De 1381 à 1384, dans tout le Languedoc, des paysans et des artisans prennent les armes contre les troupes du roi, avec le soutien des nobles. On les appelle les « tuchins ». A leur manière, ils participent à la constitution d'une identité régionale.
« Des bandes nombreuses de misérables, qu'on appelait « tuchins », à cause de leur vie désordonnée, avaient tout à coup surgi comme une nuée de vers et s'étaient montrées sur tous les points de la contrée. Laissant là les travaux des métiers et la culture des terres, ils s'étaient réunis et engagés par des serments terribles à ne plus courber la tête sous le poids des subsides. » C'est ainsi que Michel Pintoin, ce chroniqueur plus connu sous le nom de « Religieux de Saint-Denis », décrit les débuts de l'insurrection des tuchins dans le royaume, à la fin du XIVe siècle, au tout début du règne de Charles VI. Au-delà de la dénonciation du mouvement - toute révolte s'apparentant pour lui à un crime de lèse-majesté -, le chroniqueur entend souligner l'origine modeste des révoltés et l'une des causes premières de leur lutte : le rejet d'une fiscalité royale jugée excessive. De toutes les révoltes rurales qui secouèrent le royaume de France, celle des tuchins fut sans doute l'une des plus inquiétantes pour le pouvoir royal. Tant par sa durée, puisque le mouvement, lancé en 1381, se prolongea jusqu'en 1383, que par son ampleur géographique : son aire d'extension couvre les trois sénéchaussées du Languedoc(1), ainsi que le Velay, le Vivarais et le Rouergue - soit le tiers du royaume ! Pendant trois ans, des bandes de paysans en armes, parfois encadrées par leurs seigneurs et le plus souvent soutenues par les autorités consulaires (en charge des affaires municipales), vont tenir tête au représentant du roi dans la province. Pour rendre compte...
Les tuchins ou la grande révolte du Languedoc
Par Vincent Challet
publié dans L'Histoire n° 298 - 05/2005 Acheter L'Histoire n° 298 +
Vincent Challet
Thèmes de recherche :
Thèse soutenue sur la révolte des Tuchins en Languedoc (1381-1384)
Mes travaux actuels portent sur la conscience politique des communautés paysannes, la société politique au royaume de France au bas Moyen Âge et l’« invention » du Languedoc par la monarchie capétienne et sa réappropriation par les communautés languedociennes