C’est en 1793, dans la prison Saint-Joseph, à Lyon que surgit, comme une inspiration divine, cette Oeuvre des Prisons.
Pendant la Terreur, un prêtre de la paroisse d’Ainay à Lyon, est incarcéré. Et en même temps que lui, sa servante CHARLOTTE DUPIN.
"Si un jour je sors d’ici, je me consacrerai au service des pauvres prisonniers".
Libérée rapidement, elle ne songe plus qu’à visiter ceux dont elle a partagé la captivité. Elle leur porte les vivres et les vêtements qu’elle quête pour eux.
Ne pouvant suffire à la tâche, sa s ?ur et d’autres jeunes filles viennent l’aider. C’est ainsi qu’au coeur de la Terreur, grandit une petite société de bienfaisance que l’on appelle "Les Charlottes". Elles se consacrent entièrement à la visite des prisons. A cette époque, les prisonniers était réduits à la plus profonde misère et à la plus affreuse malpropreté. - "Il faudrait changer les paillasses de la cellule 7. Soigner et donner du linge propre aux dix de la cellule 3..." Les Charlottes ont fort à faire et les visites deviennent rapidement quotidiennes.
Bientôt l’Administration demande à ce groupe de loger dans la prison même. Quelques-unes acceptent afin d’être plus proches des prisonniers. En 1819, l’autorité diocésaine engage fortement ce groupe à s’affilier à une Congrégation religieuse. Les Charlottes choisissent Saint-Joseph de Lyon. A partir de cette année, elles séjournent chacune quelques mois, à tour de rôle, à la Maison Mère des Soeurs de Saint-Joseph pour s’initier à la vie religieuse et y recevoir l’habit. Elles terminent ensuite leur noviciat auprès des prisonniers.
Il est certain que les services rendus et l’influence exercée par les Charlottes ont contribué à la transformation des prisons. En 1825, un Conseiller Général du département du Rhône écrit un mémoire : Il demande que les Soeurs qui y sont en fonction, soient autorisées à se constituer pour le service spécial des prisons de France.
En 1825 également, Soeur Saint Polycarpe, Elisabeth Dupleix, devient provinciale des Soeurs de Saint-Joseph de Lyon "Section des Prisons". En 1835, pour raison de santé, elle obtient d’être déchargée de ce poste. Ce sera Mère Saint Augustin, Anne-Marie QUINON, qui, désormais, aura la responsabilité de cette oeuvre naissante.
En 1838 une réforme des prisons s’avère alors absolument nécessaire. Elle est discutée à la chambre et c’est Thiers lui-même, alors Ministre de l’Intérieur, qui s’écrie en pleine séance délibérative :
"Qu’on me donne 500 religieuses, je me charge de réformer toutes les prisons du royaume ; avec leur chapelet au côté, elles auront certainement plus d’influence que des gardiens avec leur sabre".
En 1825, le Conseil Episcopal avait donné ce conseil : "Le service des prisons exige une préparation spéciale, les novices des S ?urs des prisons la recevront dans un noviciat à part".
Le 30 janvier 1841, ce même Conseil Episcopal rend une ordonnance par laquelle il sépare les deux sections des Soeurs de Saint-Joseph, laissant chacune libre de suivre son attrait particulier. C’est donc Mère Saint-Augustin, responsable de la section prison qui, aussitôt après l’ordonnance du cardinal, commence les préparatifs du départ.
L’abbé Petit, alors curé du Dorat, (dans la Haute Vienne) accueille les Soeurs et c’est dans cette ville que la nouvelle établit sa Maison Mère. Soeur Saint-Augustin devient la fondatrice de cette nouvelle famille, à qui elle donne le nom de Congrégation de Soeurs de Marie Joseph.
Le 20 février, les 11 premières S ?urs arrivent au Dorat, les autres se succèdent suivant les possibilités des diligences, et le 23 mars, Mère Saint-Augustin arrive à son tour avec les dernières.
"Le plus difficile reste à faire pour notre installation définitive. D’importants travaux devront être entrepris, mais avec l’aide de la Providence nous les mènerons à bien".
L’avenir s’ouvre et à la demande du Gouvernement, elle multiplie les fondations de Communautés en prison (35 en 18 ans) avec une activité inlassable malgré les soucis de toutes sortes : épreuves financières, épidémie de choléra, évènements politiques (2 révolutions), montée de l’anticléricalisme, qui affectent sa santé.
En 1857, elle demande à être déchargée de sa responsabilité, et deux ans après, elle meurt à MONTBRISON, dans la Loire, le 4 août 1859, quelques heures avant le Curé d’Ars.
Mère Saint Augustin n’a cessé d’appeler ses Soeurs à une totale confiance en Dieu, à l’humilité, à la simplicité et a la générosité au service des détenus sur qui elle porte un regard nouveau : "Rappelez-vous que sous l’écorce parfois rude des âmes, réside un tabernacle auquel la grâce de Dieu peut rendre sa beauté première."
"Mes filles, vous allez partir bientôt dans les maison centrales. N’oubliez pas de demander à Dieu l’amour et la générosité dans l’action et de vous conformer aux avis que je vous donne dans ce petit livre, qui est un gage de mon attachement pour vous".
"Qu’il n’y ait entre vous qu’un coeur et qu’une âme. Que l’ardente charité de Jésus anime toutes vos oeuvres".
"Vous savez que les prisons ne sont pas le séjour de la piété. Mais vous, soyez-y un Evangile vivant ; soyez le sel de la terre au milieu de ce champ de ronces et d’épines".
"Enfin, je termine ces mots en vous recommandant d’être joyeuses, d’être saintement joyeuses. Le Saint Esprit qui est Paix et Joie, aime ce qui est accompli joyeusement, dans la paix, par amour."
Les religieuses de l’ordre des Sœurs de Marie Joseph et de la Miséricorde vivent en prison. Elles sont surveillantes au n° 3 du quai de l’horloge, au bord de la Seine, à Paris. Elles accueillent celles et ceux que la vie jette sur les chemins ! vols, meurtres, fugues pour les plus jeunes, 13 ans à peine, alcoolisme, drogue, les femmes sont souvent victimes de violences, victimes avant d’être coupables. Elles essaient, disent-elles, de regarder toute personne qui arrive avec le même regard que celui que le Christ porte sur elle. Mère Marie-Bernard, la Supérieure, nous dit : “Toute personne a droit au respect de sa vocation d’enfant de Dieu”. Le travail est dur. Mais tout est dans la manière de le faire. Ces religieuses mènent, en effet, une vie de prière, toujours prêtes à accueillir les prévenues et répondre à leurs besoins. C’est une prise sur elles de la souffrances des autres. Parfois elles arrivent à prier avec les femmes, prière parfois étrange, mais c’est une prière simple et vraie, la prière du publicain. Elles témoignent de Dieu par un sourire, un regard devant leur détresse. Leur rôle est d’être toujours là, disponibles, présentes, d’être là, au cœur de chacune, condamnées ou non condamnées, leur regard ! Un pareil regard est un regard d’Amour. Toute personne a droit au respect, à la considération de sa vocation d’enfant de Dieu. “Se sentir aimé, avoir un regard de tendresse qui se pose sur vous, c’est souvent décisif et toujours important” dit Mère Marie-Bernard. Elles sont au cœur de la misère, pour être elles-mêmes un cœur, un ferment, un témoin de Dieu, et d’Amour. Elles sont là pour recueillir les larmes, donner un peu d’espoir pour celles dont l’immédiat est le désespoir. L’espérance, c’est croire en l’Amour. Chacun de nous est appelé, parce que c’est Dieu qui nous a sauvés tous, parce que Dieu nous dit : “Tu aimeras !”. C’est leur mission d’Amour au sein de cette prison quai de l’horloge. Telle est leur conclusion.
Rubrique alimentée par Monette Lécuyer, d’après l’émission diffusée sur : RCF RADIO L’EPINE