Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

http://images.tvbase.net/v2/893000-893499/893068250250.pngDocument 2008 - "Du prix unique du livre instauré en 1978, Jérôme Lindon avait coutume de dire que c'était une loi "JL", initiales du ministre de la Culture de l'époque, Jack Lang, mais également traces du combat sans merci que lui, directeur des Éditions de Minuit, avait mené contre les rabais sur le prix des livres pratiqués par les grandes surfaces, rabais auxquels les libraires indépendants ne pouvaient résister. Les éditeurs, il en fallait pour publier des ouvrages neufs, mais il fallait tout autant un réseau de libraires pour diffuser ces livres, et leur permettre d'atteindre leur improbable lecteur.

Une librairie, c'est un endroit où l'on pense trouver les livres que l'on cherche, et dont on ressort souvent avec les livres auxquels on n'avait jamais songé. Un bref échange suffit pour convaincre : malgré ce qu'en dit ou n'en dit pas la presse, l'ouvrage que l'on n'a pas lu mérite d'être lu. Ma libraire à moi, c'est une dame qui me parle des livres, et les emballe dans un sac en papier Harry Potter. Elle m'a même une fois donné une image. J'ai beau chercher, il n'y a qu'à mon boulanger que je fasse une confiance pareille."

Anne Simonin



  • Les présentations des éditeurs : 06/11/2008

 

http://www.decitre.fr/gi/17/9782246629917FS.gifLa répression des faits de collaboration, plus connue sous le nom d'épuration, est demeurée célèbre pour l'inégalité et la dureté de ses verdicts, en particulier ceux envers les écrivains, tel le journaliste antisémite Robert Brasillach, condamné à mort et exécuté en 1945. Or, la mort la plus appliquée à la Libération ne fut pas la guillotine, mais une mort symbolique, celle emportée par la privation des droits de citoyen et les interdictions professionnelles sanctionnant le nouveau crime d'«indignité nationale». Le droit pénal en vigueur en 1939 ne permettant pas de réprimer le crime commis, entre 1940 et 1944, par les citoyens français ayant accepté de servir un gouvernement aux ordres de l'ennemi, les juristes de la Résistance eurent dans la clandestinité l'idée de l'indignité nationale ou crime de lèse-République. L'indignité nationale ne privait les vichystes ni de leur vie, ni de leur liberté. Elle les transformait en citoyens de seconde classe, déshonorés. Près de 10 000 Françaises et Français se virent ainsi frappés de mort civique, quand 1500 d'entre eux furent exécutés entre 1944 et 1951. D'où vient l'idée que, dans la République, le droit peut raisonnablement priver un citoyen ou une citoyenne de son honneur, et, en lui infligeant une honte publique, le transformer pour un temps en citoyen indigne ? Pourquoi les juristes révolutionnaires ont-ils éprouvé le besoin de conserver, dans le nouveau code pénal de 1791, les peines «simplement infamantes» en vigueur dans l'ancien droit ? Est-ce parce que l'honneur, loin d'être comme le pensait Montesquieu, le principe du seul gouvernement monarchique, est, associé à la vertu et au respect de l'intérêt général, le principal fondament du gouvernement républicain ? L'indignité, la privation infamante des droits de citoyen, est le moyen imaginé par le droit pour faire triompher ce principe mixte de l'ordre public républicain : l'honneur-vertu. Grâce à l'indignité, seuls les citoyens dignes participent à la vie de la communauté, les citoyens indignes, enfermés dans un «carcan d'infamie», s'en trouvent exclus et interdits de nuire. Incarnant par ses mésaventures singulières, les tribulations d'un indigne ; formulant la plus radicale critique de l'application de l'indignité, sous la Terreur comme lors de la Libération, la vie, les écrits, les censures politiques du marquis de Sade sont le fil rouge d'une histoire de l'indignité qui de Robespierre au général de Gaulle a espéré fonder ou rétablir la République sur la devise : Liberté, Égalité, Fraternité... ou Indignité.

Anne Simonin, ancienne élève de l'Institut d'études politiques de Paris, est chercheur au CNRS (IRICE, Université de Paris I et Paris IV). Elle est notamment l'auteur de Les Éditions de Minuit. Le devoir d'insoumission (imec éditeur, 2008).

 

  • La revue de presse Olivier Wieviorka - Libération du 24 décembre 2008


Collaborateurs envoyés en prison pour de bons ou de mauvais motifs, miliciens conduits au poteau d'exécution aux petits matins blêmes, justice dure aux faibles mais épargnant les puissants... composent le florilège des images que les Français associent spontanément à l'épuration menée, dans des conditions difficiles, aux lendemains de la Libération. Souvent erronées, ces représentations voilent l'essentiel : la peine la plus appliquée, au sortir de l'Occupation, fut en effet la «mort civique» découlant de la dégradation nationale que constatait une juridiction ad hoc, les Chambres civiques. Cette sanction a souvent été traitée avec légèreté par les historiens, plus enclins à dénombrer le nombre de prisonniers et de condamnés à mort qu'à se pencher sur le menu fretin. La statistique justifierait pourtant à elle seule que l'on prenne l'affaire au sérieux : 95 000 Français endurèrent ce déshonneur public. Non contente de dégager l'importance du phénomène, Anne Simonin le restaure dans sa pleine dimension historique...


Elle incite surtout à réfléchir sur les valeurs qui cimentent le modèle de citoyenneté français : à la Libération, l'indignité nationale évita la spirale de la Terreur et ses dérives meurtrières, contribuant du coup à refonder le pacte républicain.

 

  • La revue de presse Gilles Heuré - Télérama du 10 décembre 2008


Mais Anne Simonin, qui explore autant les apports du droit, de l'histoire que ceux de la littérature, envisage le problème sur une longue durée, remontant à l'Ancien Régime et à la Révolution française..


C'est l'archéologie de cette peine, ses évolutions, ses conceptions, ses mises en sommeil puis ses réajustements juridiques et politiques que reconstitue brillamment Anne Simonin.

 

  • La revue de presse - Le Monde du 7 novembre 2008


L'ouvrage que signe Anne Simonin s'achève - et c'est sans aucun doute son point de départ - par l'étude de la notion d'"indignité nationale". Celle-ci fut définie, en 1944, pour exclure de la communauté nationale les anciens collaborateurs, y compris ceux qui ne méritaient ni l'emprisonnement ni la mort. Toutefois, l'auteur consacre la moitié de son livre à la jurisprudence de purification similaire instaurée pendant la Révolution française...


Sur la notion même d'indignité nationale, Anne Simonin porte un jugement nuancé. Elle a une opinion globalement positive de sa définition juridique, telle qu'elle fut établie par les juristes de la Résistance : nécessaire afin de restaurer une République consensuelle, cette mesure ne versait pas pour autant dans une violence excessive, comme celle qu'exerça jadis la Terreur. L'auteur critique cependant les tribunaux - appelés Chambres civiques - chargés de juger les cas d'indignité nationale, et qui en ont déformé l'esprit : conçue à l'origine pour châtier le crime vichyste de "lèse-République", dit-elle, cette peine devint vite le moyen de juger la seule collaboration avec l'Allemagne nazie. Ainsi, Vichy et l'antisémitisme disparurent des débats...


Dans ce travail très personnel, Anne Simonin explore chaque problème jusqu'à sa racine. Elle semble avoir tout lu, y compris les ouvrages de procédure anglo-américaine. Aussi ce livre est-il remarquable, non seulement par sa précision juridique et l'exactitude de ses chiffres, mais aussi par son exhaustivité et sa hardiesse.

 

  • Les courts extraits de livres : 10/02/2009

 

Extrait de l'introduction :

DE L'ESPRIT RÉPUBLICAIN

«Le gouvernement de Vichy s'est évanoui en fumée [...]. Ces hommes qui nous ont tout rationné sauf la honte, qui bénissaient d'une main pendant qu'ils tuaient de l'autre, qui ajoutaient l'hypocrisie à la Terreur, qui pendant quatre ans ont vécu dans un effroyable mélange de prêches moraux et d'exécutions, d'homélies et de tortures, ces hommes ne peuvent attendre de la France ni l'oubli ni l'indulgence [...]. Nous ne sommes pas des hommes de haine. Mais il faut bien que nous soyons des hommes de justice [...]. Il n'y a pas deux politiques, il n'en est qu'une et c'est celle qui engage, c'est la politique de l'honneur», écrit le 22 août 1944 Albert Camus dans un des premiers éditoriaux du journal clandestin Combat qui paraît désormais au grand jour.


On admet depuis Montesquieu que l'honneur est le principe des gouvernements monarchiques, la crainte, celui des gouvernements despotiques, la vertu celui des gouvernements républicains. On oublie trop souvent que Montesquieu a reconsidéré les trois grands principes par lui dégagés. Dans un «Avertissement» à De l'esprit des lois (1748) n'a-t-il pas écrit : «Tant s'en faut que les vertus morales et chrétiennes soient exclues de la monarchie, que même la vertu politique ne l'est pas. En un mot, l'honneur est dans la république, quoique la vertu en soit le ressort ; la vertu politique est dans la monarchie, quoique l'honneur en soit le ressort» ? L'honneur est, chez Montesquieu, un principe mixte, un principe qui, selon l'analyse de Sharon Krause, n'est pas «exactement une vertu, mais remplit certaines fonctions de la vertu». Non seulement à dire que notre pays ne retrouvera sa grandeur qu'à condition de punir comme les plus graves des délits le manquement à l'honneur ou au devoir» : «La notion d'indignité nationale que le ministre de la Justice vient de préciser correspond à la loi d'honneur dont nous avons parlé. Elle concerne ceux qui ont su trahir leur pays sans cesser de respecter la loi. Ceux-ci perdront à la fois leurs droits civiques et leurs biens [...]. Cette mesure, à la fois impitoyable et calculée, nous paraît à ce point précieuse que nous souhaitons qu'on en fasse l'extension à beaucoup de cas [...].» Sur ce point, Albert Camus sera entendu.

Le déshonneur dans la République : une histoire de l'indignité, 1791-1958

Auteur : Anne Simonin

Date de saisie : 05/11/2008

Genre : Documents Essais d'actualité

Éditeur : Grasset, Paris, France

Collection : Essai

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :