23/08/2014 - En 1659, dans la petite ville bavaroise de Schongau, un jeune garçon est repêché, mourant, dans le Lech. Sur son épaule est maladroitement tatoué un signe de sorcellerie. On accuse aussitôt la sage-femme Marcha Stechlin, que son métier amène à connaître les simples et les mystères de la vie - ce qui suffit aux yeux de beaucoup à en faire une adepte de Satan. Le bourgmestre et ses conseillers voudraient qu'on brûle immédiatement la sorcière pour rétablir le calme dans la ville et ordonnent donc au bourreau Jakob Kuisl de soumettre Martha Stechlin à la question. Mais celui-ci, convaincu de son innocence, va tout tenter pour la sauver, aidé par Simon, un jeune médecin, et par sa fille Magdalena. D'autant que les événements tragiques se succèdent : deux amies garçons sont assassinés et une fillette enlevée. L'hystérie envahit peu à peu les habitants de Schongau tandis que le diable, sous I apparence il un boiteux doté d'une main de squelette, rôde dans la ville.
Ce superbe roman plonge dans les noirceurs et les infinies ressources de l'âme humaine, et fait vivre avec une grande véracité des hommes du XVIIe siècle terrorisés par les croyances irrationnelles. Oliver Pötzsch campe en Jakob kuisl une magnifique figure de bourreau, brutal et humaniste, savant et rustre.
Oliver Pötzsch est lui-même le descendant des Kuisl, la plus célèbre dynastie de bourreaux bavarois qui régna du XVIe au XIXe siècle. Il vit avec sa famille à Munich et, depuis 2013, se consacre exclusivement à son travail d'auteur, lui qui a longtemps été journaliste radio et scénariste pour lu télévision bavaroise.
La Fille du bourreau, son premier roman traduit en français, a rencontré un immense succès en Allemagne et aux États-Unis.
- Les courts extraits de livres : 23/08/2014
Extrait du prologue
Schongau, 12 octobre de l'an du Seigneur 1624
Le 12 octobre était un bon jour pour tuer. Il avait fait pleuvoir toute la semaine, mais ce vendredi après la kermesse, le bon Dieu était revenu à la raison. Bien qu'on fût au début de l'automne, le soleil chauffait le Pfaffenwinkel et du bruit et des rires résonnaient depuis les hauteurs de la ville. Des tambours retentissaient, des grelots tintinnabulaient, un violon jouait quelque part. Une odeur de nouilles au saindoux et de viande grillée se répandait jusque dans le quartier puant des tanneurs. L'exécution promettait d'être belle.
Dans la pièce principale inondée de lumière, Jakob Kuisl secouait son père pour le réveiller enfin. Deux fois déjà, l'archer était venu les chercher. La prochaine fois, il ne se laisserait plus renvoyer. La tête du bourreau de Schongau gisait sur la table, ses longs cheveux poisseux trempaient dans une flaque de bière et d'eau-de-vie. Il ronflait non sans tressaillir parfois dans son sommeil.
Jakob se pencha à l'oreille de son père. Il sentit un mélange d'alcool et de sueur. De sueur d'angoisse. Son père sentait toujours ainsi avant une exécution. Lui qui d'ordinaire ne buvait que modérément se mettait à se soûler dès que la sentence tombait, et parfois même avant. Il ne mangeait presque rien et ne parlait quasiment plus. La nuit, il se réveillait en hurlant, trempé de sueur. Les deux derniers jours, on ne pouvait pratiquement plus lui adresser la parole. Sa femme, Katharina, le savait et préférait dans ce cas-là aller habiter chez sa belle-soeur avec ses enfants. Jakob, lui, devait rester, c'était après tout le fils aîné et, par conséquent, l'aide de son père.
«Nous devons partir ! L'archer nous attend !»
Jakob avait d'abord murmuré, puis parlé d'une voix forte, et à présent, il beuglait. Enfin, les ronflements du colosse cessèrent.
Johannes Kuisl regarda son fils avec des yeux injectés de sang. Sa peau avait la couleur d'une vieille pâte à pain desséchée, dans sa barbe noire et hirsute subsistaient des reliefs de la soupe à l'orge de la veille. Il passa sur son visage ses longs doigts crochus, presque des griffes. Puis il se leva de toute sa taille, qui ne faisait pas loin de six pieds. Le corps puissant chancela un moment, parut sur le point de tomber en avant. Mais Johannes Kuisl se ressaisit et se redressa.
Jakob tendit à son père la veste tachée, le pourpoint en cuir et les gants. Le géant s'habilla posément et repoussa les cheveux qui lui tombaient sur le front, puis il se dirigea sans un mot vers le fond de la pièce. C 'était là, entre le banc de cuisine usé et le «coin du bon Dieu» avec son crucifix et ses roses séchées, qu'était posée l'épée de justice. Elle mesurait bien quatre coudées de long, n'avait qu'une garde courte, pas de pointe, mais une lame capable de couper en deux un cheveu lancé en l'air. Son père l'aiguisait régulièrement. Elle brillait au soleil comme si elle avait été forgée la veille. Personne n'aurait su dire son âge. Avant Johannes Kuisl, elle avait appartenu à son beau-père, Jörg Abriel, et avant celui-ci, au père Abriel et au grand-père. Un jour, elle appartiendrait à Jakob.
L'archer attendait devant la porte de la maison. Le petit homme malingre ne cessait de tourner la tête vers les remparts de la ville. Ils étaient en retard, la foule devait commencer à s'impatienter.
«Prépare la charrette, Jakob.»
La voix de son père était calme et grave. Les hurlements et les sanglots de la nuit passée s'étaient évanouis comme par enchantement.
Auteur : Olivier Pötzsch
Traducteur : Johannes Honigmann
Date de saisie : 10/06/2014
Genre : Policiers
Editeur : Jacqueline Chambon, Paris, France