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PARIS - PIERRE PUCHEU

Guerre 1939-1945. Pierre Pucheu, ministre de l'Intérieur, présidant une réunion des préfets de la zone occupée. Paris, rue Monceau, février 1942. LAP-6306

© LAPI / Roger-Viollet - Lire les conditions générales d'utilisation des photos


Pucheu, Pierre (membre du PPF de Doriot qu'il quitte avant guerre, ministre de l'intérieur de Pétain, est associé à l'élaboration de la liste des 50 fusillés de Chateaubriand) : écarté par le retour de Laval en avril 1942, il passe en Espagne en novembre d'où il essaie de contacter le général Giraud. Arrivé à Casablanca, il est arrêté le 11 août 1943 et traduit devant un tribunal militaire, condamné à mort le 11 mars 1944 et fusillé près d'Alger le 20 mars... http://pagesperso-orange.fr/d-d.natanson/devenus.htm#p


Issu d'un ménage modeste, Pierre Pucheu vient au monde le 27 juin 1899 à Beaumont-sur-Oise. Son père, originaire d'une famille rurale des Pyrénées, est tailleur, sa mère aide-comptable. Le couple a deux enfants, deux fils dont Pierre est l'aîné Le jeune garçon est un enfant sensible, conscient de la situation pécuniaire extrêmement difficile de ses parents. Il sait que les siens se sacrifient pour que leurs enfants "réussissent dans la vie". Interne au lycée de Beauvais, Pucheu se sent seul et incompris. Il a énormément de mal à assumer son image de garçon modeste, alors que la majorité de ses camarades sont des enfants de familles argentées. Ecorché vif, il se taille vite une réputation de bagarreur a qui il ne faut que très peu de temps pour frapper. Sportif, il pratique le football avec assiduité et ne boude pas son plaisir en faisant de longues randonnées en bicyclette. Malgré tout cela Pierre Pucheu se révèle être un élève assidu et brillant.


En 1914, la Grande Guerre éclate. Comme des centaines de milliers de Français, le père de Pierre part pour le front afin d'en finir une fois pour toutes avec les "boches". Madame Pucheu et ses deux fils doivent désormais se débrouiller sans le salaire du chef de famille. Pour survivre, ils partent pour Paris où ils sont hébergés par une tante maternelle. Tout ce petit monde s'entasse dans un modeste deux pièces, faisant contre mauvaise fortune bon coeur. Les deux frères dorment à même le sol dans la cuisine. Les résultats scolaires de Pierre lui permettent d'obtenir une bourse pour poursuivre ses études au lycée Carnot. Comme au lycée de Beauvais, l'adolescent reste taciturne et ne se lie avec aucun autre élève.

1916 marque une année vitale pour le jeune Pierre qui doit passer son baccalauréat. Il l'obtient avec une mention bien assortie du prix d'excellence ! Littéraire, Pierre Pucheu se destine à faire l'Ecole Normale Sup'. Titulaire d'une bourse d'études, il part pour l'internat du célèbre lycée Louis le Grand. Cependant 1916 est aussi l'année du décès de son père, malade depuis de longs mois. Pucheu hésite un temps à mettre un terme à ses études. Il voudrait aider sa mère qui travaille comme un forçat pour subvenir aux besoins de sa famille. Il se résigne finalement. Cette situation le renforce encore un peu plus dans son inflexible détermination de réussir, de devenir un personnage important, de prendre sa revanche sur la vie... de faire partie intégrante de l'élite française.

En octobre 1919, Pucheu est reçu à l'Ecole Normale Supérieure. Il est second de sa promotion à quelques points du lauréat. A sa sortie de l'école, a contrario de ses camarades de promotion, il délaisse l'enseignement et s'oriente vers l'industrie. Il entre dans chez Pont-à-Mousson. A son poste, Pierre Pucheu brasse d'importantes affaires. Il voyage beaucoup, dans toute l'Europe, découvre l'Allemagne, la Suède, la toute nouvelle U.R.S.S, etc. En 1925, il rejoint le Comptoir de l'Industrie Sidérurgique, où il lie connaissance avec les gros industriels de la Ruhr mais aussi avec les maîtres des forges de Lorraine. La réussite professionnelle de notre homme est indéniable. Le fils de tailleur est devenu un grand monsieur de l'industrie française. Pourtant, bien que ne se lassant pas de son travail, il lorgne de plus en plus vers la politique. Pucheu est en effet bien placé pour "sentir" cette nouvelle donne européenne qui est en train de voir le jour. Il est impressionné par l'Italie du Duce, effrayé par la Russie stalinienne et le IIIe Reich d'Adolf Hitler. Quel est le point commun de ces nations ? Il s'agit de pays où l'Etat est au coeur du système. Pucheu en est convaincu ! si la France ne veut pas être en position d'infériorité, elle devra elle aussi choisir d'établir un nouvel Ordre. Avant tout la France doit disposer d'un "Etat fort". Cette idée, c'est aussi celle des ligues d'extrême-droite.

Pucheu, hostile au communisme, mais aussi au capitalisme pur et dur, peu convaincu par le système démocratique, milite naturellement dans ces organisations. Il rejoint le colonel de la Rocque. Au delà d'une vision nationaliste de la politique, la communion d'idées entre Pucheu et de la Rocque n'est que superficielle. Car ce que veut Pierre Pucheu, c'est une troisième voie entre le marxisme et le capitalisme. Ce qu'il souhaite, c'est une société dans laquelle l'Etat se charge avant tout du bien être de ses citoyens et les encadre. Il prône le corporatisme, la mobilité sociale, il souhaite que le petit patronat soit aidé. En rupture avec de la Rocque, Pucheu séduit par les discours de Jacques Doriot, rejoint le P.P.F. (Parti Populiste Français). Il y joue un rôle considérable. S'appuyant sur ses relations dans le monde des affaires, il est chargé de trouver des fonds pour le P.P.F. Ses efforts le conduisent à découvrir que Doriot reçoit d'importantes sommes d'Italie. Mussolini finance Doriot. C'est bien plus que Pucheu ne pourrait en admettre, il claque la porte du parti.

1939 entraîne la France dans la guerre. 1940 la livre aux Allemands... Pétain s'installe à Vichy.

En communion avec les idées de Vichy, Pierre Pucheu accepte le poste qui lui est proposé par Darlan en février 1941. Pucheu devient secrétaire d'état à la production industrielle afin de développer avec d'autres jeunes technocrates une économie organisée et nationalisée. Il voit en Vichy l'occasion de refondre cette France qu'il juge malade et menacée de disparition. Avec d'autres, il adresse un mémorandum à Abetz où il explique que la défaite de la France sera sa renaissance au sein de la nouvelle Europe. Car pour notre homme, il est une certitude : l'Allemagne gagnera la guerre et l'Europe sera sous sa domination. Ce que veut Pierre Pucheu, c'est une collaboration absolue avec le IIIe Reich. Comme pour ses études, il vise le prix d'excellence pour la France collaborationniste. Pour convaincre ses interlocuteurs d'outre Rhin, Pucheu facilite au possible la production industrielle et militaire au profit de Berlin. En homme d'affaires expérimenté il met tout en oeuvre pour satisfaire les Allemands. Ces derniers sont abasourdis par les résultats obtenus par Pierre Pucheu. Ils ne pensaient point en obtenir tant !

Quelques mois plus tard, en juillet 1941, Pucheu prend en charge le portefeuille du ministère de l'Intérieur. Il y remplace François Darlan qui cumulait cette charge avec d'autres. Lors de son procès d'Alger en 1944, l'accusé Pucheu affirmera avoir accepter ce poste la mort dans l'âme. De nombreux témoignages démontrent l'inverse, décrivant un Pucheu rongé par l'ambition et impatient de prendre ses nouvelles fonctions. Dès son arrivée, le jeune ministre de l'intérieur renouvelle les cadres de la police et ses proches collaborateurs. Il affirme avoir le souhait de faire le ménage et de restaurer l'ordre. Pucheu est enfin dans la position idéale pour régler leur compte à ces "bolchos", fauteurs de troubles et traîtresà la patrie. Dès le mois d'août 1941, il s'engage dans une collaboration active avec les troupes d'occupation. Les services de police de Pucheu font la chasse aux communistes français, aux anarchistes mais aussi aux juifs étrangers. Pucheu va encore plus loin et prend l'initiative vis à vis des Allemands. Le 14 août 1941, il promulgue une loi, signée entre autres par le maréchal Pétain et Darlan, lui permettant de créer des sections spéciales. Que se cachent donc sous cette appellation ? ce sont en fait des sortes de tribunaux spécialisés dans la lutte contre les communistes. Les verdicts de ces tribunaux sont rendus en deux jours et ils ne peuvent faire l'objet d'appels ou de pourvois. Cas spécifiques pour les militaires ou les fonctionnaires s'étant rendus coupables d'actes de résistance, il n'y a pas de jugement mais une sanction unique et automatique : la mort.

A son poste, le ministre Pucheu est très vite confronté aux exigences de l'occupant après l'exécution de militaires allemands par la Résistance. Confronté... en réalité, une fois de plus, il prend les devants pour satisfaire l'occupant. Les Allemands sont eux-mêmes surpris par une telle collaboration qui va à l'encontre de certains principes du droit français. Pucheu collabore et participe directement à la répression contre les mouvements de Résistance. C'est lui qui désigne notamment les otages français du camp de Chateaubriand fusillés par les Allemands en octobre 1941. Il venait de mettre le doigt dans un terrible engrenage. A vichy, d'aucuns lui reprocheront d'avoir choisi les noms à la place des Allemands. Il dira à ce sujet, que souhaitant éviter la mort de "bons Français", il avait préféré désigner des militants communistes...

Dans cette lutte contre son ennemi juré, le bolchevisme, Pucheu décide de renforcer la police anticommuniste baptisée SPAC pour Service de Police AntiCommuniste. La SPAC fut réée par décret daté du 26 décembre 1939 par Edouard Daladier. Pucheu étend ses prérogatives. Il imagine des "Brigades Spéciales" de police ayant tout latitude pour agir contre les "rouges". En novembre 1941, il est aussi à l'origine de l'arrêté instituant la Francisque comme étant l'insigne politique officiel porté par les partisans de Vichy.

Mais voilà, Pierre Pucheu commence à être trop ambitieux. En contact régulier avec les Allemands, il semble être persuadé qu'il pourra écarter Darlan et succéder au vieux maréchal. Avec le temps, il se fait des adversaires au sein même du gouvernement de Vichy. Darlan s'en méfie... à juste titre. Pétain aimerait s'en débarrasser; et puis Pucheu représente une gène pour Pierre Laval. Pucheu veut en finir avec les juifs, les communistes, les agitateurs de tous poils et la "maçonnerie". Il prône un parti unique puisant sa légitimité dans les classes populaires. Ce que veut Pierre Pucheu en France ? le national-socialisme ! haï par les résistants de toutes les tendances, Pierre Pucheu est en train de tomber en disgrâce à Vichy. Il le sent et cherche à se rapprocher de certains leaders de la Résistance, dont Frenay du mouvement "Combat". Les deux hommes se rencontrent en février 1942. Pucheu soutient qu'il joue un double jeu, protégeant les Français tout en attendant le moment d'agir. Henri Frenay veut des preuves. Pierre Pucheu fait libérer quelques membres de "Combat" prisonniers de ses geôles.

En avril 1942, alors que les actes de résistance s'intensifient, Pierre Laval est de retour aux affaires. Il y est imposé par les Allemands. Laval écarte Pucheu du pouvoir, en lui proposant un ministère de second ordre. Pierre Pucheu quitte le gouvernement et reste alors en position d'attente jusqu'en novembre 1942, mois durant lequel les forces alliées débarquent en Afrique du Nord. Persuadé que la défaite allemande n'est plus qu'une question de temps, notre normalien décide de tourner casaque et de rejoindre la "dissidence". Pucheu passe en Espagne où il séjourne à Barcelone. Il prend alors contact avec le général Giraud qui est à Alger et avec qui il avait eu un entretien à Lyon. Ce dernier lui répond par lettre datée du 15 février 1943 et l'assure de sa "bienveillance". Il l'invite à le rejoindre afin de s'engager et de servir dans l'armée sous un nom d'emprunt au grade de capitaine.

Pierre Pucheu s'embarque au Portugal le 01 mai 1943 à bord du S/S Sidi-Brahim. Il est accompagné de quelques policiers qui lui étant restés fidèles assurent sa sécurité. Sur le navire, Pucheu ne respecte pas la consigne de Giraud. Loin de rester incognito, il clame son identité à qui veut l'entendre, affirmant qu'il est en route pour Alger afin de prendre une part importante dans la libération de la France... Débarqué au Maroc le 06 mai 1943, il file à Rabat. Il y est interpellé quelques jours plus tard et mis en accusation le 14 août 1943. Pucheu est transféré à la prison militaire de Meknes. A ses courriers, Giraud ne répond plus. Alors Pierre Pucheu tente le tout pour le tout et écrit au général de Gaulle. Le chef de la France Libre reste sourd aux demandes de notre homme. Pucheu comprend que son destin est en route. Il se raisonne, prépare sa défense en compagnie de son avocat.

Le 04 mars 1944, le procès Pucheu commence. La presse et les communistes se déchaînent contre le collaborateur. Jugé par le tribunal militaire des armées, Pucheu doit affronter les témoignages de plusieurs adversaires dont le communiste Fernand Grenier échappé du camp de Chateaubriand. Giraud lui-même est cité comme témoin. Chacun dans la salle s'attend à une confrontation exceptionnelle entre les deux hommes. Il n'en est rien. Giraud ne barguigne pas et se montre presque indifférent quant au sort de l'ex-ministre de Vichy. Le 11 mars 1944, les juges se retirent pour délibérer.

A l'annonce du verdict, la condamnation à mort, Pucheu déclare à ses juges : "Celui-là qui porte aujourd'hui l'espérance suprême de la France, si ma vie peut lui servir dans la mission qu'il accomplit, qu'il prenne ma vie, je la lui donne". La grâce de Pierre Pucheu est rejeté par le général de Gaulle qui invoque la raison d'Etat. Le général souligne ainsi son inflexible volonté d'abattre Vichy et les collaborateurs qui servent le IIIe Reich depuis 1940. Il utilise aussi l'affaire Pucheu pour déconsidérer le général Giraud qui avait autorisé le condamné à venir en Afrique du Nord.

Le 20 mars 1944, Pierre Pucheu est réveillé par l'aumônier de la prison et ses avocats. Il 04h30. Il sort de sa cellule et se dirige vers le lieu de son exécution. Sur place l'attend un peloton de soldats. Pucheu insiste pour serrer la main des hommes qui vont le fusiller. Il obtient une dernière faveur... commander lui même le tir du peloton d'exécution. Au moment où retentissent les coups de départ des fusils, il hurle "Vive la France", puis s'écroule dans la cour de la prison d'Hussein Dey près d'Alger. Pierre Pucheu est mort.

http://www.1939-45.org/bios/pucheu.htm



 

 

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