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Nouveau portrait du jour Bénédicte des Mazery

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Bénédicte des Mazery

"Bénédicte des Mazery est une écrivaine française né(e) au Sables-d'Olonne  en 1962.

Durant vingt ans, elle exerce à Paris comme journaliste d’entreprise puis décide de se consacrer essentiellement à l’écriture de fiction.

Son premier roman, "Pour solde de tout compte", est publié en 1999, marquant le début d’une nouvelle ère personnelle. Bien que non historienne, elle s’intéresse particulièrement aux pans méconnus de l’Histoire et aux personnes qui les ont peuplés sans avoir été entendues : les hommes de la censure postale durant la 1ère guerre mondiale ("La Vie tranchée", 2008), les demi juifs non déportables internés en 1943 à Paris dans des camps où ils triaient les objets des appartements vidés de leurs occupants ("L’Ombre d’un homme", 2012) ou bien encore les enfants emprisonnés au 19ème siècle ("Les Oiseaux de passage", 2016).

En 2021, elle publie la BD à double-lecture "Le Roi Jéhan" (éd. Lapin), co-écrit avec sa fille, l'écrivaine Marine des Mazery.

En parallèle de son œuvre romanesque, Bénédicte des Mazery mène des ateliers d’écriture notamment dans les collèges et les lycées. Par ailleurs, elle est "plume" pour des maisons d’édition, généralement pour des témoignages ou des biographies Elle écrit également pour la télévision.

En octobre 2019, elle choisit de s’installer à Nantes..."

Bienvenue Bénédicte sur le très discret et prisé Culture et justice.

 

Entretien avec Bénédicte pour Culture et Justice

1 .Bonjour Bénédicte - Pouvez-vous nous parler de votre parcours avant l’écriture de votre premier roman pour les lecteurs de Culture et justice ?

Mon premier roman, Pour solde de tout compte, est paru en 2000. Auparavant, j’ai été journaliste, essentiellement dans le journalisme d’entreprise. Depuis vingt ans, je fais également des travaux de plume pour différentes maisons d’édition (Ma résilience à moi de Thierry Beccaro étant le dernier en date).

2.Les auteurs qui vous ont le plus inspiré, le plus marqué. Quelque soit le moment de votre vie ?

Beaucoup d’auteurs m’ont marquée, et tout dépend des périodes de ma vie, mais les incontournables sont pour ne citer qu’eux : Rilke, Flaubert, Simenon, Louis Guilloux, Romain Gary, Patrick Modiano, Daphné du Maurier, Katherine Mansfield, Joyce Carol Oates, Colette, Proust, des classiques beaucoup. Je suis très éclectique et je me laisse porter d’un livre à l’autre, d’un auteur et d’une autrice à l’autre, en fonction de mes propres saisons.

3 . L’élément, l’évènement déclencheur de l’écriture ?

Il n’y a pas un évènement déclencheur en tant que tel mais je me souviens très bien de ce jour d’été où sont nées en moi l’idée et l’envie d’écrire. C’est le fruit d’un questionnement d’enfant. Je devais avoir environ sept ans et, à l’heure de la sieste imposée par ma grand-mère, j’ai quitté ma chambre pour, dissimulée dans un coin du jardin, épier les adultes allongés au soleil à prendre le café. Je pensais que ces grandes personnes aux airs mystérieux me cachaient le véritable monde. Sinon, de quoi parlaient-elles donc, qui semblait si important qu’on éloigne les enfants ? J’imaginais des conversations passionnantes qui m’ouvriraient enfin les portes d’un monde merveilleux et enthousiasmant. Qu’elle ne fût ma déception en les écoutant parler du quotidien, de choses toutes ordinaires ! Je me rappelle ma déception et ma révolte. Ça non. Alors non, ce ne pouvait pas être ça, ce monde des adultes que j’aurais à rejoindre un jour. Ah non ! Ce jour-là j’ai commencé à me raconter des histoires, à m’inventer un autre monde qui me plaisait, me bousculait, m’obligeait à m’aventurer ailleurs, plus loin, sans savoir où cette vision me mènerait au juste mais en découvrant qu’elle me permettait tout. C’était le début de l’écriture.

4 Comment présenterez votre dernier roman ?

Mon dernier roman, L’Intrus, aux éditions Plon, est ce qu’on peut appeler un thriller psychologique. C’est l’histoire d’Élise, une femme heureuse en couple qui fait un déni de grossesse. S’en apercevant au dernier mois, elle est obligée de garder cet enfant dont elle ne voulait pas. Pour l’aider à accepter la situation, son mari fait appel à la mère d’Élise et introduit une poupée, un reborn, dans la maison. Mais à l’arrivée du véritable enfant, rien ne se passe comme prévu. Mon roman traite d’une maternité bouleversée dont on ne sait pas, tout au long du récit se déroulant sur deux mois, qui est le véritable intrus dans tout ça. Et qui interroge le désir d’enfant, ou le non désir, des différents personnages ainsi que les injonctions sociétales à ce sujet.

5. La relation avec mes éditeurs

J’ai publié des romans dont certains se déroulent sur un fond historique. Je pense notamment à mon cinquième, Les Oiseaux de passage. Un roman pour lequel j’ai fait beaucoup de recherches et accumulé beaucoup de documentation car il se déroule en 1838 à la prison de la Petite Roquette à Paris où de très jeunes enfants étaient détenus. Que ce soit dans ce roman ou dans les autres s’inscrivant parfois dans des périodes historiques précises, j’ai besoin d’une relation de confiance avec mes éditeurs pour pouvoir travailler librement et transformer la matière receuillie en récit romanesque. Et chaque fois, j’ai eu la chance de vivre cette relation avec mes éditeurs, que ce soit chez Anne Carrière, Plon ou Flammarion.

6. Pouvez-vous nous parler de vos projets à venir ?

Mon prochain roman parle de la mort du père. Un homme qui décède jeune et découvre, dans l’intervalle de ses quatre derniers jours de vie, la vérité de tout ce qui lui a échappé et s’est déroulé à côté de lui.

Alfred Vigneux n'a jamais oublié Charlotte, son amour de jeunesse. Des décennies plus tard, sortant d'une existence recluse et solitaire, le vieillard décide d'héberger gratuitement dans un appartement dont il est le propriétaire une famille, Adèle, son mari et leur jeune fils, Léo. En échange, il viendra dîner avec eux chaque soir.

Cette famille, il ne l'a pas choisie au hasard. Alfred a des comptes à régler avec son passé, qui remonte au temps de l'occupation allemande, à Paris, lorsque Charlotte, demi-juive, a été arrêtée et internée à Lévitan. Ce camp parisien - une annexe du camp de Drancy -, tenu par les Allemands dans le 10e arrondissement, regroupait les prisonniers qui n'étaient pas déportés sur-le-champ en raison de leurs origines. Ils étaient chargés de trier les meubles et les objets saisis dans les appartements juifs et destinés à être expédiés à la population allemande, contribuant malgré eux à l'entreprise de destruction des nazis.

Au fil des dîners, l'histoire familiale se révèle peu à peu, sous la pression de Léo, bien décidé à en découvrir le secret. Mais le passé peut-il être réparé ? Et quelles traces les fautes commises ou subies laissent-elles sur les descendants ?

Auteur

Bénédicte Des Mazery

Editeur

Anne Carriere Eds

Date de parution

mars 2012

Collection

Roman

Extrait de L’Ombre d’un homme - "Un matin, elle avait osé entrouvrir une fenêtre. Les officiers étaient réunis en bas, on attendait la venue du baron et, par un hasard extraordinaire, Charlotte ne se trouvait pas avec le groupe posté au garde-à-vous dans l’arrière-salle du rez-de-chaussée. Avec d’infinies précautions, elle avait réussi à actionner silencieusement le loquet et à ouvrir, oh très peu, la fenêtre sur l’extérieur. Là, d’une main hésitante, elle avait lentement poussé le volet. L’air, c’est l’air tout d’abord qui lui avait sauté au visage et l’avait envahie si fortement qu’elle en avait eu le souffle coupé. Ainsi, l’extérieur existait encore ! Ainsi, il y avait encore un monde, vivant, respirable ! Sur la façade de l’immeuble d’en face, les volets étaient tous fermés, sans exception. Ordre des Allemands. Personne ne devait savoir ce qui se passait à l’intérieur des magasins Lévitan. Elle avait refermé le battant, puis la fenêtre."

"Ma Lilie chérie,

Je t'écris presque tous les jours et toujours pas de nouvelles de toi. Or, voici la dixième lettre que je t'envoie. Mes lettres sont confisquées. Bande de f... !"

Pour mieux restituer la misère des soldats et l'horreur des tranchées lors de la Grande Guerre, Bénédicte des Mazery, citant des lettres réelles de poilus comme celle-ci écrite par un certain Jo, imagine l'histoire de Louis Saint-Gervain, un soldat réformé pour blessure et affecté au service du contrôle postal. Le jeune homme va lire et devoir censurer toutes les lettres qui expriment la souffrance et la détresse des camarades restés au front. Mais peut-on rester indifférent à ces cris de désespoir qui sont des appels au secours?

  • Éditeur ‏ : ‎ Hachette Education (18 novembre 2009)

Extrait de La Vie tranchée Lorsque le soir tomba et que les ampoules s’allumèrent au plafond, Louis éprouva une profonde tristesse (…). Fernand était parti et, lui, il était resté là, planqué dans cette commission de censure, embusqué de la pire espèce, tranquille sous la lampe et les pieds au chaud tandis que son camarade, son unique ami, risquait sa vie à chaque instant.

Fernand était seul là-bas et lui était seul ici.

Je suis bien sacrifié là où je suis, écrivait le fils à ses parents.

Sa dernière lettre de la journée, Louis la lut lentement et la relut une fois puis une fois encore. À elle seule, elle portait tout le désespoir des hommes abandonnés à une mort certaine.

Je suis bien sacrifié là où je suis, à 40 mètres des Boches, seul avec un camarade. Sûr que je suis là dans la tranchée en attendant la mort. J’ai beaucoup à vous dire et à vous raconter, mais je ne peux pas vous écrire sans pleurer car personne ne sait ce que je sais.

« Moi, je sais », murmura Louis en replaçant la lettre dans son enveloppe. « Moi, je sais. »

Paris, 1838. À onze ans, Jacques est arrêté en plein carnaval, puis incarcéré à la Petite-Roquette, où sont détenus des centaines d'enfants, vagabonds, mendiants, voleurs ou, comme lui, fils de famille placés là " pour correction paternelle ". D'abord terrifié, il y rencontre des compagnons d'infortune : Narcisse l'insurgé, Octave à la bouche édentée, Séraphin le doux rêveur et Charles qui déclame à tue-tête les vers du grand poète. Un chœur d'enfants entre les murs de cette " ville composée d'une foule de petites solitudes ", que décrira justement Victor Hugo, dans un Paris frappé par la misère, le choléra et les révolutions.

Bientôt confinés dans des cellules qui les isolent les uns des autres, n'ayant de contacts qu'avec des adultes – les surveillants, le directeur, l'instituteur et l'abbé Crozes, un humaniste –, les jeunes détenus n'ont plus que leurs rêves pour repousser les murs. Ténèbres et silence. Solitude infinie. Mais ils résistent : Narcisse, dans le sillage de Raspail et d'Évariste Galois, Jacques dans le doux souvenir de sa mère, Octave dans l'attente d'un père, Charles avec ses poèmes et ses chimères, et le petit Séraphin qui vole dans sa tête. Leurs voix intérieures vont s'élever et bientôt traverser les murailles, et les oiseaux de passage s'en iront. Libres.

Avant de devenir une prison pour femmes, la Petite-Roquette fut durant près d'un siècle (1836-1932) une maison de correction pour enfants. Elle devint le lieu d'application d'un système pénitentiaire venu des États-Unis : l'isolement complet.
Après La Vie tranchée et L'Ombre d'un homme, Bénédicte des Mazery restitue à ces invisibles leur histoire. Comme pour remonter à l'époque où ces fleurs sauvages qu'on appelait des " roquettes " poussaient en liberté dans les marais de l'Est parisien.

Anne Carrière (24/03/2016)

Extrait de Les Oiseaux de passage : "Depuis quelques mois, l'on voyait passer dans les rues de Paris des fourgons aux fenêtres grillagées, chargés de leur cargaison d'assassins et de petits voleurs, de condamnés à mort et de gens sans vertu, d'hommes et de femmes jugés et transférés. Le claquement des sabots et le grincement des grandes roues remplaçaient aussi le cortège des forçats déguenillés, marchant enchaînés sous le regard des honnêtes gens que le spectacle réjouissait. Une révolution était passée par là et la monarchie de Juillet se voulait moins cruelle... Elle n'en était pas plus humaine pour autant.

Ce matin de septembre 1838, c'est un bien maigre butin que transportait la voiture cellulaire, tirée par deux chevaux pressés. Dans un coin, l'enfant se tenait recroquevillé, le corps secoué sur les pavés inégaux. Il ne ressemblait pas à ces gosses en haillons courant les rues après une maigre pitance, comme en voyait tant. Non. Jacques avait le teint pâle et le visage délicat des êtres entretenus. De ses grands yeux pleins de larmes, il fixait muettement l'agent assis en face de lui qui s'éventait avec un document. (...)

"Six mois", voilà ce que l'enfant avait retenu."

Élise et Romain forment un couple heureux : bons jobs, un appartement, une vie ponctuée par le déjeuner du dimanche avec Mina, la mère d'Élise. Jusqu'au jour où Élise se découvre enceinte. Pas question de garder cet intrus, elle n'a jamais voulu d'enfant. Elle va avorter. Mais à la consultation, Élise découvre qu'elle est enceinte de sept mois. Terrorisée, elle s'enferme dans le mutisme. Pour éveiller en elle l'instinct maternel, Romain lui offre un reborn baby. Et Mina s'installe chez eux pour apprendre à sa fille les gestes d'une mère sur ce bébé de silicone, si semblable à un vrai, si rassurant. Tout semble rentrer dans l'ordre, le ventre d'Élise grossit soudain. Mais à la naissance, Élise ne parvient pas à créer de lien avec son véritable enfant. Tom est "trop vivant", il l'inquiète. Plus Élise doute d'elle, plus son attachement au reborn se renforce. La mère parfaite, c'est Mina, qui prend le relais de sa fille auprès de son enfant malgré les réticences de Romain. Au fil des jours, tandis que Tom se laisse dépérir aux côtés du reborn immuable, les rôles de chacun deviennent de plus en plus confus, jusqu'à ne plus savoir ce qui se joue réellement... L'intrus n'est pas forcément celui qu'on croit.

Plon (06/04/2023)

Extrait de L’Intrus :
« - Mina, vous êtes sûre que tout va bien ?
- Tout va bien, Romain, ne t’en fais.
- Je m’inquiète pour Élise. Elle semble parfois absente, comme si elle était ailleurs.
- C’est normal. Après un accouchement, toutes les femmes sont bizarres.
Le sourire triste de Romain ressemble à un rictus.
-Alors, vous avez remarqué, vous aussi.
-Ne t’inquiète pas.
-Vous aussi, Mina, vous étiez bizarre à la naissance d’Élise ?
-Oui, et maintenant, cesse de te tourmenter. Dors tranquille, je suis là. »

Bibliographie

Romans
– L’Intrus, éd. Plon, 2023
– Les Oiseaux de passage, éd. Anne Carrière, 2016 - Prix Paul Féval de la Société des Gens de Lettres - Parution en Pocket, 2017
– L'Ombre d'un homme, éd. Anne Carrière, 2012 / Éd. Pocket, Prix Saint-Maur en poche du roman français 2014
– La Vie tranchée, éd. Anne Carrière, 2008, Prix de l’Armitière.
Parution de La Vie tranchée en bibliocollège, éd. Hachette Éducation (dossier d’accompagnement : Isabelle de Lisle), 2009
Parution de La Vie tranchée en Pocket, juin 2013
– Les morts ne parlent pas, polar, éd. Anne Carrière, 2005
– Pour solde de tout compte, éd. Bérénice, 2000

Poésie
– Poèmes pour le catalogue du peintre Pierre Cornière, Peintures, éd Art-G.F.G (Galerie François Giraudeau), 2010

Nouvelles
– Quatre Nouvelles dans le recueil collectif Le livre de la paix en 21 histoires, éd. La Croix Rouge Française, 2009
– Nouvelle « Un rapport moral » pour le recueil collectif Écrivains/Sans papiers, éd. Bérénice, 2000

Documents journalistiques
– Sexe, business et politique, avec Vanina Kanban, éd. Plon, 2013
– Opus Dei, enquête sur une église au cœur de l’Église, avec Patrice des Mazery, Flammarion, 2005

en qualité de plume
– Zahia Ziouani, La chef d’orchestre, éd. Anne Carrière, 2010. Biographie.
– T'as vu le Monsieur ? de Jérome Hamon, premier greffé total du visage, éd. Flammarion, 2015. Témoignage.
– Liés pour la vie, de Laëtitia Milot, éd Plon, 2017. Roman.
Ma résilience à moi, de Thierry Beccaro, éd. Plon, 2021. Autobiographie

Télévision
- Co-autrice du documentaire Les Enfants maudits, réalisé par Cyril Denvers. 2019 . Prix du public au Festival de Luchon. Diffusé le 19 novembre 2019 sur France 3.

Bandes dessinées
- Scénariste de Le Roi Jehan, illustratrice Marine des Mazery, éd. Lapin. 2021

- Scénariste de Lily Cane arrête de fumer, avec le Dr Dan Belhassen, illustratrice Marine des Mazery. éd. First. Collection « La vie en bulles ». 2021."

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

Relecture et mise en page Ph.

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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