En août 1790, un peu plus d’un mois après la fête de la Fédération où la Révolution affiche dans l’enthousiasme une union éphémère,
éclate ce qu’on nomme l’affaire de Nancy. Elle révèle un profond malaise dans l’armée. Au régiment suisse de Châteauvieux, les
soldats protestent contre le retard de leur solde et réclament de pouvoir contrôler les caisses de leur régiment. L’affaire tourne mal et des officiers sont massacrés. Les autorités militaires
répriment sévèrement cette rébellion, par ailleurs soutenue par les révolutionnaires locaux. Le 31 août, le marquis de Bouillé reprend le contrôle de la ville de Nancy à la suite d’une bataille
qui fait 300 morts. 33 soldats sont condamnés à mort et pendus, 41 envoyés au bagne de Brest.
Le conseil de guerre, réuni début septembre, a prononcé une peine de travaux forcés : les 41 suisses arrivent à Brest le 17 novembre.
Les archives du bagne, conservées au service historique de la Marine, gardent la trace de leur passage. En série O, le volumineux registre matricule ouvert le 15 juin 1788 nous livre des renseignements détaillés sur ces hommes.
Un exemple : la fiche de Jean Arigonde, le roi de l'évasion (image JPEG de 784 Ko).
Devenus très populaires pour s’être révoltés contre leurs officiers aristocrates, ils vont trouver à Brest, notamment chez les Amis de la Constitution, un soutien durable et efficace. Une pression énergique des jacobins brestois aboutit en effet à leur amnistie par la Législative le 31 décembre 1791. Tous, sauf un qui est mort, sont libérés le 20 février 1792.
Après avoir été fêtés à Brest où une souscription ouverte en leur faveur, ils rentrent à Paris, toujours porteurs de leur bonnet de forçat. La grande fête populaire du 15 avril donnée en leur
honneur renforce la mode du bonnet rouge. On sait que cette coiffure connaît alors un succès grandissant : elle fait partie intégrante du costume du sans-culotte qu’une iconographie
abondante popularise. Ainsi, il apparaît que le bonnet dit phrygien, emblème de la liberté, doit autant au couvre chef des bagnards et des anciens galériens qu’au pileus des esclaves
affranchis de Rome…
Si on y rattache également le souvenir des soulèvements populaires du XVIIe siècle, en particulier la « révolte des Bonnets rouges » de 1675, on mesure la contribution de Brest et de la Bretagne dans l’élaboration de la symbolique révolutionnaire et républicaine...
http://www.ac-rennes.fr/pedagogie/hist_geo/VoirEcouter/JJGrall/bagnards.html