Document 2008 - A. Viollis, attachée en qualité de journaliste à la mission de Paul
Reynaud, alors ministre des Colonies, a rédigé ce carnet de notes lors d'un voyage en Indochine en 1931. Ses notes et les documents qui leur sont annexés constituent un témoignage
accablant contre le pouvoir colonial, contre la façon dont les troubles ont été réprimés en Indochine et la manière dont la justice y est rendue.
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Les présentations des éditeurs : 17/07/2008
En 1931, quand Andrée Viollis, grand reporter au Petit Parisien, principal quotidien
de l'époque, arriva en Indochine, la conquête militaire était depuis longtemps achevée. En 1893, la France avait créé l'Union indochinoise qui regroupait les protectorats et colonies du Vietnam,
du Cambodge et du Laos. Des monarques, sans aucun pouvoir, furent maintenus mais c'est un gouverneur général français qui dirigeait l'Indochine, appelée la «perle de l'Empire colonial
français».
En 1931, la situation était devenue explosive du fait de la crise économique mondiale. De véritables émeutes éclatèrent et furent rapidement réprimées. Le ministre des Colonies de l'époque, Paul
Reynaud décida de visiter le pays. Andrée Viollis fit partie de la délégation officielle, en tant que journaliste accréditée. Elle rencontra des officiels, mais aussi des opposants et, à travers
eux, elle découvrit la réalité de l'exploitation et de la répression coloniale : les famines, les conditions de travail épouvantables dans les plantations, les humiliations quotidiennes, la
brutalité des autorités militaires et policières, les prisons et les bagnes où s'entassaient les militants anticolonialistes, les interrogatoires musclés et la torture à l'électricité, le mépris
dans lequel les colons tenaient toute la population colonisée.
En 1935, Andrée Viollis publia le recueil de ses notes sous le titre Indochine S.O.S. La simple relation des faits devint une dénonciation sans concession de ce pouvoir colonial. Elle y ajouta,
en annexe, des documents accablants pour le pouvoir colonial : comptes rendus du procès dans lesquels le pouvoir colonial acquitta des légionnaires qui avaient massacré des villageois (procès de
Hanoï - juin 1933) et de celui qui condamna à mort des militants anticolonialistes (procès de Saigon - mai 1933), documents officiels sur les «événements d'Indochine»...
À sa parution, Indochine S.O.S. fit scandale, et son auteure fut accusée de mentir et de salir le pays. Après une dernière réédition en 1949, cet ouvrage était devenu introuvable. Aujourd'hui,
alors que certains parlent «de l'oeuvre civilisatrice de la France» dans son empire, sa réédition a le mérite de rappeler ce qu'était réellement le colonialisme français.
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Les courts extraits de livres : 17/07/2008
Extrait de l'avant-propos :
Les notes qui suivent furent prises en marge d'un voyage que je fis en Indochine dans les trois derniers mois de 1931.
Attachée en qualité de journaliste à la mission de M. Paul Reynaud, alors ministre des Colonies, je l'avais devancé à Saigon d'une dizaine de jours et m'étais arrangée pour demeurer dans le pays
un peu plus d'un mois après son départ, avant de gagner la Chine, puis le Japon.
J'avais été profondément émue par la belle et solide enquête que Louis Roubaud venait de publier sur les troubles d'Indochine. Je savais qu'ils n'étaient encore qu'imparfaitement apaisés. Je pus bientôt me convaincre comme lui que la cause principale de ces troubles réside d'une part dans la crise économique, la famine, l'excessif fardeau des impôts ; d'autre part, dans l'attitude prise par les autorités devant les pacifiques cortèges de suppliants et les diverses manifestations d'un peuple désespéré.
J'apporte sur la répression de ces troubles, leurs causes et leurs conséquences, un témoignage pour ainsi dire nu, car je ne fais que transcrire mon carnet de notes, me bornant à y joindre les éclaircissements et les précisions indispensables, et, autant qu'il se peut pour un sujet aussi brûlant, à y ajouter mes références. Le lecteur suivra donc le même chemin que moi. Il verra comment je parvins à rencontrer, du côté indigène, quelques-uns des «meneurs», comment je pus m'entretenir avec des chefs de la jeunesse nationaliste, des «vieux-révolutionnaires», des constitutionnalistes et divers partisans de la coopération franco-annamite. Et il se rendra compte que j'ai également consulté de nombreux Français, avocats, ingénieurs, médecins, colons, fonctionnaires de la Sûreté et de l'administration.
Ces notes et les documents qui leur sont annexés constituent, malgré moi, un témoignage accablant contre la façon dont les troubles furent réprimés en Indochine et la manière dont la justice y est rendue.
C'est là une des raisons qui, avec certaines circonstances de ma vie et des travaux urgents, m'en firent différer la publication.
Mais le verdict de Saigon intervint en mai 1933, provoquant l'émotion la plus profonde et la plus justifiée, aussi bien dans les esprits pour lesquels les considérations d'humanité et de justice ont encore du poids que chez les Français soucieux du principe et de l'application de nos méthodes coloniales. Il fut suivi par le procès d'Hanoï (juin 1933) qui se termina par l'acquittement de cinq légionnaires, dont deux sergents, convaincus d'avoir torturé puis assassiné onze Annamites, innocents et reconnus comme tels. Acquittement justifié par le fait que les accusés prétendirent n'avoir fait qu'exécuter les ordres des autorités civiles...
- Indochine SOS
- Viollis, Andrée
- les Bons caractères , Pantin (Seine-Saint-Denis)
- Parution : juin 2008
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