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http://multimedia.fnac.com/multimedia/FR/images_produits/FR/Fnac.com/ZoomPE/7/3/8/9782021050837.jpgDocument 5 novembre 2011 - Depuis trois décennies, tous les désordres urbains qu'a connus la société française sont survenus à la suite d'interactions meurtrières entre la police et les jeunes dans des quartiers dits sensibles. Mais au-delà de ces moments dramatiques, quels sont les rapports entre les forces de l'ordre et les habitants des banlieues ? Pour le comprendre, Didier Fassin a partagé pendant près de deux ans le quotidien d'une brigade anti-criminalité de la région parisienne. Cet ouvrage est le fruit de son enquête, la première du genre en France.


Loin des imaginaires que nourrissent le cinéma et les séries télévisées, il raconte le désoeuvrement et l'ennui des patrouilles, la pression du chiffre et les doutes sur le métier, les formes invisibles de violence et les manifestations méconnues des discriminations. Inscrivant ces pratiques policières dans les politiques qui les rendent possibles, il montre qu'elles visent moins à protéger l'ordre public qu'un certain ordre social. Les scènes à la fois saisissantes et ordinaires rapportées dans ce livre dévoilent ainsi l'exception sécuritaire à laquelle sont soumises les cités.

http://www.franceinter.fr/sites/default/files/imagecache/scald_image_max_size/2011/10/28/204007/images/190805996771.jpgDidier Fassin est professeur de sciences sociales à l'Institute for Advanced Study de Princeton et directeur d'études à l'EHESS. Il a notamment publié La Raison humanitaire (Hautes Études-Gallimard-Seuil, 2010), L'Empire du traumatisme (Flammarion, 2008) et Quand les corps se souviennent (La Découverte, 2006).



  • La revue de presse Gilles Bastin - Le Monde du 26 octobre 2011

 

Les policiers de terrain, auxquels incombe le maintien de l'ordre, sont de ceux-là. Leur travail, fait de patrouilles et d'interpellations, paraît souvent trop banal pour mériter que l'on s'y arrête. Le jeu du chat policier et de la souris délinquante n'est-il pas, après tout, l'un des plus vieux au monde ? Il est malheureusement aussi un des plus protégés du regard des chercheurs. "Circulez, y'a rien à voir !" : depuis plusieurs années, la police a fait de ce mot d'ordre sa politique à l'égard des sciences sociales. Elle oppose dorénavant un refus systématique aux demandes d'enquêtes sur son travail. L'anthropologue Didier Fassin a pourtant réussi à surmonter les réticences des policiers et à se faire accepter dans un commissariat de la banlieue parisienne. Entre 2005 et 2007, il a pu suivre le quotidien des équipages de la brigade anticriminalité (BAC).



  • Les courts extraits de livres : 15/11/2011

 

Extrait du prologue  Interpellation

L'interpellation ne rate pratiquement jamais son homme.


Louis Althusser, « Les appareils idéologiques d'État », 1976

Même si on est innocents, les parents, ils nous disent : « Pourquoi ils t'ont attrapé si t'as rien fait ? »


Un ami des deux garçons électrocutés à Clichy-sous-Bois, 2005

Trente et un décembre deux mille six, dix-neuf heures. Dans une grande agglomération de la banlieue parisienne, trois adolescents élégamment vêtus attendent leur bus sous la pluie à un arrêt situé en lisière d'une petite cité hlm. Ils ont prévu de passer le réveillon du nouvel an avec des camarades dans la ville voisine. Les deux plus âgés ont seize ans. Ils sont amis de longue date. Le troisième a treize ans. Il est le cousin de l'un des deux grands. Il est venu passer les fêtes de fin d'année chez son oncle. Les trois adolescents sont sous l'abri depuis quelques instants lorsqu'ils aperçoivent un groupe de cinq jeunes qui courent, sautent dans une voiture et démarrent précipitamment. Un car de crs qui circule dans le quartier apparaît à ce moment. Ses occupants n'ont visiblement rien remarqué de cette animation momentanée. En passant, ils dévisagent les adolescents à l'arrêt de bus et continuent leur ronde à petite vitesse. Quelques minutes plus tard, un véhicule de police arrive en trombe sur les lieux et s'arrête bruyamment devant les trois garçons qui attendent toujours le moyen de transport qui leur permettra de rejoindre leurs amis à la fête. Trois agents en tenue en descendent, saluent froidement les adolescents, leur demandent leurs papiers, les fouillent sans ménagement et les interrogent sur ce qu'ils font à cet endroit. Apparemment satisfaits des réponses qu'ils ont obtenues, ils remontent dans leur voiture pour échanger par radio des informations avec le commissariat.


A ce moment, les adolescents pensent encore qu'il ne s'est agi que d'un banal contrôle d'identité. Les deux cousins sont d'origine mauritanienne, leur ami est né en Équateur, tous trois habitent la banlieue : ils savent par expérience que, pour eux, se trouver hors de chez eux signifie être fréquemment exposés à de semblables vérifications selon la même séquence humiliante, mains posées sur la portière du véhicule de police, poches vidées de leur contenu sur le capot, corps palpé avec les jambes écartées - un rituel presque toujours exécuté en public, devant les gens du voisinage qui commenteront plus tard la scène. Ces contrôles, ils en ont déjà subi plusieurs, à différentes heures du jour et en divers lieux, attendant un ami à la gare ou se promenant dans la rue. S'ils ressentent la vexation de la situation, ils n'éprouvent pas d'inquiétude particulière. Ils n'ont rien à se reprocher et, du reste, n'ont-ils pas démontré leur bonne volonté en se laissant faire sans broncher ? Ils ignorent alors que les policiers viennent d'appeler des renforts.


Une autre voiture, banalisée car il s'agit de la brigade anticriminalité (bac), arrive presque immédiatement sur les lieux, suivie par deux cars de crs, dont celui qui était en maraude dans le quartier. L'un des membres du premier équipage se réjouit à haute voix de ce soutien massif de la compagnie qui a été affectée à cette agglomération jugée sensible en ce sonde réveillon, propice depuis quelques années aux incendies de véhicules. Cinq policiers, dont deux en civil, entourent maintenant les adolescents. Près d'eux se tient un crs équipé d'un Flash-Bail, les autres étant restés dans leur car. Le ton s'est durci. On fouille à nouveau les trois garçons, on leur pose les mêmes questions sur ce qu'ils font à cet arrêt de bus. Les gardiens de la paix qui les ont contrôlés la première fois ne semblent pas s'étonner du fait qu'ils n'aient pas cherché à s'enfuir à leur approche pourtant ostensible. Les crs qui étaient passés quelques instants plus tôt devant eux ne paraissent pas vouloir indiquer à leurs collègues qu'ils les ont vus attendant tranquillement sous l'abri de bus. Pourtant, lorsqu'ils avaient reconnu les agents qui les avaient dévisagés dans l'obscurité, les adolescents s'étaient sentis rassurés en imaginant qu'ils témoigneraient en leur faveur devant leurs collègues. Les voici désormais détrompés. «On les embarque», ordonne sèchement l'un des policiers.

 

La force de l'ordre : une anthropologie de la police des quartiers

Auteur : Didier Fassin

Date de saisie : 15/11/2011

Genre : Documents Essais d'actualité

Editeur : Seuil, Paris, France

Collection : La couleur des idées

 


 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/34/Jean_Morzadec_photographi%C3%A9_par_Oleksandra_Yaromova.jpg/220px-Jean_Morzadec_photographi%C3%A9_par_Oleksandra_Yaromova.jpgLechoixdeslibraires.com a été créé par Jean Morzadec et son équipe, afin de rendre hommage à la compétence des libraires, qui sont les ambassadeurs du livre.

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Jean Morzadec a travaillé plus de trente ans à France Inter, dont il fut directeur des programmes de 1999 à 2005, sous la présidence de Jean-Marie Cavada. Il se consacre aujourd’hui, avec passion, au développement de sites culturels dédiés particulièrement à l’amour des livres.

 

Tag(s) : #Police - Gendarmerie - Femmes
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