Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

En 1943, dans la France de Pétain, une femme est guillotinée. Marie-Louise G. est convaincue d'avoir pratiqué près de 30 avortements à Cherbourg. Les archives judiciaires révèlent pourquoi, parmi des milliers d'avorteuses, c'est elle que le régime de Vichy a choisi de condamner à mort.


Le 30 juillet 1943, au petit matin, un fourgon mortuaire attelé de deux chevaux pénètre dans l'enceinte du cimetière parisien d'Ivry. Devant le carré des suppliciés, le corps décapité d'une femme est mis en bière, puis inhumé ; personne n'a réclamé le cadavre, pas même la famille de la défunte. Une heure plus tôt, Marie-Louise G.(1), condamnée à mort pour avortement, était guillotinée dans la cour de la prison de la Petite-Roquette. Avant de mourir, elle a demandé une messe, puis communié. Cette exécution a été voulue par le régime de Vichy sous lequel la répression des pratiques anticonceptionnelles s'est considérablement aggravée : la natalité est devenue une « priorité nationale » , l'avortement, un « crime contre la race » . Notons toutefois qu'avant même la guerre, sous le gouvernement Daladier, le décret-loi du 29 juillet 1939, dit « Code de la famille », faisait entrer dans la définition de l'avortement toute tentative abortive sur une femme supposée enceinte. L'État français instauré par Pétain renforce cette législation par la promulgation d'un premier texte, le 14 septembre 1941, excluant la reconnaissance de circonstances atténuantes et tout sursis dans l'application de la peine pour les coupables d'avortement. Le 15 février 1942, la « loi 300 » (trois centième loi de l'État français) porte l'entreprise à son faîte : les individus contre lesquels il existe des « présomptions graves, précises et concordantes » qu'ils se soient livrés à des manœuvres abortives « de manière habituelle...

Vie et mort d'une avorteuse

Par Cyril Olivier
publié dans L'Histoire n° 280 - 10/2003  Acheter L'Histoire n° 280  +



Lire également sur le blog

Les couples illégitimes dans la France de Vichy ...



http://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2008/10/valentine-goby.jpgRoman 2008 - Après La note sensible (2002), Sept jours (2003), L’antilope blanche (2005) et L’échappée (2007), Qui touche à mon corps je le tue est le cinquième roman de Valentine Goby.

« Les enfants courent, en bas, dans la rue, ils sortent de l’école avec des bruits d’oiseaux, de billes sous les fenêtres de Lucie L. endormie. Ils traversent le sommeil, léger à cette heure, de Marie G. couchée sur sa paillasse, émoussés par la distance, font éclater à l’intérieur comme des bulles d’or, couler des perles de verre, goutter l’eau d’un ruisseau. Les voix des femmes s’y mêlent, uniquement des femmes. Henri D. a laissé son journal sur la table du séjour, et regarde, debout contre la vitre, les enfants s’éparpiller sur le trottoir. » Henri est exécuteur. Sa terreur, c’est de ne rien voir au fond des yeux d’un condamné, ni la victime, ni le crime. À la prison de la Petite-Roquette, Marie, faiseuse d’anges, a été condamnée à mort et attend son sort, entravée, dans sa cellule. Elle sera l’une des dernières femmes guillotinées. Dans son appartement du quinzième arrondissement de Paris, Lucie, une jeune femme avortée, attend une sonde plantée dans l’utérus que son fœtus glisse hors d’elle. De l’aube du 29 juillet 1943 à l’aube du l30 juillet 1943, dans la touffeur de l’été, ces trois personnages affrontent leurs destins. Roman de violence et de retenue, Qui touche à mon corps je le tue fait allègrement table rase des modes littéraires et interroge l’Histoire. Invitant à méditer sur le fragile équilibre de forces qui régit un être vivant, Valentine Goby a su tirer parti, comme jamais, de cet art subtil qui impose en douceur la sobriété du dit.

Qui touche à mon corps je le tue
Roman (broché).
Paru en 08/2008



http://arphotos.dna.fr/2008/N227/20080927_DNA049955.jpg« Je hais qu’un homme vive avant de mourir » (p.100). C’est la réflexion que se fait, Henri D. le bourreau. Mais on n’aura jamais autant ressenti la vie que dans les trois personnages du roman de Valentine Goby, « Qui touche à mon corps je le tue », Henri D. Marie G. et Lucie L. La mort fait partie de leur existence, et cette donnée leur confère une intensité bouleversante. Un roman qui bouscule, et qui réinvente la beauté de l’horreur.

C’est un livre qu’on a envie de dévorer. Mais il donne la nausée. « Qui touche à mon corps je le tue » (sélectionné pour le prix Goncourt 2008) est un ouvrage insupportable à lire. L’écriture et les récits de Valentine Goby pénètrent le lecteur comme un viol. Le courage nous manque pour continuer, et pourtant impossible de lâcher l’ouvrage. Besoin de savoir, non pas ce qui va arriver, mais comment les personnages vivront leur destin. Comment ils vont pouvoir nous toucher, nous fouiller.

On sort complètement essoré de ce roman à trois entrées et à quatre voix, celle de la narratrice et celles des trois personnages qui parfois, inopinément, reprennent leur droit et disent « je ».

L’écriture de Valentine Goby est violente mais jamais agressive. Elle lie merveilleusement ses trois personnages avec des fils de laine et des cordons ombilicaux. Le tissu de la chair et des vêtements, ainsi que l’image de la mère, sont les deux points de rencontre de Lucie L., Marie G. et Henri D. ...

toutelaculture.com/...

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :