Diffusion le lundi 24 janvier 2011 sur France 5 – Téléfilm :
« Le Dernier Été » de Claude Goretta
Georges Mandel (1885-1944), ou l'homme qui disait non. Non à la
médiocrité de sa classe sociale (la grande bourgeoisie); non à la lâcheté de sa caste parlementaire (la droite fascinée par le fascisme); non aux «capitulards» de l'esprit munichois; non à la
défaite; non à Pétain. Son principal titre de gloire aura été d'avoir été le bras droit de Clemenceau pendant la dernière année de la Grande Guerre et d'avoir appliqué d'une main de fer les
décisions du «Tigre». «Âme d'acier dans un fourreau de verre», disait de lui Barrès" «Âme de la Résistance». C'est à partir de cette toute-puissance fugace que s'est forgée une haine inexpiable à
son encontre, doublée d'une exécration antijuive qui, semble-t-il, l'affectait moins qu'un Léon Blum. Cette carrière d'homme d'État inflexible, cette vie de patriote aux puissantes racines
alsaciennes qui, dès le 16 juin 1940, incarne l'«âme de la Résistance» (selon le mot de Churchill, qui veut l'appeler à Londres plutôt que de Gaulle), s'achevèrent sous les balles de la milice,
le 7 juillet 1944 en forêt de Fontainebleau, après qu'il eut connu les prisons de Vichy et la déportation à Buchenwald.
Le Dernier Été de Claude Goretta, inspiré du livre de Nicolas Sarkozy (Georges Mandel,
le moine de la politique, Grasset, 1994), sur un scénario et des dialogues de Jean-Michel Gaillard, rend justice à cette figure exemplaire et roide dans son refus de transiger avec
les habiletés de son temps et les bassesses de ses pairs. L'interprétation de Jacques Villeret est pour beaucoup dans la qualité du téléfilm: d'un regard, d'un soupir, d'une inflexion de voix, il
sait rompre l'immobilité batracienne de son personnage caparaçonné de certitudes pour en révéler l'humanité secrète, sinon blessée. Catherine Frot, qui interprète Béatrice Bretty, sociétaire de
la Comédie-Française et compagne de Mandel, prête à celle-ci une finesse et une sensibilité distillées avec une maîtrise qui confine au murmure.
Immuable leçon. Savoir dire non quand il faut; savoir désobéir quand il convient; savoir se dresser quand tout le monde autour de soi se couche; savoir s'arc-bouter à son honneur quand l'instinct de survie commande de plier, la leçon, n'est-ce pas, est immuable. Le Dernier Été l'administre avec une rare pudeur et une efficacité qui laissent place à l'émotion. Et nous rend, d'une certaine manière, meilleurs. Ou moins désespérés.
Dans La Fourberie de Clisthène, Procès du biographe élyséen de Georges Mandel, l'écrivain et essayiste Adrien Le Bihan démontre brillament que Nicolas Sarkozy est à la fois un mauvais écrivain et un très mauvais biographe, doublé sans doute d'un vulgaire plagiaire, voire d'un vrai fourbe, ce dont hélas on se doutait déjà. Parfaitement documenté et s'appuyant sur une analyse fouillée des textes, le pamphlet d'Adrien Le Bihan pointe non seulement les nombreuses erreurs historiques contenues dans le livre de Nicolas Sarkozy, Georges Mandel, le moine de la politique, mais également un ensemble d'élements qui ne laisse que peu de doutes sur ce qu'il convient d'appeler un "plagiat" commis par l'actuel Président de la République.
Tout commence en 1994, lorsque Nicolas Sarkozy est encore ministre du Budget rêvant au magistère suprême. Honnête homme du
XXIe siècle et ami éclairé des Arts et des Lettres s'il en est, il décide un jour en se rasant de rendre hommage à l'une des grandes figures de l'Etat français, Georges Mandel. Plusieurs fois
ministre de la Troisième République, juif victime des campagnes antisémites de la presse collaborationniste, fusillé en juillet 1944 en forêt de Fontainebleau par la milice, Georges Mandel est en
effet depuis toujours l'un des grands héros de son panthéon personnel, l'un des hommes politiques dont le destin est pour pour lui un exemple et une source d'inspiration. Probablement assisté par
un nègre (selon les rumeurs: Roger Karoutchi, aujourd'hui Secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement et auteur d'une biographie de Jean Zay), il "écrit" alors une biographie
hautement édifiante intitulée Georges Mandel, le moine de la politique (éditions Grasset, 1994). À sa sortie, l'ouvrage est unanimement saluée par la critique. Entre
autres médias admiratifs, Le Monde juge cette "étude" fort pertinente, Globe hebdo (dirigé par Georges-Marc Benamou, futur conseiller spécial de Sarkozy pour la Culture) évoque
longuement la "remarquable biographie", Paris Match et TF1 offrent de passionnants entretiens avec l'auteur, etc. Seul petit incident dans le bon déroulement du plan média, un
certain Bertrand Favreau, avocat au barreau de Bordeaux et auteur en 1969 d'un Georges Mandel, un clémenciste en Gironde (éditions Pedone), remarque de
troublantes similitudes entre le livre de Nicolas Sarkozy et le sien. Pas de quoi cependant émouvoir les médias qui ne soufflent mot de l'embarassante affaire, d'autant plus que le Ministre du
Budget Porte-Parole du gouvernement, ayant pris la précaution de citer dans son introduction le "remarquable mémoire soutenu à la faculté de Bordeaux", balaye le soupçon de plagiat d'un revers de
main. Bertrand Favreau ne porte pas l'affaire devant la Justice. Une grande maison d'édition le contacte d'ailleurs fort opportunément avec un contrat pour la publication d'une nouvelle version
remaniée de son livre, qui sortira quelques mois plus tard sous le titre Georges Mandel, ou La passion de la République (Éditions
Fayard, 1996). Au grand étonnement de son auteur, il sera même récompensé par le prestigieux Prix de l'Assemblée nationale, remis en mains propres par un Philippe Seguin au discours -- rédigé
semble-t-il par Roger Karoutchi -- quelque peu sibyllin. La biographie de Nicolas Sarkozy peut continuer paisiblement son ascension de la liste des meilleurs ventes en librairie. Elle donne même
lieu l'année suivante à une adaptation télévisée, Le Dernier Été, réalisée par Claude Goretta "d'après l'oeuvre de Nicolas Sarkozy sur Georges Mandel", avec Jacques
Villeret dans le rôle titre. Quelques années plus tard, Georges Mandel, le moine de la politique pourra alors être largement utilisé par le candidat à l'Elysée qui, tout à son exaltation
des grands hommes de la Patrie, à ses incessantes références à l'héroïsme de la Résistance et à son obsession de la question juive, ne manque jamais une occasion de souligner les parralèles entre
Georges Mandel et lui-même. Dans l'indifférence médiatique générale, Nicolas Sarkozy ou le destin de Brutus (éditions Denoël, 2005) du collectif Victor Noir (nom de
plume des journalistes d'investigation Karl Laske et Laurent Valdiguié), dévoile l'imposture de Nicolas Sarkozy mais le futur chef de l'Etat se mure dans le silence lorsqu'on lui pose la question
à ne pas poser: "Avez-vous écrit seul votre ouvrage sur Georges Mandel ?".
Intrigué par les discours de campagne électorale de Nicolas Sarkozy ("J'ai changé quand j'ai rencontré Mandel, ce grand
Français", etc) et par cet étrange biographe locataire de l'Élysée (seul Paul Deschanel, auteur d'un Gambetta, peut revendiquer avant lui un tel titre), Adrien Le Bihan
analyse finement sa biographie du moine de la politique. Il n'accuse pas directement le Président de la République de plagiat, laissant les lecteurs se faire un avis au vu des nombreuses
coïncidences plus que troublantes existant entre son texte et celui de Bertrand Favreau, en particulier à travers la reproduction de grossières erreurs portant entre autres sur le titre d'un
livre du journaliste Georges Pioch (auquel il se réfère donc sans l'avoir lu) et sur un faux appel à la résistance qu'aurait lancé Mandel depuis Casablanca. Se référant à d'autres ouvrages
consacrés à des épisodes de la vie de Georges Mandel, Adrien Le Bihan pointe aussi d'étranges incohérences et omissions symptomatiques d'une très "fourbe" tentative de réécrire l'Histoire de
France. Nicolas Sarkozy n'hésite pas en effet à passer sournoisement sous silence le rôle pourtant majeur du Général de Gaulle dans cette période, ainsi que ses relations avec Georges Mandel,
afin de mieux héroïser son personnage (d'où le "Clisthène" du titre). Notant enfin que Georges Mandel, le moine de la politique "souffre et nous divertit d'une maîtrise
insuffisante du français", Adrien Le Bihan suggère à son auteur d'éviter de le réimprimer tel quel.
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• La Fourberie de
Clisthène d'Adrien Le Bihan est disponible dans quelques grandes librairies parisiennes, sur Amazon.fr, et sur commande aux éditions Cherche-Bruit 19 rue de Dantzig 75015 Paris, Tél: 0155766104.
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