Juin 1940, en France, est-ce le meilleur moment pour avoir 20 ans ? Jean Deleau est alors un jeune homme sans histoire. Quatre ans plus tard, devenu le chef redouté de la
« Gestapo française » de Neuville-sur-Loire, il échappe à la justice de la Libération et parvient à se cacher pendant vingt ans chez sa mère. Enfin arrêté en 1965, il passera encore vingt ans en
prison avant d’être libéré, à 65 ans …
Ce roman est inspiré de la vie très réelle d’un collaborateur, jugé 23 ans après la fin de la guerre.
Choisit-on de devenir un traître ? Ou tentons-nous d’organiser des événements dont les mystères nous échappent ?
Journaliste et écrivain, chroniqueur à Marianne, ancien directeur de la BNF, Dominique Jamet a publié chez Flammarion deux récits autobiographiques, Un petit Parisien (2000) et Notre après guerre (2003). Un petit Parisien a obtenu le prix France-Télévision.
« Un traître » montre comment de jeunes Français ont pu, pendant la guerre, se faire les complices des
nazis
Le traître, c'est Jean Deleau, un jeune homme quelconque, comme il y en a par milliers, dont le nom même (« de l'eau ») indique la nature transparente, incolore. En 1940, dans une ville de province, un peu par désœuvrement, un peu pour faire plaisir à sa mère, un peu parce qu'il a étudié l'allemand, il s'engage comme interprète auprès de la Kommandantur locale. De fil en aiguille, son rôle prend de l'importance. Il s'enfonce dans la collaboration active, assiste aux séances de torture organisées par la Gestapo, dirige lui-même des expéditions contre les résistants, torture, fusille, extermine. Et tout cela parce que la «correction» des officiers allemands l'épate, parce que se promener avec un revolver dans la poche donne un sens à sa vie mesquine, plate, sans histoires. « Des milliers, peut-être des dizaines de milliers de personnes tremblent devant lui ou à sa seule évocation. Il vit en permanence dans un mélange de peur et d'exaltation qui l'excite. Il s'enivre de sa toute-puissance. »
Dominique Jamet, comme on le sait par un de ses précédents livres, « Un petit Parisien », avait un motif personnel, familial de s'intéresser à une époque qui avait lézardé l'honneur de son père. On devine les autres raisons qui l'ont poussé dans cette nouvelle entreprise: le désir de retracer, comme Irène Némirovsky dans « Suite française », un tableau de la province et des petites lâchetés qui ont dégénéré en grandes trahisons; surtout l'envie de faire une sorte de pendant aux « Bienveillantes » de Jonathan Littell, du moins de répondre à la même interrogation: comment de petit jeune homme insignifiant devient-on nazi?
Certes, les différences sont énormes entre les deux romans. Jean Deleau, ordure ordinaire, n'est qu'une pâle contre-figure du féroce Max Aue; il ne prend part ni de près ni de loin à l'Holocauste ; il ne reste qu'un minable bourreau de province. Le train-train narratif de Jamet est aux antipodes de la tornade convulsive de Littell. Mais, dans les deux cas, il s'agit d'expliquer pourquoi un individu qui n'était pas un monstre au départ a pu se rendre complice actif de crimes monstrueux.
L'atmosphère de la Touraine sous l'Occupation est rendue en petites touches savoureuses et justes. Le livre est documenté avec soin, au point qu'on ne sait plus quelquefois si on lit une fiction ou si on consulte des archives. Tant mieux, car ce n'est pas l'écriture, honnête et terne, qui fait le prix d'« Un traître », mais la qualité de l'information et le souci que montre l'auteur d'éviter aussi bien la charge satirique des Français sous l'Occupation que la réhabilitation des collaborateurs. Certaines scènes, très fortes, inscriront le livre dans nos mémoires.
D.F.
« Un traître », par Dominique Jamet, Flammarion, 384 p., 20 euros.
Source: «Nouvel Observateur» du 25 septembre 2008
Biographie : Dominique Jamet (de son vrai prénom
Benjamin), né le 16 février 1936 à Poitiers, est un journaliste et écrivain français. Nationalité : France - Né(e) à : Poitiers , le 16/02/1936
Il est le fils de l'écrivain Claude Jamet, le frère d'Alain Jamet, et le père de Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil dans l'Eure, ancien directeur de cabinet de Laurent Fabius à l'Assemblée
nationale, actuellement directeur du Jardin d'Acclimatation de Paris. Sa mère décède d'un cancer le 10 septembre 1941 (il n'a que cinq ans), alors que la famille a quitté le Poitou pour
Paris.
Il a été étudiant aux lycées Montaigne et Louis-le-Grand à Paris, et Marcellin-Berthelot à Saint-Maur-des-Fossés, puis à la Faculté de lettres de Paris-Sorbonne, où il obtient une licence de
lettres classiques, et à l'Institut d'études politiques de Paris.
Dominique Jamet fut également le secrétaire de l'ancien député gaulliste de Paris et du Calvados ainsi que Secrétaire d'état à la Défense (1969-1972), André Fanton.
Il commence sa carrière de journaliste en tant que rédacteur à Combat (1958-1959), puis au Journal des Arts. Il devient ensuite secrétaire de rédaction à France Soir (1961-1963), chroniqueur et
éditorialiste au Figaro Littéraire (1962-1973). En 1973, il sera grand reporter à l'Aurore (1973-1979), avant de suivre Philippe Tesson[5] comme rédacteur en chef au Quotidien de Paris
(1979-1987). Il collabora à la revue L'Esprit libre (1994). Il a été enfin éditorialiste au quotidien France Soir puis son directeur de la rédaction de février à avril 2007.
Il sera également directeur du Journal des Présidentielles (1995)[7], éditorialiste à France-Inter (1981-1982) et à l'émission Droit de réponse de Michel Polac sur TF1 (1981/1987), animateur sur
RMC, chroniqueur sur Paris Première et à L'Événement du jeudi (1997).
Il a été président, à partir de 1988, de l'Association pour la Bibliothèque de France, puis de 1989 à 1994, de l’établissement public de la Bibliothèque de France, conseiller municipal de
Châtellerault[12] dans la Vienne (1983-1989), et président du « Club 92 » (1989)[13] du « Club Camille Desmoulins » (1994)[14] ainsi que membre du Conseil supérieur de la langue française
(1989-1994).
Actuellement après avoir été rédacteur au service culture de l'hebdomadaire Marianne de 1997 à 2009, il est chroniqueur au quotidien Le Bien public depuis 2007. Il est régulièrement invité comme
débatteur de l'émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddeï sur France 3 depuis 2007.
www.babelio.com/auteur/Dominique-Jamet/1393
Quelques liens utiles sur le blog :
Expier vichy : l'épuration en france (1943-1958)
article - 25/11/10 - (ou supposés tels), tandis que les «tondues», celles que les foules accusent de «collaboration horizontale», sont exhibées dans les rues. Il faudra que les organes de…
Sous l'oeil de l'occupant - la france vue par l'allemagne 1940-1944
article - 19/11/10 - de formation, est l'auteur de "Ville lumière, années noires: les lieux du Paris de la collaboration" (Denoël, 2008) et de "Paris dans la collaboration" (Seuil,…
Vichy et la chasse aux espions nazis - 1940-1942 …
article - 18/10/10 - torturés et, en 1941, les services ont effectué les premières tontes de femmes pour "collaboration horizontale". Simon Kitson démontre que cette activité anti-allemande ne fut pas…
La répression des femmes coupables d'avoir collaboré pendant l'occupation
article - 12/02/09 - à la Libération. Pourtant, au 1er janvier 1946, 6091 femmes sont détenues pour fait de collaboration dans les prisons françaises, soit 21% des personnes incarcérées pour ce motif,…
http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-27861392.html
Les alcôves de la collaboration
article - 22/06/09 - Les alcôves de la collaboration - Dans un livre dérangeant, 1940-1945, années érotiques, Patrick Buisson, directeur de la chaîne Histoire, revisite l'Occupation sous l'angle de…
http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-32946739.html
Les alcôves de la collaboration
article - 26/07/09 - Les alcôves de la collaboration - Dans un livre dérangeant, 1940-1945, années érotiques, Patrick Buisson, directeur de la chaîne Histoire, revisite l'Occupation sous l'angle de la…
http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-34239097.html
René bousquet, figure représentative de la collaboration française
article - 26/07/10 - René Bousquet, figure représentative de la collaboration française - René Bousquet (1909-1993) est la figure la plus représentative de la collaboration française avec…
Otto abetz et les français ou l'envers de la collaboration
article - 24/07/10 - Otto Abetz et les Français ou l'envers de la collaboration - Document 2001 - Première biographie de l'homme clef de l'Occupation, Otto Abetz, qui a pour objectif de rendre distinct…
Les compositeurs et la collaboration
article - 26/10/09 - Les compositeurs et la collaboration - En 1968 le lycée de Saint-Cloud prenait le nom de Lycée Florent Schmitt, honorant ainsi, à l'occasion du dixième anniversaire de sa mort, un…
La grande débâcle de la collaboration (1944-1948)
article - 01/12/10 - La grande débâcle de la collaboration (1944-1948) - Document 2007 - Des dernières exactions de la Milice, de la Gestapo française et des divers groupes collabos aux procès devant la Haute…