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http://www.laprocure.com/cache/couvertures/9782705680374.jpgDocument avril 2011 - Une dévotion populaire très particulière est à l'origine de cet essai : le « culte des âmes des corps décollés » en Sicile. La Compagnie du Santissimo Crocifisso dite Compagnie des Bianchi (1541-1820) était chargée de préparer les condamnés à affronter leur mort en trouvant la voie du salut, tandis que le peuple de Palerme célébrait avec ferveur, dans le cimetière proche de l'église de la Madonna del Fiume de Palerme, les corps des condamnés. En effet, les Bianchi instruisaient les prisonniers de façon à ce que, lors de leur exécution, ils incarnassent aux yeux du public les martyrs ou le Christ - accomplissant de fait une sorte de superposition des figures saintes et criminelles, et réalisant une inversion des coupables en victimes.

À partir de l'étude de ce phénomène, l'auteur retrace et analyse l'évolution de la notion de victime en Occident depuis le XVIe siècle.


MARIA PIA Dl BELLA, chercheur en anthropologie sociale, est membre de l'Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les Enjeux Sociaux (Iris) à l'EHESS. Elle a publié Dire ou taire en Sicile et dirigé Vols et sanctions en Méditerranée. Elle travaille actuellement aux États-Unis sur les associations de victimes de crimes, leurs narrations et leurs mémoriaux.

 

  • Les courts extraits de livres : 21/04/2011

Extrait de l'introduction - Au milieu des années 1980, la sortie du livre de Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, a permis d'ouvrir tout un pan de recherches sur le thème des prisons. Mais, et sans doute de façon inattendue, il a contribué à susciter un fort intérêt pour les supplices. En effet, les premières pages du livre, qui s'ouvre par une description d'époque du supplice de Damiens, sont inoubliables pour une majorité de lecteurs. Et pour bon nombre de chercheurs qui ont contribué par leurs travaux à donner une vue comparative du phénomène.


Notre recherche doit bien sûr beaucoup à cette oeuvre et certainement bien plus qu'elle ne le dit. Quand, dans mes lectures autour de phénomènes siciliens qui paraissaient inexplicables, je suis tombée sur la canonisation populaire des âmes des condamnés à mort, le livre de Foucault m'a sans doute aidée à comprendre l'importance du phénomène. Mais ce phénomène avait aussi l'avantage de mettre en lumière des mécanismes ignorés par Foucault lui-même, c'est-à-dire ceux de réconciliation. S'il est vrai que, d'un côté, les dirigeants de la société sicilienne de l'époque (1541-1820) avaient le souci d'afficher leur pouvoir, de l'autre ils avaient aussi celui d'établir des ponts entre eux et la population susceptibles de dissimuler autant que possible l'étendue de ce pouvoir. La ferveur religieuse de l'époque fait que ces ponts ont pris une forme apte à être traduite en termes religieux.

Ainsi la réconciliation à Palerme se déployait dans le sens liturgique du mot : «réunir une personne à l'Église, réconcilier un hérétique» (Petit Robert). La personne choisie pour être réunie à l'Église était le condamné à mort. Les personnes responsables de cette réunification, à travers un rituel d'une durée de trois jours et trois nuits que nous avons appelé théâtre de pénitence, étaient les membres d'une compagnie, en majorité aristocrates, appelés les Bianchi du fait que, lors de leurs apparitions publiques, ils étaient totalement habillés de blanc, froc et cagoule compris. Ces mêmes personnes siégeaient souvent dans les différentes cours locales pour juger les accusés et les condamner à mort.


Dans les pages qui suivent, il sera moins question de supplices que de réconciliation. Et même, pour ce qui est de la réconciliation, il sera moins question des conséquences de cette réconciliation sur la société sicilienne dans son ensemble que des moyens mis en œuvre par ses responsables pour l'atteindre. En effet, parmi les documents d'archivé que nous avons pu consulter dans les bibliothèques palermitaines, nous avons eu la chance de trouver ceux qui décrivent minutieusement le rituel de conversion du condamné à mort déployé par les Bianchi. C'est donc sur ce rituel que notre recherche s'est concentrée et c'est à partir de ce rituel qu'elle s'est développée.

Essai sur les supplices : l'état de victime

Auteur : Maria Pia Di Bella

Date de saisie : 21/04/2011

Genre : Sociologie, Société

Éditeur : Hermann, Paris, France

Collection : Savoir. Lettres

 

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