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Portrait du jour : Jean Failler, papa littéraire de Mary Lester et fondateur des éditons du Palémon

Dessin baroque avec le glaive, provient du site d’images gratuites « Pixabay",

image modifiée par 

 

NOUVEAU portrait du jour Jean Failler

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Jean Failler

Bienvenue Jean sur le très discret et prisé Culture et justice Ph.P.

Culture et justice reçoit Jean Failler, papa littéraire de Mary Lester et fondateur des éditons du Palémon dont il est maintenant le président après avoir laissé les commandes à Delphine Hamon. C’est l’abeille criminelle qui le passe au crible et elle va se faire plaisir.

 

Interview réalisée par notre amie Valerie Valeix

Bonjour Jean, tu es un ancien mareyeur, une tradition de famille ?

Pas vraiment, plutôt un concours de circonstances. Mon père était menuisier quand il s’est marié en 1936 et ma mère était très jeune. Ils ont alors pris un commerce de poissonnerie que mon père a bien développé. En 1962 je suis rentré d’un séjour éprouvant en Algérie (j’étais incorporé dans l’infanterie de marine) et j’étais un peu déglingué (comme la plupart des jeunes gens qui ont eu à subir cette épreuve). Pour me remettre sur de bons rails, mon père m’a fait travailler avec lui et je me suis retapé par le travail (la criée, le contact avec les marins pêcheurs, les clients…). Puis mon père est décédé et j’ai naturellement repris les rênes de l’entreprise jusqu’en 1974 où dans l’incendie des halles de Quimper, j’ai perdu mon outil de travail. J’ai dû prendre un emploi de salarié chez un gros mareyeur du Guilvinec jusqu’en 1990 où la crise de la pêche a provoqué une vague de licenciements dans le monde maritime. J’ai fait un bref séjour dans l’Education Nationale (Lycée d’apprentissage Maritime de Concarneau) comme formateur aux métiers de la mer. Puis la crise sévissant là aussi, cette formation a été supprimée et je me suis retrouvé au chômage à 50 ans. L’horizon étant totalement bouché dans ce qui était alors mon métier, j’ai décidé de changer d’orientation. 

Et puis un jour, tu dois passer à autre chose, c’est ainsi que tu deviens auteur, raconte nous ce parcours.

Comme j’avais toujours eu un goût très prononcé pour l’écriture (j’avais déjà alors écrit une quinzaine de pièces de théâtre qui sont toujours jouées), je me suis lancé dans l’écriture d’un roman brodé sur un fait historique, « L’ombre du Vétéran » qui fut édité par un imprimeur régional qui voulait diversifier son activité. Ce premier roman reçut le prix des Ecrivains Bretons, ce qui fut évidemment fort stimulant, si bien que j’écrivis dans la foulée un roman policier (Les bruines de Lanester) qui fut refusé par les éditeurs nationaux  auxquels je les avais adressés. Mon premier  éditeur, fort du succès de «Ll’ombre du Vétéran » me pressait d’écrire un second ouvrage de la même veine (avec une connotation historique). J’écrivis donc l’histoire (romancée) de La Fontenelle, un seigneur brigand qui ravagea la Bretagne au 15e siècle et je lui mis le marché en main : « Je te donne La Fontenelle si tu édites mon roman policier ». Il n’était pas très enthousiasmé par cette idée, mais en lui tordant un peu le bras, je parvins à le convaincre et ce fut le démarrage de cette série qui aura bientôt trente ans.

Ce sera Mary Lester, nom de ton héroïne policière, explique nous ce choix.

Concours de circonstances toujours : il y a à Lanester une salle polyvalente Jean Vilar (en souvenir de ce grand homme de théâtre) et il se trouvait qu’un directeur de troupe (Jean-Christophe Queff) avait été un disciple de Vilard. Jean-Christophe avait été contacté par la mairie de Lanester pour une animation théâtre ainsi conçue : prendre un roman policier, en tirer une pièce de théâtre, un synopsis de film et une bande dessinée. Le tout devant être  présenté à Lanester dans le cadre d’une animation culturelle. Le conseil municipal de Lanester n’arrivant pas à se mettre d’accord sur le titre à retenir, je fus appelé en consultation. Je proposai donc d’écrire un roman se déroulant à Lanester et pour une fois, la droite et la gauche tombèrent d’accord. J’écrivis donc « Les bruines de Lanester », roman et version théâtre et la pièce fut montée et jouée à la salle Jean Vilard.

Seulement, victime des idées reçues, le jeune flic héros de l’histoire était un homme appelé Robert Le Ster. (À l’époque on ne parlait pas encore des femmes flics qui, depuis, fleurissent à la télévision.) Jean-Christophe n’ayant pas dans sa troupe de jeune premier capable d’assumer ce rôle, me proposa alors de lui substituer une jeune femme.

Cette jeune comédienne s’appelait Mary… et Robert le Ster devint donc Mary le Ster. Plus tard, lorsque je parvins à faire éditer les Bruines, l’imprimeur fit une coquille, oubliant l’espace entre « le » et « ster » et la bretonne Marie Le Ster devint donc Mary Lester et elle passe donc souvent comme un sujet de Sa Gracieuse Majesté.

A la fin de l’écriture de ton premier Mary Lester, pensais-tu en écrire autant ?

Bien évidemment non ! Quand j’étais jeune (depuis que je sais lire j’ai toujours été un gros lecteur) j’étais subjugué (et quelque part envieux) de ces gens qui gagnaient leur vie en écrivant des histoires. Et je me disais que compte tenu de mon piètre parcours scolaire (certificat d’études primaires en 1954) ce serait une activité qui me serait à jamais interdite. Je me disais aussi que si j’arrivais à écrire UN livre, je serais comblé. Puis, ce premier pas franchi, je me suis donné un autre challenge, avec un auteur de romans policiers (Les nouveaux mystères de Paris) que j’avais beaucoup aimé, Léo Malet. Son héros, Nestor Burma, avait mené 15 enquêtes. L’appétit venant en mangeant, je me fixai un nouvel objectif, celui de Hergé dont les Tintin de mon enfance avaient grimpé jusqu’à 22 albums.

Aujourd’hui, j’écris la 60e enquête de Mary Lester mais je ne sais si, comme Simenon avec son commissaire Maigret, j’aurai le temps d’aller jusqu’à 75. Qui vivra verra ! et, en y adjoignant une  production diversifiée (romans historiques, romans pour enfants, romans du terroirs, recueils de nouvelles, chroniques diverses) je dépasse les 80 titres (sans compter les pièces de théâtre).

Donc je trouve ça quasiment miraculeux et je remercie le ciel de m'avoir permis d’y parvenir.

 

Sophiede la Rochefoucaud dans « La Croix des Veuves » – Mary Lester 

 

Mary Lester a été adaptée en téléfilm en 1998, à partir du titre Marée Blanche. Qu’est-ce que ça fait d’être contacté par un réalisateur et ensuite de voir ses personnages portés à l’écran ?

J’ai une petite passion secrète (maintenant elle ne le sera plus), je joue au golf … C’est une activité idéale pour un écrivain qui passe le plus gros de son temps devant un écran d’ordinateur : ça fait marcher, toujours dans des sites superbes et c’est un jeu qui se pratique entre copains (je suis très attaché à mes vieux copains).

Lorsque j’ai commencé à jouer, il y a bien longtemps, un vieux golfeur m’avait prévenu : le golf c’est cinq ans d’espoir, suivis de cinq ans de désespoir ; ensuite vient le temps de la résignation.

J’adapterai volontiers cette formule aux relations que l’auteur peut avoir avec la télévision : on espère, on espère, on espère et, un jour on reçoit le coup de téléphone tant attendu : un réalisateur s’intéresse à votre héros (héroïne). C’est alors l’espoir fou et ça dure… le temps que vous voyiez ce qu’on a fait de votre histoire, de vos personnages. Alors vient le temps du désespoir qui vous mène, si vous avez un peu de sagesse, à la résignation. Reste alors à suivre le judicieux conseil de Woody Allen : « Prends l’oseille et tire toi !»

Ceci étant, mon grand regret sera de n’avoir pas pu porter moi-même la série des Mary Lester à l’écran. J’aurais adoré fignoler des répliques cinglantes à cette chère Mary Lester. Cependant, à la réflexion, cela me paraît impossible tant ma vision des choses est incompatible avec celle du petit peuple (aux gros égos) des « étranges lucarnes ».

Breton et fier de l’être, tu as mis ta région au cœur de chacune de tes intrigues. Un choix commercial ou chauvin ?

Ce n’est pas à proprement parler un choix : c’est comme ça, j’ai la Bretagne à cœur et je ne l’ai jamais quittée vingt quatre heures sans me dire : « mais qu’est-ce que je fous ici ? J’étais si bien chez moi ! »

Quelles sont tes autres productions ?

Je l’ai dit plus haut, c’est très diversifié mais ce sont les enquêtes de Mary Lester qui tiennent le haut du pavé, suivies, je dois dire par une saga du terroir (Mammig, titre générique décliné en trois tomes : Les temps héroïques, Le temps des malamoks et Pêcheurs de haute mer). Cette saga retrace, à travers une familles bigoudène, l’évolution de la pêche et du mareyage en Bretagne

Tu as fondé les Editions du Palémon parce que tu ne trouvais pas d’éditeur ou bien tu souhaitais être indépendant ?

C’est surtout une raison économique qui m’a poussé à prendre mon destin en main car, avant le Palémon, je ne percevais pas, loin s’en faut, la totalité des droits qui m’étaient dus. Ma grand-mère disait  : « on n’est jamais si bien servi que par soi-même » et La Fontaine conseillait aussi : « aide toi et le ciel t’aidera ». Suivant les recommandations de ces deux piliers du bon sens populaire, j’ai donc résolu de m’éditer moi-même, de vendre mes ouvrages moi-même ce qui m’a bien prouvé que les conseils des anciens sont  bien souvent judicieux.

Et d’abord, c’est quoi un palémon ?

Palémon : grosse crevette rose appelée communément bouquet. (Définition du petit Larousse)

C’est la pêche que je préfère (à l’haveneau dans les rochers) et c’est aussi un clin d’œil à mon ancien métier.

L’idée d’ouvrir la maison à d’autres auteurs a-t-elle été présente dès le départ ?

Non, je n’avais pas vocation à devenir éditeur. Ce sont encore les circonstances qui ont commandé. J’avais fait cette démarche un peu égoïstement, je le reconnais, simplement pour toucher mon dû : mes droits d’auteur. Delphine gérait parfaitement tout ça et, comme ça marchait, nous avons été sollicités par d’autres auteurs qui, eux aussi, rencontraient quelques déboires avec leurs éditeurs. De fil en aiguille « l’écurie » s’est étoffée et nous comptons maintenant une bonne douzaine d’auteurs qui tirent l’attelage du Palémon, ce qui a généré la création de huit emplois.

Tu as passé la main à Delphine Hamon, rentrée en stage en 2005 mais tu continues de t’intéresser à tout ce qui touche l’activité du Palémon ?

Bien sûr, je suis en contact permanent avec Delphine Hamon qui dirige l’entreprise avec une compétence souriante. Notre binôme fonctionne sans heurts et en bonne harmonie car, il y a quinze ans que ça dure,  nos vues et projets sont toujours concomitants.

Quelle est à tes yeux la valeur la plus importante ?

L’honnêteté. Je suis très attaché à la clarté vis à vis des auteurs. Nous faisons deux réunions par an avec nos auteurs pour garder le contact et les mettre au courant de l’évolution de l’entreprise (et de leurs ventes). Je ne me suis pas lancé dans cette entreprise par esprit de lucre pour toucher des dividendes, mais pour toucher mes droits d’auteur. J’entends que chacun de nos auteurs perçoive sa juste rémunération en fonction de ses ventes.

Je suis aussi très attaché à l’esprit Palémon pour que chacun  - employés ou auteurs - y viennent sans appréhension et sans rancœur. De la bonne humeur et de la courtoisie en toute circonstances s’il vous plaît !

D’aucuns se sont essayés à transiger avec ces règles de bonne conduite, mais rassurez-vous, vous ne les rencontrerez plus au Palémon.

Merci Jean Failler, pour cet entretien qui permettra de découvrir l’auteur caché derrière son héroïne Mary Lester. Merci pour ta confiance et ta bienveillance à mon égard mais aussi à celle de tous nos auteurs et acteurs du Palémon.

 

 

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice, mais pas que ... Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... 

Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

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A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.

Relecture et mise en page Ph. P et S.P.

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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