trop gentil ». On ne pouvait me faire plus plaisir. Ce lecteur m’avait bien lu, et je l’en remercie. J’ai effectivement voulu me pencher sur une affaire criminelle sans pathos et sans gore, sans endosser la plupart des codes du roman policier. D’ailleurs, dans la première version du projet, je comptais bien me tenir sagement à la lisière de cette tragédie. Il s’agissait de restituer la situation de cette famille le 7 février 1932, un jour avant le crime, dans son environnement social, dans son village de Moirax, dans sa région…Et ne rien dire de ce qui se passa le lendemain.

Si j’avoue que j’ai prémédité mon entrée dans l’écriture de fiction, mon passage à l’acte relève de l’accident parce que je n’ai pas choisi le sujet et, au moment où on me l’a proposé, je n’en ai pas voulu. C’est le regretté abbé Mateu, président de la société académique des arts, sciences et lettres d’Agen, qui m’avait invité à y travailler. À l’époque, pour moi, tout était clair dans mon esprit : il était hors de question de traiter le crime. L’histoire des sciences me convenait et me suffisait, je ne voulais pas entendre parler de meurtriers, d’assassins et de victimes autrement qu’à travers les filtres des théories scientifiques et du cinéma de fiction…

Mais, comme je venais de m’installer dans la région, je ne voulais pas être désobligeant, j’ai répondu « oui » en pensant « non ». Je ne vais pas détailler tout le processus d’enquête documentaire et de mise en route du roman car je veux en garder la primeur aux participants du salon Polar’Encontre, mais je peux dire que ce qui m’a fait progressivement changer d’avis, ce ne sont ni les archives ni le sujet mais la rencontre avec les habitants de la région qui avaient eu à connaître et à éprouver, de près ou de loin, cette affaire Delafet. J’ai été reçu partout avec beaucoup de générosité, de gentillesse et, en retour, je me suis senti « obligé » de restituer quelque chose de cette histoire. Et comme je n’envisageais pas de me mettre en scène, j’ai pris des personnages.

5. Comment se produit la rencontre avec ta maison d’édition ?

Je travaillais à l’époque sur une grosse édition d’archives judiciaires sur le cas Joseph Vacher, un tueur en série, égorgeur et éventreur de bergers qui a sévi dans le Sud-est de la France à la fin du 19e siècle, au moment de l’affaire Dreyfus. Pour cette recherche, j’avais rassemblé des complaintes criminelles (chanson composée sur un air connu) mais compte tenu de l’originalité et de la rareté de ces documents, je voulais les éditer à part et pour eux-mêmes, avec des partitions et beaucoup d’illustrations. Ce

livre, Le chant des crimes, offre au lecteur une approche sensible inédites des crimes successifs de Vacher. Il permet de percevoir l’émotion populaire suscitée par cette affaire, dans toutes ses émotions et ses débordements aussi : appel à la vengeance, dénonciation d’une justice supposée complice de l’assassin, désignation de faux-coupables, victimes de la vindicte populaire. On n’a pas attendu les réseaux sociaux pour réagir de manière émotionnelle en faisant bon marché du doute et de la raison…

Gaelis est une jeune maison d’édition fondée par un couple de musiciens. Ce fut la seule à accepter de relever le défi. Nous avons bien travaillé ensemble à composer ce beau livre, original et dont je suis très fier.

Pour Le Malvivant, je dois préciser que ce n’est pas l’usage que l’auteur ait un droit de regard sur l’illustration de couverture (et parfois même sur son titre) or pour moi, dans certains cas au moins et pour un roman en particulier, une couverture doit être parlante, elle doit faire corps avec le texte. J’avais pour ce projet une idée assez précise du thème et de la couleur dominante. Gaelis a accepté de travailler en ce sens et je dois dire que le résultat a comblé mes espérances

6. Peux-tu nous parler de tes projets à venir ?

Concernant l’histoire, je travaille toujours sur le site de Gaillon, à la fois sur le quartier des condamnés aliénés et sur la colonie agricole pour jeunes détenus. J’ai aussi en projet un livre sur l’art en détention, avec mon collègue et ami Pierre Piazza.

Concernant mes histoires, je compte persévérer dans le genre polar criminologique. J’ai quelques idées consignées sur des carnets de notes mais je vais attendre le retour de mes lectrices et lecteurs pour savoir ce que deviendront mes deux enquêteurs, Vincent et Talie. C’est eux qui décideront de leur donner vie ou de les laisser là où je les ai quittés dans Le Malvivant.

 

 

"Qu’est-ce qui pousse à tuer ? Moirax 1932. Dans ce doux village de Gascogne, la mort a emporté en une nuit les six membres d’une famille vivant sous le même toit. Vincent, journaliste, pense tenir enfin la bonne affaire, son premier reportage. Il quitte Paris avec Talie, interne en psychiatrie, pour suivre l’enquête policière mais sur place, rien ne se déroule comme prévu. L’assassin, le père de famille, est vite découvert. Il voulait changer de vie. Saisis par l’horreur du crime, déroutés par la personnalité du coupable ..."

Marc Renneville est historien, directeur de recherche CNRS et directeur de la plateforme Criminocorpus. Auteur de nombreux ouvrages, il a récemment publié Le Langage des crânes. Histoire de la phrénologie (prix de la Société française d’histoire de la médecine en 2020) et Vacher l’éventreur. Archives d’un tueur en série (prix Sade de l’essai en 2020). - Marc sera présent à polar Encontre 2025 pour présenter son premier polar Le Malvivant ...

Date de parution 16 janvier 2025

Editeur Gaelis Editions

Collection Policier Historique

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

Relecture et mise en page Ph.

Dernière mise à jour le 19 janvier 2025

 

 

 

Tag(s) : #Les incontournables de Culture et justice, #Coup de coeur du jour
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