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http://www.lexpress.fr/images/jaquettes/54/9782020197854.gifPacifisme à outrance : Le petit ouvrage qu'il publie dans la collection « Écrivains de toujours » est un excellent condensé de sa grande biographie (parue au Seuil en 1990). Mais nous lui devons surtout l'édition du Journal, que les admirateurs de Giono attendaient avec impatience. Ce document éclaire deux périodes cruciales d'une existence très sédentaire, certes, mais fort peu monotone. Les années 1935-1938 sont celles du pacifisme à outrance. Le survivant de Verdun et du Chemin des Dames est prêt à tout pour ne jamais revoir de pareilles abominations: «Même si la France, la Russie et tout ce qu'on veut sont envahis par Hitler, plus Mussolini, plus La Rocque, plus Daudet, plus le pape (...), je refuse, je ne me bats pas, je ne fais pas la guerre.» Munichois acharné, le prophète du Contadour démontre son invraisemblable naïveté en tentant d'organiser une entrevue en tête à tête avec le Führer afin de le convaincre de prendre «l'initiative d'un désarmement universel et total»! Face à de tels adversaires, on comprend pourquoi les nazis se sont tellement amusés en 1940...

Après une longue interruption, Giono reprend son Journal en 1943. Il y insuffle la vie à cent personnages: aux membres de sa famille; aux amis qui l'ont trahi; aux juifs, aux communistes, aux réfractaires au STO qu'il nourrit, qu'il sort de prison ou qu'il cache dans ses fermes.

Quand la tragédie est quotidienne, la littérature «en carton» lui semble ridicule. Ainsi, ce commentaire gaulois sur Autant en emporte le vent: «Scarlett n'a pas de fesses. Même quand Mme Mitchell essaye de lui en gonfler. Rhett n'a pas de couilles même quand il couche avec la bonne putain rousse. Patronage et puritanisme. Si Scarlett a peur d'être violée, c'est comme si elle avait peur d'un mal de dents.» En revanche, La recherche tient le coup en août 1944: «Jamais Proust n'a été si coloré, si poétique, d'une irrigation magique si puissante que maintenant, à ces lectures que j'en fais torturé par le bruit des armées qui passent et du délire populaire.» Il a raison de se méfier de cette liesse, car elle va l'obliger à interrompre son Journal. Giono a en effet accompli l'exploit de commencer la guerre et de la terminer derrière des barreaux: en 1940 à cause de son défaitisme, en 1944 du fait de son prétendu vichysme. Si la première accusation était amplement justifiée, la seconde ne repose sur rien. Tous les témoignages concordent: le dossier est vide. Giono a toujours été un antifasciste, et l'on ne trouvera pas chez lui un seul mot compromettant. Ce n'est pas sa faute si les idéologues du Maréchal ont récupéré ses romans paysans au profit de «la terre qui ne ment pas».

Cible des communistes : De même, comment lui reprocher ses critiques à l'égard des côtés sinistres de la Libération: «La révolution continue, sans grandeur, assassinat dans l'ombre des gens sans défense»? Non seulement il est à mille lieues des Brasillach et des Drieu, mais il n'a pas davantage de compromissions à s'imputer que Jean Paulhan, André Malraux ou Jean-Paul Sartre. Alors, pourquoi un tel acharnement contre lui? Pourquoi les appels au meurtre de Tristan Tzara et les insultes ordurières contre l' «hitlérien Giono»? Pierre Citron, preuves à l'appui, apporte une réponse: «Parce qu'il est l'une des cibles des communistes. Ils se méfient de lui depuis qu'il s'est écarté de leur ligne en 1935, après avoir passagèrement été proche d'eux et leur avoir donné l'espoir qu'il unirait ses forces aux leurs. (...) D'où une rancune inexpiable.»

Remercions-les, car s'il n'avait pas été confronté à la méchanceté des hommes, Giono ne se serait jamais entièrement débarrassé de son lyrisme un peu candide. Grâce à cette épreuve, il est sorti de l'impasse dans laquelle il végétait depuis quelques années et s'est engagé dans la double voie du Hussard et des Chroniques. Sans les rumeurs et les délateurs, nous n'aurions peut-être jamais eu le bonheur de lire Un roi sans divertissement et Les âmes fortes...

Jean Giono au temps des épreuves

Par Didier Sénécal (Lire), publié le 01/04/1995

www.lexpress.fr/culture/livre/journal-poemes-...


Les petits soucis de Giono à la Libération de la France

… La guerre de 1914 avait fait de Jean Giono un antimilitariste résolu. Tout au long des quatre années passées dans les tranchées comme fantassin de 2e classe, elle lui était apparue comme abominable, le mal absolu. Si bien qu'en 1939, il se laisse emprisonner pour insoumission. Ce n'est pas un patriote, encore moins un admirateur de la force brutale du IIIe Reich. Après l'armistice, il retourne vivre dans ses collines de Haute-Provence où il évite tout contact avec l'occupant. Il n'hésite pas à  cacher un juif, un réfractaire, un résistant, un communiste allemand recherché par la Gestapo. Cependant, son exaltation du monde rural, sa quête de l'âge d'or, le font parfois passer pour un disciple du Maréchal et de sa mystique du retour à  la terre.

C'est de la censure et de la pénurie de papier que le mal va venir. Pendant ces années noires, impossible de se faire publier autrement que par un éditeur collaborateur. Son Voyage en calèche est interdit. Alors, comme Marcel Aymé, Jean Cocteau, Sacha Guitry ou Paul Morand, Giono accepte de donner ses manuscrits à  Signal ou à  la NRF, où Paulhan a cédé la place à  Drieu La Rochelle. Pis, il publie dans La Gerbe, l'hebdomadaire littéraire et politique d'Alphonse de Châteaubriant, un ancien prix Goncourt converti au nazisme. Ses nouvelles innocentes voisinent avec des pamphlets de collaborateurs exaltant la Grande Europe délivrée des juifs et des bolcheviks. Ce que voyant, Eluard, Aragon, Queneau et Elsa Triolet l'inscrivent sur une liste noire d'écrivains à  épurer, diffusée par deux publications clandestines, Bir Hakeim et Les Lettres françaises.

Le 20 août 1944, Manosque est libéré. Les communistes prennent le contrôle du comité local de libération et traitent en anti-Français tous ceux, résistants ou pas, qui ne sont pas communistes. Le 8 septembre, des individus arborant le brassard FFI se présentent chez Giono pour l'incarcérer à  la prison de Saint-Jean-des-Forts. Il y reste sept mois, réduit à  regarder les nuages à  travers l'imposte et à  imaginer des cartes de géographie dans les boursouflures du salpêtre des murs. C'est seulement le 2 février 1945 qu'il est libéré, sans avoir été inculpé. Il demeurera plusieurs années interdit de publication. La découverte du mépris et de la haine qu'on lui témoigne transpire désormais dans son œuvre. De l'épreuve sort un grand écrivain, l'auteur du Hussard sur le toit ...

Un écrivain et deux industriels dans le collimateur

01/09/2004 - Historia

Prêts à  tout pour être publiés ou ne renonçant pas à  l'attrait de la manne financière, certains intellectuels et grands capitalistes n'échappent pas à  la vague de violence populaire...

http://www.historia.fr/content/recherche/article?id=5075

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