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Vaste comme la Belgique (27.750 km2), l'actuelle république de Haïti est l'héritière de la colonie française de Saint-Domingue.


Située dans les Grandes Antilles, elle occupe la partie occidentale de l'île d'Hispaniola, déformation du nom Isla española que lui avait donné son découvreur Christophe Colomb le 6 décembre 1492.


Les Antilles


Les Antilles constituent un chapelet d'îles entre l'Amérique du Nord (péninsule de Floride) et l'Amérique du Sud. Entre l'archipel et l'isthme d'Amérique centrale s'étend la mer des Caraïbes, d'après le nom d'un peuple amérindien qui est aussi le nom que les Anglo-Saxons donnent aux Antilles elles-mêmes. Celles-ci se subdivisent entre Grandes Antilles (Cuba, Jamaïque, Hispaniola, Porto-Rico) et Petites Antilles (Îles-du-Vent et Îles-sous-le-Vent).

Christophe Colomb fonde Hispaniola

La première implantation permanente à Hispaniola, baptisée Nueva Isabela en hommage à la reine Isabelle de Castille, est détruite en 1502 par un cyclone et reconstruite sous le nom de Santo Domingo de Guzman, en hommage cette fois à Saint Dominique. De là les noms de Saint-Domingue et de Républicaine dominicaine, celle-ci se partageant aujourd'hui l'île avec la république de Haïti.


Le nom d'Haïti vient d'Ayiti, ou Terre des hautes montagnes, nom que donnaient à l'île ses premiers habitants, de pacifiques Indiens Taïnos, du groupe des Arawaks. Tous ont disparu tragiquement en quelques années, victimes de la colonisation européenne (travail forcé, persécutions, maladies) et plus encore de l'invasion des terribles Indiens anthropophages du groupe des Caraïbes venus des îles voisines.



Les Espagnols s'installent

En 1508, Santo Domingo devient le siège de la vice-royauté des Amériques et le centre de la colonisation espagnole.


Désireux de s'enrichir au plus vite avant de rentrer chez eux, les premiers Espagnols reçoivent des terres avec le droit de faire travailler les Indiens qui y vivent. C'est le principe du repartimiento. L'extraction de l'or dans le sous-sol et les rivières s'avère dans un premier temps très productif, jusqu'à fournir 500.000 écus d'or par an à l'Espagne.


Les esclaves africains remplacent les Indiens dans les plantations et les gisements d'or.


Indiens survivants et Noirs ne manquent pas de se révolter. C'est ainsi qu'un cacique (chef indien) du nom d'Henri se réfugie dans les montagnes parvient à maintenir son indépendance pendant 13 ans. C'est le début du marronnage, nom donné aux fuites d'esclaves dans la forêt (de l'espagnol cimarrón, qui signifie esclave noir fugitif).


La population autochtone disparaît en quelques décennies. Quelques Indiens se fondent par métissage avec les nouveaux arrivants d'Europe et d'Afrique.


En 1535, le gouverneur Nicolas Ovando fait venir des plants de canne à sucre des îles Canaries et encourage leur plantation pour compenser l'épuisement des gisements aurifères.


Les flibustiers livrent l'île à la France

Au XVIIe siècle, des boucaniers français commencent à s'installer sur l'île voisine de la Tortue. Eux-mêmes se dénomment pompeusement les «Frères de la côte». Ce sont des chasseurs. Ce sont aussi des pirates et des corsaires qui s'en prennent aux galions espagnols. Leur présence (ils sont près de 3.000) attire l'attention de Richelieu. Le 31 août 1640, les flibustiers français expulsent leurs rivaux anglais de la Tortue et débarquent sur le nord de l'île d'Hispaniola.


Sous l'autorité française, les plantations prospèrent sous le climat tropical de l'île : café, tabac, cacao, indigo,... Mais la canne à sucre (véritable or blanc du XVIIIe siècle), tend à l'emporter sur les autres cultures. Un gouverneur, Bertrand d'Ogeron, fait venir des «engagés» européens pour travailler dans les plantations aux côtés des esclaves africains et dans les mêmes conditions. À la différence des Africains, ces hommes surnommés «Bas-Rouges» sont rémunérés et libérés au bout de 36 mois. Mais les planteurs ne tardent pas à renoncer à cette main-d'oeuvre qui supporte mal le climat tropical.


En 1697, le roi Louis XIV se fait céder légalement la partie occidentale d'Hispaniola par le traité de Ryswick qui met fin à la guerre de la Ligue d'Augsbourg. Cette acquisition marque le véritable commencement des ambitions coloniales de la France.


Une colonie prospère

De son nom officiel «côtes et îles de Saint Domingue en l'Amérique sous le vent», la colonie devient très vite la plus prospère des possessions françaises d'outre-mer grâce à ses plantations de café et de canne à sucre.


À la veille de la Révolution française, Saint-Domingue assure près des 3/4 du commerce mondial de sucre ! En 1788, son commerce extérieur, évalué à 214 millions de francs, est supérieur à celui des États-Unis.


La colonie compte près de 600.000 habitants, dont 40.000 affranchis, essentiellement des mulâtres, et 500.000 esclaves noirs.


Les affranchis n'ont pas les mêmes droits que les colons mais bénéficient d'une certaine aisance et sont parfois même propriétaires d'esclaves.


La majorité des esclaves sont nés en Afrique. Ils ont été introduits dans l'île dans le cadre de la traite, nom donné au trafic d'esclaves pratiqué par les Européens, au rythme effarant de 30.000 par an dans les années précédant la Révolution.


Dans le même temps, la partie espagnole de l'île, Santo Domingo, dépérit et compte à peine quelques dizaines de milliers d'habitants.


De l'insurrection à l'indépendance

Le sort de l'île est bouleversé par la Révolution française. Le 15 mai 1791, à Paris, l'Assemblée nationale accorde timidement le droit de vote à certains hommes de couleur libres. Cette demi-mesure inquiète les colons blancs de Saint-Domingue qui songent à proclamer leur indépendance. Elle ne satisfait pas davantage les affranchis. Les uns et les autres s'affrontent violemment.


Les commissaires de la République française Sonthonax et Polverel se résignent à proclamer la liberté générale des esclaves. Voyant cela, certains planteurs appellent les Anglais à leur secours.


Heureusement pour la France, le chef noir Toussaint Louverture quitte le camp espagnol pour celui de la France révolutionnaire. Avec le grade de général, il combat les Anglais et les chasse de l'île. La prospérité ne tarde pas à revenir. Il est vrai que le nouveau maître de l'île oblige ses frères de couleur à travailler comme salariés dans les plantations dont ils étaient auparavant les esclaves !


Le 8 juillet 1801, Toussaint Louverture proclame l'autonomie de l'île et se nomme Gouverneur général à vie de la nouvelle République. Le Premier Consul ne goûte guère cette initiative. Il arme une puissante expédition pour y mettre fin. Son échec permettra aux successeurs de Toussaint Louverture de proclamer leur indépendance pour de bon le 1er janvier 1804.


Une stabilité introuvable

Les deux siècles suivants sont une longue suite de malheurs : coups d'État, dictatures sanglantes, jacqueries et conflits sanglants entre travailleurs noirs et bourgeois mulâtres, interventions étrangères. Il n'y a guère que la présidence de Jean-Pierre Boyer (1818-1843) qui assure à l'île une relative stabilité !...


Rien ne permet de présager un futur plus souriant à un pays surpeuplé de 29000 km2 et 8 millions d'habitants (soit la taille et la densité de la Belgique), marqué par la déforestation, le sida, la misère, la corruption et la douleur lancinante d'une Histoire tragique.


Les terres bien arrosées et autrefois fertiles ont été ravinées et stérilisées par des pratiques agricoles archaïques (cultures sur brûlis). C'est au point que la production agricole serait aujourd'hui deux fois moins importante qu'au temps de l'esclavage !


Haïti est dépourvu de structures étatiques et sa bourgeoisie (on n'ose parler d'«élites») ignore ce que pourraient signifier l'«intérêt national» et le «bien public». La population est massivement illettrée et la pratique généralisée de la langue créole, essentiellement orale, décourage les campagnes d'alphabétisation.



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