Document 2007 - La Mafia. Le nom dégage un parfum de mort qui
a longtemps fasciné les esprits. Le cinéma, il est vrai, y a contribué, par le biais d’œuvres remarquables dont la trilogie du Parrain constitue, à n’en pas douter, l’apogée. Mais
l’organisation du crime originaire de Sicile a longtemps été méconnue, certains allant jusqu’à nier son existence, d’autres parlant même de simple code d’honneur propre aux Siciliens, en aucun
cas de société secrète.
Et pourtant, souligne John Dickie, la Mafia existe bel et bien. Elle est un État dans l'État, en ce sens qu’elle cherche à contrôler un territoire - la Sicile. Elle est également une entreprise, puisque son but premier est de réaliser des bénéfices - par tous les moyens. Elle exige de ses membres une loyauté absolue, dont la loi du silence constitue le plus sûr indice. De par le pouvoir qu’elle exerce sur la vie politique italienne, de par ses moyens de coercitions, de par la terreur qu’elle inspirait, rien de surprenant en conséquence que cette organisation ait été si mal perçue. Il faudra attendre les années 80, et notamment la défection de pontes mafieux soucieux de sauver leur peau dans le contexte de la gigantesque épuration menée par le « gang des Corléanais », pour en savoir davantage sur le détail de « l’honorable société ». Même si, en définitive, l’ignorance de l'État italien résulte principalement de sa propre corruption...
La mafia se développe essentiellement au XIXe siècle, parallèlement à l’essor de l'État italien. Une organisation secrète dirigée par des « Parrains » s’élève sur les ruines du royaume de Naples, et se substitue à l’administration légale pour assurer la protection des producteurs et commerçants qui acceptent de lui verser un tribut - les récalcitrants étant soumis à une vengeance souvent sanglante. L’émigration de Siciliens aux Etats-Unis au tournant des XIXe et XXe siècles favorise également l’expansion de la « Pieuvre » sur le continent américain, quoique la mafia nord-américaine révèle quelques spécificités propres au milieu des immigrants. « Organisation » : le mot n’est que trop juste. Dès la fin du XIXe siècle, le rapport du Préfet de Police de Palerme, Ermanno Sangiorgi, décrit précisément son fonctionnement : adhésion rituelle, meurtres, extorsion, fabrication et diffusion de fausse monnaie, mais aussi centralisation des fonds, et principe hiérarchique. Un siècle plus tard, le système n’a pas varié. Mais entre-temps, la mafia est devenu un empire de la drogue. Elle a subverti, non plus seulement l’administration étatique de Sicile, mais l'État italien lui-même.
Elle a également subi de lourds échecs, liés notamment à la guerre civile initiée par le gang des Corléanais dans les années 80. L’opinion publique, excédée, a longtemps attendu - en vain - un geste de l'État. L’assassinat des juges Falcone et Borsellino - qui font partie d’une trop longue liste de personnalités éliminées par la Mafia - sera à l’origine d’un sursaut, et à un « nettoyage des écuries d’Augias » par la Justice, en attendant le retour au conservatisme de Berlusconi.
Dressant - pour illustrer son propos - des portraits de personnages souvent haut en couleurs, parfois pathétiques, généralement dépourvus de scrupules, mais sans pour autant négliger leurs adversaires de la police et de la magistrature (le juge Falcone, notamment, a droit aux égards qui lui sont dus), John Dickie nous décrit un siècle et demi d’histoire du crime organisé à l’italienne. A l’heure où la construction européenne et la mondialisation sont des réalités appelées à durer, il est toujours utile de savoir que, derrière les textes et les discours officiels, se dissimulent de véritables associations de malfaiteurs que rien ne semble devoir déboulonner. L’autre leçon de cet ouvrage est que « l’honorable société » n’a véritablement rien de romantique. Peuplée de chefs paranoïaques et meurtriers, assistés de tueurs psychotiques ou terrorisés, la Mafia tient davantage de la hyène que du lion, n’en déplaise à ses admirateurs nourris d’une vision trop superficielle des films de Coppola. « L’Organisation » n’est qu’une structure mouvementée, où seule la violence, en définitive, a le mot de la fin.
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Nicolas Bernard
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Titre : Cosa Nostra. La mafia sicilienne de 1860 à nos
jours
Auteur : John Dickie
Éditeur : Perrin
Collection : Tempus
Nombre de pages : 512
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