Les présentations des éditeurs :
21/06/2011 - Si le titre pose
la question de manière aussi abrupte, c'est que nous souhaitons bousculer le consensus dont bénéficie le tourisme, non seulement parmi l'opinion publique et les professionnels du secteur, mais
aussi chez Rodolphe ceux qui semblent a priori les mieux placés pour résister aux diverses mystifications de la communication touristique. Chercheurs militants et esprits critiques ne sont
eux-mêmes pas insensibles aux sirènes du tourisme !
Le tourisme, partie prenante de l'industrie du divertissement, ne contribue-t-il pas à nous faire accepter le monde tel qu'il va ? L'imaginaire touristique dessine un univers séduisant, à tel point qu'il généraliserait la croyance dans une utopie enfin réalisée. Les lieux sont toujours beaux et confortables, les populations accueillantes, la nature préservée, et nous mènerions là-bas, durant le temps idéalisé de nos vacances, une existence assurément plus libre et détendue. Le paysage enchanteur de la communication touristique est d'ailleurs si généralisé que certains touristes sont soucieux de sortir du cadre. Quittant les lieux communs du tourisme, pris de culpabilité ou/et saisis par le désir de distinction, les voilà qui s'en vont visiter les lieux en guerre, ou bien multiplient les séjours « humanitaires » ou « équitables » auprès des pauvres de ce monde... La bonne conscience colle aux semelles des acteurs du tourisme, toujours prêts à mêler affaires, divertissement, esprit de découverte et intentions généreuses. Il est temps de réveiller le touriste qui sommeille en nous !
En réunissant chercheurs, universitaires, intellectuels francs-tireurs et praticiens-voyageurs distanciés, l'objectif de ce
livre est de pousser le tourisme dans ses retranchements en auscultant ses horizons, afin d'imaginer de nouvelles manières de découvrir le monde...
Philippe Bourdeau
est professeur à l'institut de Géographie alpine de Grenoble. Il étudie le rapport à l'ailleurs des sociétés urbaines à
partir de sujets comme les métiers et sports de montagne, les mutations du tourisme ou les dissidences récréatives. Il s'intéresse aussi au blues et au rock comme mythes géographiques. Il est
(co)auteur de La montagne, terrain de jeu et d'enjeux aux Éditions du Fournel, de Sports d'hiver en mutation aux Éditions Hermès-Lavoisier et de Géographie des sports en France aux Éditions
Vuibert.
Rodolphe Christin a grandi au pied des montagnes de Chartreuse. A
étudié la sociologie et l'anthropologie à Grenoble, haut lieu des « études de l'Imaginaire », jusqu'à obtenir un doctorat de sociologie sur l'imaginaire du voyage. Il est notamment l'auteur du
Manuel de l'antitourisme et de Passer les bornes - sur le fil du voyage (Éditio ns Yago). A enquêté le long des
côtes sénégalaises auprès d'ex-migrants clandestins (refoulés). Voyage à travers les organisations, publiques et privées, dans tous secteurs d'activités. Il vient de publier une fiction, le
Manifeste du saumon sauvage, disponible en ligne chez les Éditions de la Revue des ressources.
Avec les contributions de Philippe Bourdeau, Gérard Chaliand, Rodolphe Christin, Louise Constantin, Fabien Ollier, Philippe
Godard, Mimoun Hillali, Franck Michel, Sylvain Pattieu, Bruno Philip.
Les courts extraits de livres :
21/06/2011
Sous la plage, les pavés ?- L'association Tourisme et travail et la politisation du tourisme
SYLVAIN PATTIEU
8 août 1980. Jean-Pierre Soisson, secrétaire d'État au Tourisme, en visite officielle dans le Var, se rend dans un terrain
de camping à Grimaud. Il y est fermement attendu par « une forte délégation de campeurs et d'estivant s» venus des différents villages de vacances de l'association Tourisme et travail,
organisation de tourisme social proche de la CGT. Le ministre est alors interpellé, devant les micros et les caméras des journalistes, par Bruno Meynet, membre du conseil fédéral de l'association
: le militant lui demande des comptes sur la rénovation d'un centre de vacances de l'association à Cogolin et lui reproche « l'entassement» des vacanciers faute de campings en nombre suffisant.
La revue éponyme de Tourisme et travail décrit avec jubilation un « ministre, penaud, s'éclips [ant] sous les cris ». Le militant associatif, porte-parole des intérêts des vacanciers populaires,
a fait plier le ministre.
À côté de ce haut fait d'armes, bien d'autres actions, durant les 40 années d'existence de Tourisme et travail (1944-1985), ont eu pour objectif de politiser le tourisme : distributions de tracts sur les plages, pétitions revendicatives, organisation de manifestations. Plus fondamentalement, Tourisme et travail a développé un projet directement politique associant volonté d'éducation populaire, opposition entre tourisme associatif et tourisme marchand. Fortement liée à la CGT qui lui assurait un public par le biais des comités d'entreprises, Tourisme et travail se considérait à la fois comme un « Club Méditerranée des ouvriers » et comme une sorte de syndicat des vacanciers d'origine populaire. L'aspiration de Tourisme et travail à promouvoir le tourisme populaire n'est pas une exclusive durant les Trente Glorieuses. La volonté d'encourager et d'encadrer ces vacances est partagée à partir de la Libération et encore plus à partir des années 1960 par les élites économiques et politiques même si les moyens pour la mettre en œuvre ne suivent pas forcément. La particularité de Tourisme et travail, par rapport aux pouvoirs publics et aux professionnels du tourisme marchand, consiste à ne considérer le tourisme ni comme un objectif économique national ni comme un temps voué à l'oisiveté. Il s'agit donc ici d'expliquer, à travers des exemples précis, comment les dirigeants de Tourisme et travail concevaient l'objectif d'un tourisme de combat, comment ils l'ont mis en œuvre, avec en contrepoint sa réception par les vacanciers et son déclin dans les années 1980.
Auteur : Philippe Bourdeau | Rodolphe Christin
Date de saisie : 06/06/2011
Genre : Sociologie, Société
Éditeur : Ed. du Croquant, Bellecombe-en-Bauges, France