Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les juges aussi sont en proie à des émotions. Comment la prise en compte de cette dimension psychologique pourrait leur apporter un soutien ? Et au-delà, aider ces magistrats à trouver le moyen de se préserver, mais aussi d’assurer leur mission et de défendre le sens de leur fonction ?

 

Avec
 
  • Martine de Maximy Magistrate honoraire, psychologue et psychothérapeute
  • Martine Sandor-Buthaud Psychologue, psychanalyste, membre de la Société Psychanalytique de Paris
  • (SPP) ; professeure honoraire de l’Ecole des Psychologues Praticiens (EPP) de l’institut Catholique de Paris
  •  

Que se passe-t-il dans la tête d’un juge ? Lui-même le sait-il ? Il s’efforce d’appliquer au mieux la loi en portant un regard à la fois informé mais aussi détaché sur une situation ; mais suffit-il de vouloir être détaché pour l’être véritablement ? Les juges sont aussi en proie à des émotions comme tout un chacun ; voire plus que tout un chacun car ils sont en face de dilemmes terribles, de situations tragiques ; ils côtoient la souffrance sociale et humaine ; ils sont confrontés à l’extrême violence et doivent surmonter l’horreur pour bien juger. Concernant le sentiment de culpabilité, Martine Sandor Buthaud nous explique "c'est très frappant de constater à quel point le poids de la culpabilité est là chez tous les magistrats qu'on a entendus. Ils prennent des décisions terribles et se mettent dans une position où la question est de savoir au nom de quoi ils ont le droit de décider de la vie des autres. Et c'est là que c'est intéressant pour les magistrats de comprendre que plus ils regardent leur propre psychisme mieux ils arrivent à se dégager de la culpabilité. Ils se sentent moins coupables et du coup, ils sont plus libres d'oser leur indépendance, d'oser leur position et même de se positionner par rapport à la hiérarchie"

 

Tous les juges ne sont pas exposés de la même manière selon qu’ils statuent en audience, où ils sont protégés par le rituel, ou qu’ils exercent au contraire leurs fonctions en cabinet, au plus près des justiciables. Martine de Maximy évoque son expérience de procès devant la cour d'assises "on parle du théâtre de la justice, mais les enjeux sont toujours les mêmes. Les conflits risquent d'arriver très vite, on est toujours un peu sur la corde raide aux assises, tant du côté des avocats que des victimes et aussi des accusés. C'est une énorme charge, il faut tenir tout ces éléments et en même temps travailler à faire émerger la vérité par la parole, parce que comme il n'y a pas d'écrit cela passe par la parole. Donc c'est tout un travail de tenue du cadre et aussi effectivement un travail sur nous-mêmes parce qu'il ne faut pas se laisser trop atteindre par ses émotions". Mais aucun d’entre eux n’échappe à l’emprise plus ou moins consciente de son « misérable tas de secrets » qui peut interférer sur sa perception de la situation et donc sur sa décision. Comment conjuguer l’impartialité qui est attendue de lui, avec sa subjectivité qui s’impose à lui ?

 

La première chose à faire est de prendre conscience de ses émotions, puis de travailler son attitude intérieure, dans le but par exemple de dépasser le sentiment spontané que lui inspirent les justiciables. Le travail de justice commence ainsi dans l’intériorité du juge, dans un retour sur soi en vue de repérer autant que faire se peut ses biais cognitifs et de lutter contre ses préjugés. Il ne doit pas refouler ses émotions mais les analyser dans le but de s’en faire des alliées car on juge avec ses émotions et non pas contre, tant le juge doit toujours se sentir en lien avec lui-même.

 

...

 

Esprit de justice

Par Antoine Garapon. Alors que la demande de justice n’a jamais été aussi forte et que le droit et les institutions n’ont jamais été aussi faibles, "Esprit de justice" propose de rechercher une boussole pour s’orienter dans ce monde troublé.

Tag(s) : #Justice - Peine de mort - Expertises
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :