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Portrait du jour - Adeline Coursant, directrice du Centre de transcription en braille de Toulouse ...

Reprise du portrait du jour criminocorpus - En attendant de publier ce portrait du jour dans la nouvelle version "Culture et Justice" de l'association Criminocorpus, nous mettons en ligne celui de Adeline Coursant  sur mon blog personnel

Adeline fut également une sportive de haut niveau : Championne d’Europe de Tir, 4e au Championnat du Monde, 12 Coupes du Monde, 6 fois Championne de France...

Portrait du jour atypique , riche en rebondissements divers ... et tellement sympathique !

Bienvenue Adeline sur le très discret et prisé "Culture et justice" ...Ph. P

Dernière modification le 14 octobre 2020

 

«Gérer, développer, créer, organiser, a toujours été mon truc. Ma carrière sportive y est sans doute pour beaucoup, le monde associatif que j’ai toujours côtoyé également. Parce qu’il reste tant à faire pour aider les personnes déficientes visuelles, je ne manque pas de motivation avec mon équipe, et d’idées pour proposer des services favorisant une société inclusive.» - Adeline COURSANT

Portrait Adeline COURSANT – Criminocorpus 12/05/2020

"Je suis née le 17 mars 1972 à Dieuze – une petite ville de Lorraine. J’étais une enfant calme, solitaire, créative et curieuse de savoir secrètement ce qui intéresse les gens et pourquoi. Je me suis toujours demandé pourquoi moi, j’étais venue au monde. Il m’a toujours semblé qu’il y avait un grand décalage entre les enfants de mon âge et mes préoccupations. Mes parents ont choisi de m’inscrire dans de nombreux sports. Par respect pour leur effort financier, mais aussi parce qu’il n’était pas dans mon intérêt de me rebeller, je me suis investie plus de 15 ans dans plusieurs disciplines : la danse classique et jazz (que je n’affectionnais pas beaucoup), la natation avec les militaires du 13ème régiment de parachutistes (ma différence d’âge avec les militaires n’attendrissait en rien les instructions du maître-nageur), l’équitation dans une SHN militaire (j’adorais ce rapport à l’animal – même si j’ai connu plusieurs fractures suite à des chutes) et enfin le tir sportif où je trouvais un moyen simple d’exprimer mon potentiel et ma recherche de perfection sans avoir à tenir compte du comportement des autres ou même… d’un cheval. Je voyais les armes comme des outils à maîtriser et qui permettaient de se maîtriser. Non comme des objets pouvant donner la mort. À 11 ans, je rasais pour la première fois le podium de France en tant que pistolière.

A 13 ans, on me proposa d’intégrer une section sport / études en tir à la carabine et arbalète. J’ai refusé, notamment, parce que cela allait me priver de mes compétitions d’équitation, mais aussi parce que je ne trouvais pas l’entraîneur de tir suffisamment mature pour me cadrer si loin de mon domicile et m’apprendre des choses. Je continuais cependant de briller dans toutes les compétitions de tir, et à 17 ans je reçus une nouvelle fois la proposition d’intégrer la section Tir au CREPS de Strasbourg avec un nouvel entraîneur. Je suis donc rentrée en Équipe de France en 1989, où après mon bac j’ai étudié la psychologie. Il me semblait judicieux de rechercher ce qui pouvait influencer le mental afin de canaliser mes émotions et mon énergie pendant les compétitions. La Faculté des Sciences à Strasbourg m’avait vendu un programme de cours adapté à mon profil, notamment parce qu’à l’époque j’étais présélectionnée pour les Jeux Olympiques de Barcelone. Mais en réalité le cursus n’avait en rien été aménagé pour adhérer à mon rythme d’entraînements et de compétitions. Alors en parallèle, je passais le diplôme du brevet d’état d’entraîneur sportif en tir.

Je sentais que je n’étais pas encore sur ma voie, et j’avais l’impression de ne plus avancer. Ma décision fut alors de rejoindre l’INSEP – l’Institut National du Sport à Paris. De nouvelles études et un nouvel entraîneur allaient me redonner la motivation nécessaire pour poursuivre le but que je m’étais fixé, à savoir : atteindre mes limites dans un domaine donné (en l’occurrence : le tir). Il avait été clair dans ma tête, que je ne consacrerai pas ma vie au tir, car j’avais envie de connaître trop de choses et de gens différents pour me contenter d’une vie en un chapitre. Je décidais que la fin de mes études en ingénierie du management et gestion devrait coïncider avec l’atteinte de mon but sportif. Et ce fut le cas, même si à juste titre, j’espérais une carrière encore plus élogieuse.

Coupée de ma principale drogue, l’adrénaline, je découvrais la fadeur d’une « vie normale ». Je ne ressentais plus la moindre émotion de joie, parce que la seule joie que je connaissais était la résultante des combats acharnés que je livrais contre moi-même. J’observais les gens autour de moi qui semblaient heureux d’aller au cinéma, d’aller à une fête de famille, de faire du shopping…, et je me disais : « c’est donc ça qui est sensé me donner du plaisir dans la vie ? ». Cet état semi-dépressif que connaissent tous les sportifs en reconversion allait bien pouvoir durer toute ma vie si je ne trouvais pas de nouveaux défis à relever. Dès mes premiers emplois, je fus vite confrontée à la plus dure des réalités : dans la vraie vie, il ne suffisait pas d’être le meilleur et de respecter les règles pour réussir ; il fallait avant tout être en capacité de détourner les règles à son avantage et savoir avilir les autres. Cette constatation allait contre tous mes principes, et j’avais l’impression de me retrouver malgré moi dans une jungle sans foi ni loi, et sans possibilité de retour en arrière.

J’avais atteint les 30 ans, et ce monde ne me convenait pas. Les gens que j’étais amenée à côtoyer ne pouvaient pas s’imaginer le décalage qu’il y avait entre les illusions qui m’ont construites et l’illusion de la vie que je devais désormais assumer. Bien que consciente de mes capacités, j’éprouvais la solitude dans sa forme la plus négative.

Mon parcours professionnel fut des plus varié et atypique, parce que je cherchais partout un moyen d’exister, de survivre avant de pouvoir m’accomplir. Je savais alors qu’il me fallait comprendre un maximum de règles, de codes, pour savoir comment évoluer.

J’ai ainsi commencé à travailler comme commerciale dans une SSII à Paris, puis ayant quitté le campus sportif, je me suis mise à avoir Paris en horreur. Je suis allée m’installer à Bordeaux, avec mon compagnon de l’époque, un sportif de haut-niveau en lutte gréco-romaine, qui se lançait lui aussi dans la vie active. Une fois à Bordeaux, nous nous sommes vite séparés car libéré des contraintes sportives, il se découvrait une vie d’adolescent qu’il n’avait jamais eu. J’ai ensuite dû rapidement trouver un emploi alimentaire. Je suis devenue chef de rayons chez Go Sport. J’étais tellement exploitée, que j’ai perdu 18 kg en 6 mois. Ayant fait une nouvelle rencontre amoureuse avec un commerçant à qui je venais de vendre une paire de rollers, j’ai créé avec lui une chocolaterie, et géré plusieurs commerces de bouche dont un restaurant. Notre duo professionnel ne marcha pas longtemps, car malgré mes idées novatrices et mon investissement, je demeurais à ses yeux une petite main qu’il avait ou non le loisir de payer. J’ai alors accepté un poste dans la gestion de patrimoine. Aujourd’hui encore, j’ai honte d’avoir effectué les démarches commerciales qui m’ont été imposées et la manière dont on a spolié mon salaire.

Plus rien ne me retenait à Bordeaux, si ce n’est la proximité avec l’océan que j’aime tant. Ma sœur, qui habitait encore à Paris, m’annonça par téléphone que son mari venait d’être muté à Toulouse. Je ne me voyais pas spécialement rentrer davantage dans les terres, mais je me retrouvais seule, une fois de plus, et je me disais qu’il serait peut-être temps pour moi de retrouver une partie de ma famille, après tant d’années d’éloignement.

Un mois après le tragique événement survenu à AZF en 2001, j’emménageais au domicile de ma sœur. Mon premier emploi à Toulouse, était une mission à la Direction Régionale des Finances Publiques. J’appréciais sans jugement le travail en équipe et le milieu fonctionnaire, mais au fond de moi, je ne me voyais pas accepter longtemps d’être une fourmi dans une fourmilière. J’avais déjà éprouvé ce sentiment, lorsque j’avais été stagiaire dans le service des relations internationales au Ministère de la Jeunesse et des Sports où l’on m’avait donné à rédiger le discours de Jacques Chirac pour l’ouverture de la Coupe du Monde de foot en 1998.

Cette mission terminée, je décrochais un poste d’adjointe de direction dans une grande entreprise de nettoyage industrielle. Je me suis tellement investie dans ce poste, qu’en 6 ans, je n’ai pas eu la force de découvrir la ville dans laquelle je m’étais installée. Ma réussite à gérer une entreprise de 750 salariés allait, sans que je ne m’en rende compte, devenir une menace pour le Chef d’Agence qui lui-même était supervisé par le groupe parisien. Il s’en suivit un an et demi de harcèlement moral pour que je démissionne. Ma combativité, ma détermination et ma fierté ont eu raison de mes adversaires. J’ai finalement obtenu un licenciement assorti d’un très beau chèque. Mais un chèque ne soigne pas le cancer qui venait de se déclarer en moi, tout au plus il compense un peu le sentiment d’injustice que j’avais vécu. Cette longue immersion dans cet océan des requins m’avait appris à nager, mais je rêvais d’eaux plus calmes et d’un environnement moins hostile. Ma première idée fut de me mettre à mon compte dans la commercialisation de gros matériel médical sur la Région. Il me fallait à tout prix me délester d’une hiérarchie pyramidale et d’ordres absurdes. Le petit pécule amassé à la suite de mon licenciement allait me laisser une année pour tenter une aventure professionnelle en solo (ou presque). Les conditions commerciales exigées par le fabricant d’équipements médicaux n’allaient pas me permettre de rentabiliser mon affaire.

Je devais reconditionner mon mental pour accepter de redevenir salariée. Le secteur du bâtiment me semblait présenter un bon compromis dans mes recherches. J’avais appris à travailler exclusivement avec des hommes, et la mentalité des artisans me semblant être de nature directe et pragmatique. J’imaginais rencontrer moins de difficultés à travailler avec eux plutôt qu’avec des costards-cravates. Je devins ainsi, représentante en peinture industrielle, co-responsable d’un magasin en vente directe d’usine. Pour être acceptée par les artisans, il m’a fallu en apprendre plus qu’eux sur les techniques d’usage et les propriétés des produits, sans cela je n’aurais jamais eu la confiance de mes clients qui étaient pour la première fois courtisés par une femme. Si je n’avais pas été accusée de vol de caisse par le propriétaire de l’usine de peintures, je pense que j’aurais pu passer quelques années dans ce métier. Il était plaisant pour moi de découvrir des chantiers de toute sorte, d’établir des préconisations, et d’accorder des poses de rigolade aux artisans lors de mes visites.

Après cela s’en est suivi une longue période de chômage. J’ai cumulé de nombreux autres jobs pour l’État, dans le privé, ou à mon compte. J’étais barmaid, responsable pédagogique de formation, conseillère en création et développement d’entreprises, agent pour les autoroutes, vendeuse sur les marchés de plein vent, entraîneur sportif etc.

Depuis que j’avais abandonné ma vie de sportive, j’avais l’impression de ne plus maîtriser ma vie. Je nourrissais des déceptions, et je me demandais si un jour j’allais trouver ma place.

Je savais ce que je ne voulais plus, mais je ne savais plus ce que je voulais. Ma sœur qui travaillait depuis de longues années dans le milieu de la surdité, me semblait avoir une vie professionnelle moins chaotique que toutes celles que j’avais connues. Je me disais que je ferais bien de me diriger dans le domaine social. Je concentrais alors mes recherches d’emploi vers des organismes comme la fondation de l’Abbé Pierre, les restos du cœur, les Apprentis d’Auteuil etc… Je voyais dans ces domaines d’activité, un moyen d’exploiter au mieux mes compétences, mais surtout de les mettre à profit des gens qui en ont le plus besoin.

Après 1393 candidatures envoyées et enregistrées sur compte Apec en 2014 (je n’ai pas comptabilisé les autres), j’allais être embauchée par une association : le Centre de Transcription et d’Édition en Braille. Ce qui m’a fait énormément de bien, lors de cette embauche, c’est que j’ai été recrutée par une personne aveugle. Moi qui avais tant de fois été victime de mon physique, supposé induire des prédispositions commerciales, j’étais enfin écoutée pour mes réelles compétences, à savoir : la gestion, la création et le développement d’activités.

Cette association, le Cteb était un peu pour moi comme une vieille malle qu’on trouve au fond d’un grenier. Il y avait plein de choses importantes dedans, mais elles n’étaient plus aux goûts du jour. En l’ouvrant, je découvrais une cause à défendre, un moyen de me rendre utile. Et je mesurais que j’avais bien en moi la force pour aider.

La suite ne peut pas s’écrire maintenant, alors je vais vous parler du Cteb en espérant vous sensibiliser vous aussi sur les besoins de l’association.

2017 - Grâce à un partenariat avec les éditions Flammarion, le Centre de transcription et d’édition en braille de Toulouse (Cteb) publie pour la première fois un ouvrage à destination des aveugles en amont de sa version pour le public voyant. Zoom sur le seul établissement français qui transcrit livres, magazines et relevés bancaires en braille. Crédits : Cteb)[/caption]

Au service des personnes non-voyantes depuis 1989, le Cteb est l’une des plus importantes imprimeries braille de France, reconnue d’intérêt général.

La principale mission du Cteb est de permettre et de favoriser l’accès à l’information, et à la culture des personnes déficientes visuelles.

Le Cteb offre une librairie de 1600 ouvrages en braille et transcrit de nombreux magazines d’information. Acteur majeur dans la réalisation des commandes publiques et des commandes du secteur privé en conformité avec la loi handicap de 2005, l’association se positionne aussi en termes de conseil auprès des instances soucieuses d’harmoniser l’inclusion des personnes déficientes visuelles.

Savez-vous que seuls 3% de la production littéraire annuelle en France est accessible en braille ? La raison en est simple : il faut compter environ 550 € pour produire un livre en braille. Hormis les médiathèques, peu de particuliers aveugles peuvent se permettre d’acheter un livre en braille et encore faut-il que ce livre corresponde à ses goûts de lecture car le choix est très restreint.

L’objectif de l’association est de produire davantage de livres, et de pouvoir les vendre au prix où une personne « voyante » pourrait se les acheter en librairie.

Pour démocratiser l’accès au livre, à la culture et au savoir, le Cteb a besoin de vous, mécènes et particuliers. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l’association : www.cteb.fr ou contactez moi !" https://www.cteb.fr/

http://www.aveuglesdefrance.org/le-reseau/centre-de-transcription-et-d-edition-en-braille

Adeline Coursant

Directrice du Cteb

Championne d’Europe de Tir,

4e au Championnat du Monde,

12 Coupes du Monde,

6 fois Championne de France.

 

 

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... 

Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

https://www.facebook.com/pageculturejustice

A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.

Nos autres sites : REVUE

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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