Document 2010 - Avocat au Châtelet de Paris, le juriste Thomas-Simon
Gueullette a passé sa vie (1683-1766) à collectionner textes, journaux, documents et autres gazetins de son temps, qu'il commentait de notes et réflexions personnelles.
L'histoire littéraire lui doit une soixantaine de pièces de théâtre dont plusieurs farces à succès, comme La Confiance des cocus. Mais il s'est également passionné pour les affaires criminelles
et sa curiosité l'a conduit à conserver des centaines de placards, mémoires, brochures, justifications. Menant un travail d'enquête, relatant ses impressions, Gueullette a reconstitué la plupart
des destins de voyous, de blasphémateurs, d'assassins du milieu du XVllle siècle, depuis les faits criminels jusqu'à la peine infligée publiquement (écartèlement, roue, pendaison, flagellation)
en passant par les procès.
Ces Histoires de larrons et d'assassins nous font donc pénétrer dans l'univers fascinant du crime et de la violence du Paris de Louis XV. Suivant la plume alerte et informée d'un écrivain qui est
en même temps un professionnel de la justice et une sorte de détective, nous voici entraînés jusqu'au supplice infligé en place de Grève, dans une ville qui se passionne pour les grandes et les
petites affaires de crime.
On y croise quelques figures célèbres, tel Damien, écartelé en 1757 pour avoir poignardé le roi, ou Cartouche, bandit fameux, mais surtout le peuple ordinaire de l'échafaud : beaucoup de femmes,
quelques nobles, des pauvres bougres ou même des suicidés que les juges condamnent quand même, déjà morts, à être pendus par les pieds puis jetés à la voirie " comme indignes de la sépulture
chrétienne ".
Pascal Bastien (Annotateur)
Broché
Paru le : 23/09/2010
Éditeur : Mercure de France
Collection : Le Temps retrouvé
Des chroniques judiciaires évoquent l'injustice et la brutalité des peines appliquées au XVIIIe siècle.
Thomas-Simon Gueullette n'est pas très présent dans les livres d'histoire, mais il est très prisé par les historiens. En effet, il est l'un de ces polygraphes touche-à-tout qui, pour n'avoir pas livré d'oeuvre notoire, constituent une source précieuse pour les historiens spécialistes du XVIIIe siècle et, plus spécialement, pour ceux du Paris de cette époque. Outre Louis-Sébastien Mercier dont Le tableau de Paris assure la gloire, quatre ou cinq autres chroniqueurs, moins notoires, ont, comme lui, laissé de précieux témoignages sur la vie à Paris dans les années 1700. Thomas-Simon Gueullette est l'un d'entre eux. Homme de lettres connu en son temps, il écrit des pièces de théâtre, des contes et il entretient une correspondance nourrie avec ses pairs. Aussi bien, par exemple, faire l'histoire du Théâtre-Italien - pour lequel Gueullette écrit de nombreuses pièces et dont il est proche du directeur Luigi Riccoboni - suppose de s'appuyer sur son abondante littérature.
Mais Thomas-Simon Gueullette n'est pas seulement écrivain, épistolier, bibliophile, collectionneur, il est aussi... magistrat. Comme substitut du procureur du roi à la cour criminelle du Châtelet, il a à traiter des grandes et petites affaires de "larrons et d'assassins" qui font la chronique judiciaire de son temps. Par-delà son travail d'enquête ou de procédure, Gueullette aura rassemblé tout au long de sa vie une documentation considérable sur les crimes et délits, brossant ainsi une fresque impressionnante des bas-fonds de la société et aussi un tableau terrifiant des peines qu'encouraient les condamnés. On ne sort pas indemne de la description froide et clinique que fait Gueullette des exécutions du bandit Cartouche ou du régicide Damiens. L'écartèlement, les membres brisés sur la roue, les malheureux brûlés vifs - sans même parler de la torture comme moyen d'obtenir l'aveu - sont les manifestations ordinaires d'une justice dont la cruauté nous semble aujourd'hui insoutenable. Ce qui frappe encore, c'est la dureté et l'iniquité de l'échelle des peines. Un modeste vol de hardes ne conduit-il pas à la potence une infortunée domestique ? A lire ces quelque trente récits, on en apprend autant sur la criminalité au XVIIIe siècle que sur la brutalité acceptée de la justice. On comprend mieux, enfin, l'apport décisif, dans ces domaines, des Lumières et du "processus de civilisation" cher à Norbert Elias : ne permettront-ils pas en effet que, dans un temps finalement assez bref, la cruauté judiciaire cesse d'être banale ?
Par Marc Riglet, publié le 13/10/2010 à 14:00