Document archives du 01/07/2006 - Son nom reste
attaché à la fermeture des maisons closes décrétée en 1946, ce qui lui a valu bien des déboires. Cette ancienne prostituée a mené le combat contre ce qu'elle considère comme l'asservissement des
femmes.
Née Marthe Betenfeld le 15 avril 1889 à Blâmont, Meurthe-et-Moselle, elle quitte avec perte et fracas le domicile familial pour s'en aller vivre la grande vie... c'est-à-dire tapiner sur le trottoir nancéen, puis échouer au bordel. Arrêtée en août, fichée par la police des mœurs et examinée par un médecin, elle se découvre syphilitique. Ce qui ne l'empêche pas de repiquer au tapin, à Paris cette fois, dès 1907. C'est dans l'exercice de ses fonctions qu'elle rencontre Henri Richer, son aîné de dix ans qui, fou d'elle, l'installe dans ses meubles rue de l'Odéon. Mandataire aux Halles, Henri ne manque pas d'argent. Tout irait donc pour le mieux si la police, insensible à l'ascension sociale de l'ex-prostituée, ne refusait pas, en 1908, de la rayer du fichier.
Femme d'avant-garde, Marthe conduit l'automobile d'Henri et bientôt se passionne pour l'aviation naissante. Le 23 juin 1913, elle passe son brevet de pilotage. Elle est la sixième Française à décrocher ce diplôme. Deux mois plus tard, victime d'un crash, elle subit deux opérations et perd tout espoir de devenir mère. Pour autant, elle n'abandonne pas le manche à balai.
Veuve d'Henri tué au front en mai 1916, Marthe Richer émigre alors en Espagne où, recrutée par la Section de centralisation (SCR) du commandant Ladoux et « actionnée » sur place par le colonel Denvignes, elle devient la maîtresse de l'attaché naval allemand à Madrid, le lieutenant de vaisseau Hans von Krohn, lequel a installé la centrale de son service secret sous l'aspect innocent d'une agence de presse, l'Officina de Información, au 17, rue du Prado.
La guerre finie, cette « prostituée patriotique » toujours férue d'aviation rencontre un riche Anglais, Thomas Crampton, qu'elle épouse en avril 1926 à Paris. Crampton décède deux ans plus tard d'une crise d'urémie. Marthe vit de ses rentes et reçoit, le 17 janvier 1933, une Légion d'honneur longtemps sollicitée pour « services signalés rendus aux intérêts français ». Son brevet de pilotage expiré, elle le repasse avec succès en 1935, peu après avoir publié un premier livre, Ma vie d'espionne au service de la France - deux autres suivront sans bouleverser la littérature. Le ministère de l'Air lui prête un Potez 43 aux commandes duquel elle sillonne la France, alternant conférences rémunérées et vols de démonstration. Incarnée par Edwige Feullière en 1937 dans Marthe Richard, espionne au service de la France, un film de Raymond Bernard, c'est désormais une célébrité. Écartée pendant la guerre par Vichy, où elle tentait de faire son trou, Marthe l'Habile se retrouve FFI à l'été 1944 puis conseillère municipale de Paris.
Sa campagne anti-maisons closes lui vaut des attaques aussi virulentes qu'intéressées, mais pas toujours inexactes, qu'elle attribue au lobby des tauliers, associé à la police - qui d'autre serait au courant de son fichage d'antan à la Mondaine ? Inculpée d'escroquerie aux dépens de l'ancienne maîtresse d'un officier allemand, son passé tumultueux - héroïnomane, arriviste, mythomane, collabo, résistante ? - remonte à la surface par le truchement d'un de ses anciens amants. Mais Marthe trouve dans le PCF un allié de poids. Relaxée puis condamnée à 15 000 F d'amende et aussitôt amnistiée pour l'affaire d'escroquerie, la voilà poursuivie pour recel en 1954 et incarcérée à la Petite Roquette. L'année suivante, elle bénéficie d'un non-lieu. On n'entendra plus parler d'elle jusqu'en février 1971, où, invitée à l'émission télévisée Les Dossiers de l'écran, un feu roulant de questions sur ses exploits passés la met passablement à mal. Pour se défendre, la vieille dame publie début 1974 un troisième livre encore plus autojustificatif que les précédents, Mon destin de femme. Après avoir retrouvé le devant de l'actualité en 1978-1979, lors d'une controverse sur la réouverture des maisons closes où elle ne brille pas par sa clarté, Marthe Richard meurt le 9 février 1982 à Paris.
http://www.historia.fr/content/recherche/article?id=16269
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