Louis-Hector de Ségure, héritier des plus anciennes familles pyrénéennes, est le dernier d'une
longue lignée de magistrats. Destiné à prendre la succession de son père, il ne rêve pourtant que plaies et bosses au service du roi -à l'instar de son modèle, M. de Tréville, capitaine des
mousquetaires de Louis XIII. À la mort de son père, il choisit de quitter les Quatre-Vallées et s'engage chez les mousquetaires gris.
Commence alors une vie d'aventures qui va le mener en Corse, en Bohême, en Espagne puis en Pologne, à nouveau en Espagne, accomplissant des missions militaires, diplomatiques ou de renseignement.
En France aussi où il retrouvera périodiquement son ancrage d'Arreau entre deux missions ou quand il est banni de la cour. Car tout au long de sa vie le comte de Ségure a montré un intérêt très
marqué pour les affaires de sa province, s'opposant à l'administration royale pour défendre les paysans, si bien qu'ils le désignèrent comme représentant des Quatre-Vallées aux états
généraux.
Anne Quéruel a écrit une biographie en forme de roman où elle fait revivre le comte de Ségure, sa vie, ses rencontres - Dumouriez, Casanova, Choiseul... -, ses amours, ses rêves et ses
ambitions. Il en ressort le portrait d'un homme généreux, presque jusqu'à la naïveté, sincère, fidèle au roi et à ses amis ; une sorte de Cyrano pyrénéen.
Auteur d'un ouvrage consacré au général-baron Jean-Marie Vergez, Le Bigourdan oublié (Le Capucin, 2004), Anne Quéruel est passionnée par le XVIIIe
siècle et les personnages hors du commun, souvent méconnus, qui le traversent; passionnée également par la vie quotidienne dans les Pyrénées. Sa prédilection pour les ouvrages historiques a
conduit Anne Quéruel, diplômée d'histoire, descendante d'une vieille famille de la vallée d'Argelès, à faire revivre, une fois encore, un de nos héros pyrénéens.
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Les courts extraits de livres : 10/11/2010
1790 - Le corbeau s'était posé sur le rebord de l'étroite fenêtre du cachot et dardait un œil curieux, cherchant à percer la pénombre.
Le vieux seigneur gisait allongé sur une paillasse. Il était toujours habillé comme le jour de son arrestation. Sa culotte de soie noire avait connu des jours meilleurs, ses bas n'avaient de blanc que le nom et une boucle d'argent manquait à sa chaussure gauche. Sous le gilet sali, sa chemise de linon aux manchettes de dentelles avait triste allure, déchirée par endroits et maculée de traînées de sang. Ses cheveux blancs, épars sur ses épaules, accentuaient son regard fatigué. Un froid glacial régnait dans la pièce malgré le maigre feu de bois et se drapant dans sa couverture, il frissonna tout en pestant, une fois de plus mais sans violence, contre l'oiseau, seul à lui rendre visite avec le porte-clefs.
Quinze jours seulement qu'il moisissait dans cette tour andalouse et il devait y rester dix ans, loin du monde et de sa patrie, dans l'ignorance des événements de France, loin des siens, condamné par une cour espagnole qui avait suivi les conclusions du rapporteur du procès :
« Ni la naissance du comte de Ségure, ni ses grades militaires, ni son âge avancé, ni ses infirmités ne pourraient lui éviter le châtiment suprême, si cette cause devait se suivre par les procédures ordinaires. Mais, en raison des événements actuels de France, on peut la suspendre et transférer le comte, pour dix ans, dans l'une des forteresses du royaume, sans communication. »
À la suite de quoi le vieux gentilhomme avait été enfermé à l'Alhambra, à Grenade, dans la haute tour de l'Oménage, réservée aux prisonniers de qualité. Une pièce sombre, aux murs suintants d'humidité, une pauvre paillasse sur un châlit de bois, une table bancale de bois brut et un tabouret des plus rustiques formaient tout le mobilier. Au bout de trois jours, on lui avait fourni du papier et de l'encre ainsi que quelques livres tirés de la bibliothèque du gouverneur, des auteurs latins et un Don Quichotte aux pages cornées qui avait dû faire l'ordinaire de bien d'autres gentilshommes prisonniers. Mais vaincu, une fois de plus, par une violente crise de rhumatismes et par la petite toux sèche qui lui arrachait la gorge en permanence, miné par la tuberculose qui lui faisait cracher du sang, il passait ses journées à regarder le ciel par l'étroite meurtrière qui lui dispensait un faible jour.
Comment en était-il arrivé là ?
Auteur : Anne Queruel
Préface : Christian Crabot
Date de saisie : 15/03/2007
Genre : Romans et nouvelles - français
Éditeur : Loubatières, Portet-sur-Garonne, France