Paru le :
01/01/1997 - Les miniatures qui ornent les manuscrits somptueux destinés aux princes introduisent au cœur de la mode
vestimentaire des cours à la fin du Moyen-Age.
Pour l'élite, la parure est essentielle. Elle fait la preuve d'une connaissance parfaite des codes esthétiques et sociaux. L'explosion vestimentaire qui coïncide autour de 1400 avec l' "âge d'or
de l'enluminure" exprime une nouvelle vision du corps vêtu, un autre rapport de l'homme à son vêtement, qui n'est plus pensé comme la simple couverture d'une " chair immonde " mais comme un moyen
de se présenter à soi et à autrui.
Broché
Paru le : 01/01/1997
Éditeur : Gallimard (Editions)
Collection : le temps des images
Parades et parures
Une lecture récente que j'ai trouvée suffisamment passionnante pour prendre des notes et vous proposer ici un petit résumé.
Odile Blanc, Parades et parures, L’invention du corps de mode à la fin du Moyen Age, Gallimard,
Odile Blanc nous propose une étude sur la représentation de l’évolution des modes au XIVe siècle et début du XVe. Il ne s’agit pas tant des évolutions de la mode, mais bien de la façon dont on représente les personnages vêtus « à la mode ». Elle travaille principalement sur les miniatures des manuscrits princiers : Jean de Berry, Philippe le Hardi, Louis d’Anjou, Charles VI, par exemple.
Surfaces et mosaïques. Odile Blanc part du constat de l’apparition de phénomènes de mode au XIVe siècle : on passe d’un surcot long et large à la jacque ou au pourpoint, très serré qui moule le corps. Puis on voit l’apparition de la houppelande. Elle étudie attentivement l’évolution qui se déroule sur un siècle.
« Les vêtements ici présentés modifient la perception des silhouettes au moyen de variations sensibles autour de la composition du corps vêtu. Ce sont bien en effet les modes d’assemblage, l’ornementation, les « accessoires », le choix des couleurs, ou encore les longueurs, qui diversifient les silhouettes et par conséquent la compréhension que l’on peut avoir du paysage vestimentaire de cette période. Mais les configurations mêmes des vêtements, leurs formes générales, demeurent peu variées, une fois que l’on a mis en évidence l’existence d’ « espèces » au demeurant for limitées : surcots traditionnels longs et amples, sans ouverture visible et rappelant les anciens vêtements qui s’enfilaient par la tête et avaient grossièrement la forme d’un « T » ; cottardies plus ajustées au corps du porteur ; jacques, pourpoints et autres vêtements s’enfilant à la manière d’une veste et portant le corps en avant ; houppelandes, enfin, qui annoncent d’une certaine manière les robes de l’époque moderne. »
Multiplicité vestimentaire, diversité sociale. Le costume dans les miniatures joue le rôle d’indicateur social. Les miniatures nous montrent ce que pense l’aristocratie des autres classes. Pour plus de nuances, l’artiste a recours à des « bricolages », c’est le mot de l’auteur, pour mélanger différents aspects sur une même personne.
Les principales catégories étudiées :
La majesté du prince, renforcée et affirmée par un costume particulier.
Le monde mécanique (les artisans et paysans) : beaucoup moins sensibles aux modes, ou en retard. L’outrance dans la représentation des vilains ou des bourreaux contient une condamnation implicite qui se répercute dans le désordre du vêtement.
Représentation de l’ailleurs, du païen, du juif : des costumes exotiques, bariolés, rayés, des chapeaux étranges… Des marqueurs vestimentaires qui cherchent à montrer cette étrangeté.
L’au-delà, le surnaturel : pour les anges et les saints, des vêtements flottants, diaphanes, comme des nuées, animés d’une vie propre. Monochromie.
Le costume est un marqueur social qui sépare clercs et laïcs, aristocratie et paysannerie, chrétiens et non-chrétiens, hommes du commun et personnages extraordinaires.
L’invention du corps de mode. On considère souvent que la fin du Moyen Age a libéré le corps annonçant ainsi la Renaissance et s’opposant aux vêtements des périodes antérieures qui « noyaient » le corps. Ces nouveaux vêtements seraient une preuve de la nouvelle conscience de l’anatomie qui se développe.
L’auteur n’est pas d’accord avec cette interprétation traditionnelle, certes le corps apparaît dans des vêtements moulants mais ce ne sont pas des vêtements souples, ce sont des vêtements carcans qui emprisonnent le mouvement. S’il y a redéfinition du corps, il n’y a pas pour autant de libération des mouvements. Peut-être même y a-t-il plus forte contrainte que le corps apparaît plus clairement.
L’articulation des différentes pièces de vêtements évolue en même temps que la perception du corps change. Influence réciproque.
La mode est aussi un travail sur l’excès : les traînes, les coiffures, les manches immenses. On cherche un certain équilibre dans la silhouette autour de la position de la taille. On essaie toujours de contrebalancer : ampleur d’un coté et minceur de l’autre.
Mouvement : l’animation d’une silhouette. Le mouvement des tissus transmet aussi un message.
La souplesse des plis est souvent associée à la majesté, à l’autorité. L’« Envol » pour les vêtements des créatures surnaturelles (point déjà évoqué plus haut).
Là aussi les artistes recherchent d’un équilibre entre les différents mouvements présents dans une image.
La matière et ses états.Valorisation de la souplesse du vêtement, réservé aux autorités et aux personnages extraordinaires.
Le poids : vêtements de poids = vêtements précieux, pour les cérémonies. Vêtements de prix.
La transparence n’est pas autant chargée de sens au Moyen Age qu’elle le sera à la Renaissance. C’est plutôt une façon de figurer la nudité ou de marquer le privilège des voiles très fins de la noblesse.
Le blanc = le nu. Marque souvent morbide par opposition aux couleurs.
Volume : l’expérience des limites.
Les volumes très larges, « vêtements ensevelissement » sont réservés à la majesté ou à la sagesse (renoncement au monde). Autorité et sagesse s’inscrivent hors du monde.
Au contraire le corps de mode manipule le large et l’étroit : triangle avec base large chez les femmes, triangle inversé chez les hommes. Le volume n’apparaît que sur une partie du vêtement.
Bords, fentes et superpositions.
Les bords et les fentes sont les endroits où potentiellement le corps peu apparaître, une ouverture vers l’intime. Les bordures brodées ou en fourrure sont des lieux de transgression potentielle, des lieux de jaillissement de l’intime. Ces bordures servent aussi à circonscrire le corps à le délimiter pour en limiter les aspects sauvages. Les bordures sont beaucoup plus présentes sur les tenues masculines que sur les tenues féminines.
La richesse du vêtement se voit à la superposition des étoffes. Mais il ne faut pas que les vêtements de dessous dépassent les vêtements de dessus si on veut rester décent et honorable.
Masculin, féminin.
La distinction entre masculin et féminin est très importante. Le vêtement féminin est souvent beaucoup moins recherché et beaucoup moins typé que celui des hommes.
En revanche les marqueurs qui permettent de montrer la transgression des rôles : hommes efféminés par exemple, ne se trouvent pas dans les vêtements mais dans l’attitude ou dans l’occupation du personnage.
Par lorelyn7 - Publié dans : Sur les rayons de ma bibliothèque
Jeudi 4 novembre 2010