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http://www.decitre.fr/gi/82/9782213616582FS.gifDocument 2003 - L'homme qui se livre ici, après les délais de silence réglementaires, s'appelle Raymond Nart.

 

Il a passé trente ans dans le service le plus secret de la police française, la DST, dont il est la mémoire. Respecté au-delà de nos frontières dans les milieux du contre-espionnage, il nous ouvre ses carnets intimes et jette un regard très personnel sur la façon dont les hommes politiques ont cohabité avec la DST, depuis l'affaire des micros du Canard enchaîné, jusqu'à celle du " vrai-faux " passeport commandé par Charles Pasqua, en passant par la méfiance excessive de François Mitterrand à l'égard de ce service.


Le lecteur apprendra dans ce livre comment la DST voyait le KGB depuis ses lucarnes. Comment elle a tenté de lever le mystère Charles Hernu et recruté l'une des plus importantes " taupes " soviétiques que la guerre froide ait connues. Comment elle a sonorisé l'ambassade d'Iran à Paris, libéré des otages en Bosnie ou au Daguestan, coincé le colonel Kadhafi. Comment elle s'est retrouvée aux premières loges de la lutte contre le terrorisme, traquant Carlos et négociant avec Abou Nidal, piégeant les ayatollahs de Téhéran et pourchassant les islamistes main dans la main avec Alger.


Et comment elle cherche à "apprivoiser" son nouvel "ennemi "dans la guerre économique : la CIA. Au-delà de révélations très nombreuses, ce livre, étayé par les confidences de personnalités de tous bords et de tous calibres, dévoile un monde où la trahison rivalise avec la paranoïa et le secret d'État. Une enquête d'Éric Merlen (journaliste) et de Frédéric Ploquin (grand reporter à Marianne), loin des légendes et des idées reçues, mais aussi des récits forcément parcellaires livrés jusqu'à présent par quelques anciens directeurs.

Carnets intimes de la DST - 30 ans au cœur du contre espionnage français

Eric Merlen

Broché

Paru le : 10/09/2003

Éditeur : Fayard


 

 

http://www.france-info.com/IMG/jpg/5/5/f/nart-316.jpgArchives de presse 2003 - Les légendes n'ont nul besoin de détails pour se forger. Véritable mythe du contre-espionnage, Raymond Nart fait partie de ces fonctionnaires dont la vie s'est déroulée dans un monde de requins où les taupes travaillaient pour Moscou. Un univers où les miroirs de la manipulation déforment les réalités, où trahison et tromperie se cachent sous le masque de la banalité. Au cœur de la guerre froide, au front face aux lignes du KGB, Nart a traversé le demi-siècle en traqueur d'espions.

Le secret est la première nature de ce policier qui a consacré trente-deux ans de sa vie à la Direction de la surveillance du territoire (DST). Directeur adjoint du service en 1990, il le resta jusqu'à sa retraite, en 1998. Nart se confie pour la première fois, dans un livre, « Carnets intimes de la DST », publié aux éditions Fayard par les journalistes Eric Merlen et Frédéric Ploquin.

N'étant plus aux affaires, Nart tient à ce que l'on précise qu'il se sent aujourd'hui « irresponsable » . Pour Le Point , il revient sur les dessous de l'Histoire récente et les coulisses de la lutte antiterroriste. Œil vif sous des sourcils broussailleux, lunettes fumées, ce fonctionnaire qui témoigne ne laisse pas d'intriguer. Homme de l'ombre, il traîne derrière lui une réputation de manipulateur de la vieille école, disposé aux coups fourrés. Natif de Lectoure (Gers), Nart aime à dire : « Quand on rencontre un Gascon dans l'escalier, on ne sait pas s'il monte ou s'il descend. » L'un des anciens directeurs du service, Rémy Pautrat, conteste cette image tordue et rend hommage à un « immense professionnel » , d'une « loyauté sans faille » , un opérationnel « efficace » doublé d'un « esprit conceptuel » , qui a beaucoup écrit dans la Revue de la Défense nationale sous le pseudonyme d'Henri Régnard. Autre ancien dirigeant de la DST, Jean-Jacques Pascal note qu'une partie du service est encore constituée des « fils de Nart » , auxquels il a appris le maniement des sources. « Nous appliquons au terrorisme des méthodes que des gens comme Nart ont forgées dans la lutte contre le KGB, observe l'actuel directeur, Pierre de Bousquet de Florian. Cela explique nos quelques succès. »

LE POINT: La négociation, avec la Libye, des familles de victimes de l'attentat contre le DC10 d'UTA doit vous évoquer quelques souvenirs.

RAYMOND NART : En effet. Avec des experts de la DST, j'ai effectué pas moins de 14 missions en Libye dans le cadre de cette enquête. Un jour, sur place, j'ai surpris le chef des services secrets libyens, Abdallah Senoussi, en train de fouiller ma valise. Un autre jour, j'ai eu en face de moi les types qui avaient trempé dans l'attentat. La vérité est que ces fous, ces voyous ont fait exploser tout un avion pour abattre un seul passager, un opposant à leur régime. Cette affaire complexe aurait dû être soldée avant que les Anglo-Saxons n'y parviennent pour Lockerbie. Nous étions sur le point d'obtenir des autorités locales qu'elles nous livrent les deux auteurs principaux.

L. P. : Ces deux hommes n'ont pourtant jamais été arrêtés.

R. N. : Les choses se sont compliquées quand le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière a débarqué à Tripoli. Les Libyens n'ont pas apprécié qu'il y vienne sur un bateau de la marine nationale française. Il s'était obstiné à refuser de s'y rendre par voie terrestre. Les airs étant interdits par l'Onu, restait l'idée du bateau, que j'ai formulée sous forme de boutade. Loin de moi l'idée qu'il passe à l'acte.

L. P. : Vous est-il jamais arrivé de négocier avec les terroristes ?

R. N. : Il m'est arrivé d'avoir des discussions, pour éviter des attentats. Ce fut le cas avec le mercenaire du terrorisme Abou Nidal. Après l'attentat de la rue des Rosiers à Paris, j'ai dîné au Lido avec deux de ses émissaires. Je les ai revus à Vienne, puis j'ai rencontré Abou Nidal lui-même à Alger. La France a fini par libérer deux de ses proches, qui avaient effectué la moitié de leur peine. Ainsi avons-nous empêché une possible vague d'attentats.

L. P . : Votre plus grand succès en matière de contre-espionnage survient en 1981, lorsqu'un cadre du KGB, nom de code « Farewell », vous fournit des éléments sidérants sur l'espionnage industriel et scientifique des Soviétiques en France et plus largement en Occident. Pourquoi n'avoir averti François Mitterrand de l'existence de cette source qu'après en avoir avisé la CIA ?

R. N . : « Farewell » avait commencé à se confesser quelques mois avant l'élection présidentielle. A l'époque, Marcel Chalet était le directeur du service. Des raisons privées l'ont rendu indisponible pendant plus de deux mois. Avec mes collaborateurs, j'ai préféré attendre son retour pour l'informer. La campagne électorale battait son plein. Dès sa prise de fonction, Gaston Defferre a été avisé. En juillet, Marcel Chalet en a parlé au nouveau président, qui avait déjà été informé par son chef d'état-major particulier, le général Saulnier. Le chef de l'Etat a transmis cette information à Ronald Reagan. La CIA nous avait déjà fourni une aide technique, sans toutefois connaître les tenants et les aboutissants de l'affaire.

L. P . : Vous avez la réputation d'être un homme de coups, l'affaire « Farewell » le prouve parmi d'autres, mais aussi un homme de coups tordus.

R. N. : Dites-moi lesquels ! L'affaire Charles Hernu ? On a raconté que j'avais transmis à des journalistes le dossier sur ses liens avec les services secrets communistes. C'est faux. Il est juste exact que l'officier roumain Mihaïl Caraman m'a remis les documents en 1992. Ensuite, je me suis toujours tu sur ce sujet et je n'en ai pas provoqué la parution. Hernu était surtout un homme fantasque, bizarre, qui a touché de l'argent dans les années 50 en échange d'analyses politiques plus ou moins fumeuses. Après, il a fait son chemin de Damas et fut un ministre de la Défense sans concession pour le bloc de l'Est. Il a refoulé son passé ; il était même devenu anticommuniste.

L. P. : Il y a aussi cette histoire de liste de personnalités suspectées d'avoir été en contact avec les services soviétiques. Elle est parue dans la presse, mais après avoir été caviardée.  

R. N . : C'est un conseiller de François Mitterrand, Gilles Ménage, qui avait demandé un rapport sur les tentatives de pénétration du Parti socialiste. Je ne voulais pas travailler sur le seul PS, alors nous avions réalisé une étude sur l'ensemble du spectre politique. Dix ans plus tard, on me redemande le même travail. Je repasse le plat. En pleine campagne présidentielle de 1995, quelqu'un, hors de la DST, juge bon d'expurger la liste avant d'en faire publicité.

Quant à deux autres affaires retentissantes, celles des micros du Canard enchaîné et du vrai-faux passeport d'Yves Chalier dans l'affaire Carrefour du développement, j'y suis totalement étranger. Je note que ces dévoiements, qui n'attestent pas d'un grand professionnalisme, surviennent toujours dans un contexte plus ou moins politique. Cela dit, le pouvoir, de droite ou de gauche, a, sauf exception, laissé travailler la DST sans intervenir à mauvais escient. L'affaire du passeport n'aurait jamais dû relever du service.

L. P. : Le pouvoir politique vous a-t-il parfois demandé d'arranger la vérité à une sauce spéciale, comme le gouvernement de Tony Blair semble l'avoir exigé des services secrets britanniques ?

R. N . : Jamais un ministre ne m'a ordonné, ni n'a ordonné à d'autres à la DST, autant que je sache, d'aggraver artificiellement la réalité. En revanche, l'inverse est arrivé. Comme sous l'Antiquité, les dirigeants rechignent aux mauvaises nouvelles et préfèrent les adoucir. Le pouvoir ne voit que ce qui l'arrange. Lorsqu'un ministre de l'Intérieur socialiste nous demande de donner un avis positif sur l'obtention de la nationalité française par Ibrahim Souss, le représentant de l'OLP à Paris, que ce dernier sollicitait depuis des années, j'étais plus que réticent. Fonctionnaire, j'ai fini par obtempérer à contrecoeur. Ce genre de pratique, tout à fait exceptionnelle, m'a froissé.

L. P . : La DST a-t-elle jamais organisé des opérations « homo », c'est-à-dire des assassinats ?

R. N. : Dans une démocratie, la question ne se pose même pas pour un service de sécurité intérieure. Non seulement nous n'avons jamais tué, mais nous nous sommes surtout fait tuer sans répliquer. En tout, sept fonctionnaires de la DST sont décédés de mort violente dans le cadre du service, dont deux abattus par Carlos le 27 juin 1975 dans un immeuble de la rue Toullier à Paris. Les photographies de ces fonctionnaires sont affichées au siège du service.

L. P : Vous avez la dent dure envers la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Un souvenir de la rivalité entre services ?

R. N . : J'avais les meilleures relations du monde avec mes homologues du ministère de la Défense. Mais certains ont pris ombrage de mes opérations, notamment la libération des deux pilotes français en Serbie et celle des quatre otages de l'association française Équilibre en Tchétchénie. Je les ai aidés, mais ils n'ont pas aimé la concurrence. La DGSE a dénigré l'homme d'affaires Arcadi Gaydamak, visé dans l'enquête sur l'l'affaire « Angolagate », pour nous nuire à tous les deux. Chacun sait que Gaydamak a rendu service à la DST.

L. P. : Après votre départ de la DST en 1998, vous avez travaillé pendant quatre ans pour la Compagnie des signaux, qui a aussi œuvré en Angola.

R. N. : En 1991, des rumeurs aberrantes couraient selon lesquelles Yazid Sabeg, le patron de la Compagnie des signaux, était l'un des trésoriers des groupes islamiques armés (GIA) algériens. J'avais demandé à Sabeg, que je ne connaissais pas, de venir me voir. Ces « informations » relevaient du ragot orienté. Un concurrent bien connu avait alimenté la calomnie. Ainsi, j'ai rencontré Sabeg. De 1998 à 2002, j'ai réorganisé trois filiales de sa société spécialisée dans les coffres-forts et la sécurité bancaire.

L. P. :La semaine dernière, l'hebdomadaire Marianne titrait sur « Henri Plagnol, l'agent double ». L'actuel secrétaire d'Étatà la Réforme de l'Étata-t-il travaillé pour la CIA ?

R. N . : Dans cette affaire, Henri Plagnol a fait son devoir quand je le lui ai demandé. La DST n'en attendait pas moins. Il a travaillé pour nous dans une opération de démantèlement d'une résidence de la CIA à Paris. Sous le gouvernement de Pierre Bérégovoy, nous avons découvert que Plagnol, qui était conseiller d'État, rencontrait parfois une Américaine censée travailler pour une fondation, afin de parler des négociations sur le commerce international. Cette dame était en fait un officier de la CIA. Nous avons éclairé notre haut fonctionnaire, qui a accepté de poursuivre ses contacts, mais sous notre contrôle. Il l'a fait pendant plus d'un an. Du point de vue du fonctionnaire que j'ai été, je regrette la publicité faite autour de cette affaire -

Confessions d'un chasseur d'espions

Le Point.fr - Publié le 12/09/2003 à 17:51

http://www.lepoint.fr/archives/article.php/40383



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